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L'annulation des loyers HLM de Bobigny n'est pas légale, même pour cause de Covid-19

L'annonce avait été très commentée, alors que des ménages modestes mis en difficulté par le confinement commençaient à peiner pour faire face paiement des loyers. Dans une délibération du 3 juin 2020, le conseil municipal de Bobigny (Seine-Saint-Denis, 54.000 habitants) avait en effet décidé d'annuler purement et simplement le versement des loyers du mois d'avril pour l'ensemble des locataires du parc HLM de la ville, en prenant en charge la dépense correspondante. Une délibération similaire avait ensuite été adoptée par le conseil d'administration de l'Office public de l'habitat (OPH) de Bobigny. La mesure – une première en France – n'avait rien d'anodin, puisqu'elle devait concerner environ 4.000 foyers locataires de l'OPH, pour un coût de l'ordre de 800.000 euros compensant un peu plus de la moitié de la perte pour l'Office (estimée à 1,3 million). Le maire était alors Stéphane de Paoli (UDI), qui avait pris en 2014 la tête de cette ville communiste depuis 1944.

Mais par un courrier du 26 juin – à deux jours du second tour des municipales –, le préfet de Seine-Saint-Denis demandait au maire de Bobigny de revenir sur cette mesure qui "portait une atteinte excessive au principe d'égalité d'accès au service public et serait de ce fait illégale". Le préfet soulevait également un risque d'illégalité dans la convocation et la délibération du conseil d'administration de l'OPH. Le problème réside en effet moins dans la dispense de paiement des loyers d'avril, que dans la subvention versée à l'OPH, qui fausse l'égalité avec les autres opérateurs du logement social intervenant sur le territoire de la commune.

Le maire n'a cependant pas eu le temps de répondre à ce courrier puisque, le 28 juin, le PCF a repris la mairie de Bobigny. Dans un communiqué du 8 juillet, le nouvel élu, Abdel Sadi, indique qu'"ayant été élu nouveau maire de Bobigny, je prends acte de cette demande et me conformerai à la sollicitation de Monsieur le Préfet". Il considère aussi "que cette communication du préfet constitue l'épilogue d'un mauvais feuilleton dont les principales victimes sont avant tout les locataires de l'OPH de Bobigny". Comme dans bon nombre d'autres villes, la nouvelle municipalité "entend agir pour aider les locataires pénalisés par cette mesure. Des dispositifs d'accompagnement seront mis en place et la ville entend agir de manière juste et proportionnée en direction de tous les locataires du logement social à Bobigny".

Il est vrai que la mesure, par son caractère très général et par sa proximité avec une élection, n'avait pas soulevé une franche adhésion. Outre des réticences au sein même de l'OPH, Manuel Domergue, le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, jugeait cette disposition "un peu démesurée dans le sens où la plupart des locataires n'ont pas de baisse de revenus". Il soulignait également le caractère non reproductible d'une telle mesure, en rappelant qu'"il faut savoir que trois mois de loyers dans le parc privé et social, cela représente une facture de 18 milliards d'euros", plaidant du coup plutôt en faveur d'un dispositif ciblé sur les personnes véritablement en difficulté.

 

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