L'aide alimentaire a augmenté en 2021, surtout dans les grandes villes
Une étude de la Drees confirme "une fréquentation accrue des centres de distribution dans les grandes villes les plus exposées à la pauvreté début 2021" par rapport à la même période de l'année précédente. De quoi étayer de façon statistique ce qu'avancent les associations caritatives. L'étude met aussi en évidence des disparités marquées entre territoires urbanisés et plus ruraux, ainsi qu'entre régions.
La Drees (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques des ministères sociaux) publie une étude sur l'aide alimentaire durant la crise sanitaire. L'étude porte plus précisément sur l'activité des centres de distribution d'aide alimentaire au premier trimestre 2021 (les questionnaires étant restés en ligne en mai et juin). Elle s'appuie sur une enquête qui a permis de faire remonter les réponses exploitables de 1.589 centres, indépendants ou rattachés notamment à l'Unccas, à la Fédération française des banques alimentaires, à la Croix-Rouge, à l'Andes (Association nationale de développement des épiceries solidaires), aux Restos du cœur ou à d'autres réseaux. Ces répondants représentent environ 15% de l'ensemble des centres potentiellement concernés.
Taux de pauvreté stable, mais demande alimentaire en hausse
La Drees ne manque pas de faire remarquer que, selon les chiffres précurseurs publiés par l'Insee, le taux de pauvreté est resté stable en 2020 (voir notre article du 4 novembre 2021). Compte tenu de la très forte reprise de la croissance économique, on peut raisonnablement espérer qu'il en sera de même pour l'année 2021. Pourtant, "pour certaines des personnes que la pauvreté affectait déjà, les répercussions de la crise ont pu se traduire par une aggravation de leur situation". Le recours à l'aide alimentaire, "que l'on peut considérer comme un marqueur de la grande précarité", a ainsi progressé en 2020. Selon des remontées des associations disposant d'une habilitation à l'aide alimentaire, la progression en 2020 serait de 10,6% pour les volumes distribués (contre +2,9% en 2019) et de 7,3% pour celui des inscriptions dans l'année (contre +4,4%). L'enquête lancée par la Drees permet d'aller toutefois plus loin dans l'analyse et d'affiner ces chiffres. Les résultats présentés s'appuient également sur une étude menée par l'Insee de mi-novembre à mi-décembre et portant cette fois-ci sur les bénéficiaires de l'aide alimentaire.
Selon l'enquête de la Drees, plus de la moitié (57%) des centres répondants indiquent avoir connu, au printemps 2021, une augmentation, forte (21%) ou modérée (36%), du nombre de personnes ayant reçu une aide alimentaire par rapport au même trimestre d'avant-crise. À l'inverse, 40% des centres estiment la fréquentation stable, voire en diminution. Toutefois, les deux tiers des centres (65%) se retrouvent pour signaler un accroissement de la part des nouveaux bénéficiaires parmi l'ensemble des personnes aidées, et près d'un sur cinq (18%) juge cet accroissement important.
Des écarts significatifs entre territoires
L'étude met en évidence des écarts significatifs selon la typologie des territoires. Ainsi, "plus la taille des centres est élevée, plus l'augmentation des bénéficiaires est jugée forte". Par exemple, 31% des centres comptant plus de 150 personnes aidées par semaine – ce qui correspond à des centres se trouvant plutôt dans les grandes villes – disent avoir été confrontés à une augmentation forte, contre 11% des centres aidant moins de 35 personnes. Ce critère de taille semble jouer indépendamment de la localisation du centre et de son mode de distribution. Pour la Drees, "ce constat suggère que les personnes ayant eu besoin d'une aide alimentaire se sont dirigées plutôt vers des grandes structures que vers des associations plus petites et bénéficiant sans doute à ce titre d'une moindre notoriété". En outre, durant la crise sanitaire, les centres les plus importants ont pu bénéficier d'un meilleur approvisionnement, car comptant un plus grand nombre de bénévoles pour assurer la logistique et la distribution.
En termes géographiques, certaines régions semblent avoir été plus affectées que d'autres par la hausse de la demande d'aide alimentaire. C'est le cas de l'Île-de-France, de la région Paca (où 37% des centres font le constat d'une forte augmentation du nombre de personnes accueillies, soit +16 points par rapport à la moyenne nationale de 21%), de l'Île-de-France (35%) et de l'Outre-Mer (31%).
De façon logique, ces régions concentrent également les parts les plus élevées de sites déclarant une augmentation des volumes distribués. À l'inverse, d'autres régions indiquent avoir connu une stabilité ou une diminution du nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire au premier trimestre 2021. C'est tout particulièrement le cas des Pays de la Loire (55,2% des centres affichent une stabilité ou une diminution) et de la Normandie (50%), mais aussi de régions comme Grand Est (45,9%) et Auvergne-Rhône-Alpes (45,3%).
Les grandes unités urbaines les plus affectées... et les plus petites
Au sein des régions, les grandes unités urbaines semblent avoir été les plus affectées par la hausse de la demande d'aide, mais c'est aussi le cas des plus petites. Dans les unités urbaines de plus de 200.000 habitants, 38% des centres disent avoir confrontés à une forte augmentation du nombre de personnes aidées, 33% à une hausse de la part des nouveaux publics et 32% à une augmentation forte des volumes distribués. Dans les unités urbaines de moins de 5.000 habitants, 33% des centres ont connu une forte augmentation du nombre de personnes aidées, mais seuls 11% évoquent une forte hausse de la part des nouveaux publics et des volumes distribués.
De même, la perception de la typologie des nouveaux publics varie d'un territoire à l'autre. Par exemple, les centres franciliens citent plus souvent les personnes seules (25% contre 15% sur l'ensemble du territoire), les travailleurs précaires (21% contre 14%) et les étudiants (16%, contre 10%). La région Paca cite davantage les personnes non francophones (23% de centres contre une moyenne nationale de 11%), les travailleurs précaires (23% contre 14%), les femmes (23% contre 13%) et les familles monoparentales (22% contre 13%). En Outre-Mer sont cités plutôt les familles monoparentales (38% contre 14%), les femmes (29%, contre 13%) et les chômeurs (25%, contre 9%). Comme le constate la Drees, "l'évolution des différents publics épouse la composition sociale des territoires".