L’aide alimentaire, encore plus incontournable avec l’inflation

Après l’épidémie de Covid, l’inflation pèse sur le budget alimentaire des personnes pauvres qui se tournent davantage et plus fréquemment vers l’aide alimentaire. Dans deux études distinctes, le réseau des Banques alimentaires et l’Union nationale des groupements des épiceries sociales et solidaires mettent en évidence la diversité des profils des bénéficiaires – retraités, travailleurs pauvres dont salariés en CDI, étudiants, jeunes enfants… – et insistent sur la nécessité d’une aide alimentaire de qualité.

"Les Banques alimentaires accueillaient 820.000 personnes en 2011, contre 2,4 millions fin 2022, soit trois fois plus de personnes en 10 ans." Dans la nouvelle édition de son "Étude profils" publiée ce 27 février 2023, la Fédération française des banques alimentaires constate que, "en moins de deux ans", 400.000 nouvelles personnes se sont présentées dans les associations, centres communaux d’action sociale (CCAS) et épiceries sociales du réseau.

La Fédération met l’accent sur la diversité des publics de l’aide alimentaire, puisque "17% des personnes accueillies sont à la retraite et 17% d’entre elles ont un emploi" (dont 60% en CDI et 66% à temps partiel). Parmi les 83% de bénéficiaires qui sont sans emploi, outre les retraités, 27% sont au chômage et 14% sont handicapés, invalides ou en maladie longue durée, selon cette étude réalisée à l’automne 2022 auprès de 1.200 personnes via 85 centres de distribution portés par des associations et CCAS du réseau. 

Dans un panorama publié le 22 février 2023, l’Union nationale des groupements des épiceries sociales et solidaires (Ugess) dresse le même constat d’une hausse de fréquentation des épiceries sociales et solidaires et de l’affirmation d’un "nouveau visage de la précarité". Outre la présence des retraités, des étudiants et des travailleurs pauvres, l’Ugess souligne "la surreprésentation bien connue désormais d’un public mineur de moins de 15 ans (30% des publics des épiceries pour 17% de la population)".  

Un recours à l’aide alimentaire plus fréquent

Avec l’inflation, l’alimentation devient en 2022 le deuxième poste de dépense des ménages interrogés par le réseau des Banques alimentaires (+ 14% par rapport à 2020), après le logement et avant les factures d’eau et d’énergie. Le revenu moyen des bénéficiaires est de 850 euros par famille et de 500 euros par unité de consommation ; 94% des personnes accueillies se trouvent sous le seuil de pauvreté. La Fédération française des banques alimentaires observe une hausse de la part de nouveaux bénéficiaires (38% venant depuis moins de six mois, + 3% par rapport à 2020) et de la fréquence du recours (58% de personnes accueillies à l’aide alimentaire une à deux fois par semaine, + 6%).

L’aide alimentaire est en outre considérée comme "essentielle" pour davantage de personnes accueillies par le réseau des Banques alimentaires : 67% des répondants, soit une hausse de 15%. Les personnes viennent aussi plus globalement chercher un "soutien moral et social" et "deux personnes sur trois expriment le besoin d’être accompagnées". Les Banques alimentaires sont également un lieu pour rompre l’isolement, la rencontre avec d’autres personnes étant la "motivation principale" de 70% des répondants et 40% des personnes accueillies vivant seules. 

Qualité de l’aide alimentaire : un enjeu de santé publique

Les deux réseaux insistent sur la nécessité de pouvoir proposer aux personnes une alimentation diversifiée et de qualité. "Les personnes souhaitent en priorité avoir accès aux produits qui pèsent sur leur budget : produits protéinés (viande, poisson, œufs) et les fruits et légumes", met en avant le réseau des Banques alimentaires. Ce dernier considère qu’il s’agit d’"un enjeu d’équilibre nutritionnel majeur puisque 71% des personnes déclarent au moins un problème de santé".

"Ce sont bien les populations les plus précaires qui souffrent de problèmes de santé liés à l’alimentation" tels que le diabète et l’obésité, abonde l’Ugess. "Proposer des produits de meilleure qualité, non transformés, ni trop gras, salés ou sucrés est donc un enjeu de santé publique", affirme encore l’Union des épiceries sociales et solidaires. Or, "l’inflation rend particulièrement difficile l’approvisionnement en certains produits jusqu’ici plutôt accessibles : huiles, féculents ou produits laitiers", alerte-t-elle.

L’Ugess acte la création du fonds pluriannuel de 60 millions d’euros pour une aide alimentaire durable (voir notre article du 3 novembre 2022) mais considère que cette mesure, si elle est isolée, "n’aura une efficacité que toute relative". Le réseau plaide en particulier pour une hausse du crédit national des épiceries sociales (Cnes) qui permettrait selon lui de compenser "le caractère fluctuant des dons" et de garantir une meilleure qualité de l’approvisionnement. Selon l’Ugess, la baisse de qualité des dons de la grande distribution est un des effets collatéraux de la réussite de la lutte antigaspillage dans les enseignes.