Administration numérique - L'administration numérique peine à se développer dans les petites communes

Les petites communes ont plus de difficulté que les autres à prendre le virage du numérique... C'est en substance ce que confirme la récente enquête menée par l'éditeur de logiciels JVS Mairistem sur les communes de moins de 10.000 habitants dans le baromètre de la dématérialisation qu'il vient de publier. Si les plus petites communes de France parviennent à peu près à suivre les obligations imposées par la réglementation, elles ne semblent guère en mesure d'aller plus loin aujourd'hui ce qui fait courir le risque d'une administration à deux vitesses.
"Sur le terrain et malgré toute la volonté des agents, des élus, nous constatons que les chantiers de la dématérialisation avancent difficilement", indique l'éditeur pour expliquer la création de son baromètre, qui a donc "souhaité comprendre ce qui pouvait freiner les projets afin d'aider les institutions compétentes à prendre les bonnes décisions".
Les résultats de ce baromètre, réalisé dans le courant du mois d'octobre, sont d'autant plus préoccupants qu'ils portent sur 98% du bloc communal et touchent 52% des Français. Certes, dans les communes de moins de 10.000 habitants, la gestion a évolué, s'est modernisée, mais beaucoup moins rapidement que dans les communes de taille plus importante. Les petites communes peinent à basculer dans le "nouveau monde" de la dématérialisation et des services en ligne. Si le constat est général, le découpage en trois strates - communes de moins de 1.000 habitants, communes comprises entre 1.000 et 3.500 habitants et le reste des communes inférieures à 10 000 habitants - fait apparaître également d'importants écarts : plus la taille des communes est réduite et plus les difficultés à suivre les évolutions amorcées sont élevées.

Inégalités en matière d'équipements

Les disparités apparaissent d'entrée sur l'équipement. En dessous de 1.000 habitants, 69% des communes ne disposent pas de serveur et comptent moins de cinq postes de travail informatiques. Dans la tranche intermédiaire, le taux de présence des serveurs se rapproche des 90% et les communes disposent d'une moyenne de 6 à 10 postes dans la tranche intermédiaire, puis de plus de 20 postes dans la dernière tranche. La qualité de la connexion internet varie également puisque seulement 46% des communes de moins de 1.000 habitants accèdent au haut débit, tandis que cette proportion approche les 70% pour les autres tranches. L'usage professionnel des mobiles demeure relativement marginal dans toutes les tranches : 7% dans les communes de moins de 1.000 habitants, 19% et 34% dans les deux suivantes. Les tablettes numériques connaissent une répartition similaire, mais avec un taux d'utilisation deux fois inférieur. Seuls les élus font exception. Globalement, ils utilisent davantage les terminaux mobiles : de 28% à 69% pour les téléphones mobiles et de 10% à 37% pour les tablettes.

Moins de 15% d'élus référents sur le numérique

L'étude s'intéresse en second lieu à la diffusion de la culture numérique dans les communes. Là encore, les résultats confirment une appétence modérée, qui s'exprime notamment dans le choix des délégations d'élus. Le nombre d'élus référents sur le numérique est de 10% dans les communes de moins de 1.000 habitants. Il passe respectivement à 16% et 22% dans les tranches suivantes.
Plus inquiétant, les intercommunalités ne font pas beaucoup mieux alors que beaucoup de communes interrogées appartiennent à des ensembles intercommunaux de 30 à 40.000 habitants, plus équipés, donc a priori aussi plus acculturés. On relèvera aussi que 33% des communes de 3.500 à 10.000 habitants disposent d'un service informatique. Toutefois, leur nature et leurs capacités ne sont pas précisées. On peut supposer que la plupart de ces services sont de simples structures de maintenance et n'ont pas de véritables capacités en ingénierie de projets.
Le travail collaboratif s'y développe, mais semble surtout présent dans les communes de la strate la plus élevée, jusqu'à hauteur de 88%, contre seulement 15% dans les communes de moins de 1.000 habitants. Les intercommunalités sont également en retard puisqu'un quart seulement pratique aujourd'hui le travail en réseau. Quant à l'usage des courriels, il est devenu assez courant pour 68% des répondants. Ils déclarent bien une adresse professionnelle, mais seulement 12% disposent d'une adresse sur le nom de domaine de leur commune.

Quand la réglementation devient moteur de la dématérialisation

La dématérialisation connaît tout de même un certain amorçage. Les taux d'usage de la signature (36%), du certificat ou du parapheur électronique (24%) confirment une évolution, mais qui résulterait surtout d'obligations réglementaires. C'est notamment le cas du PES V2 (Protocole d'échange standard) qui occupe la première place du podium des protocoles les plus utilisés avec un taux d'adoption supérieur à 90 (obligatoire au 1er janvier 2015). Il est suivi par la norme "N4DS" (Norme pour la déclaration dématérialisée des données sociales qui remplace la DADS-U) avec 44% d'adoption et par Xémelios, outil utilisé par 39% des répondants.
Le choix des outils et protocoles de dématérialisation apporte bien de nouvelles capacités de dématérialisation, mais celles-ci ne sont que très faiblement exploitées et l'essentiel du travail de modernisation reste encore à accomplir : 9% des communes de moins de 10000 habitants proposent une plateforme de téléservices, les portails collaboratifs plafonnent à 6%, la gestion électronique des documents n'est utilisée que dans 5% des cas et le cloud computing reste insignifiant avec 2%.
Cette tendance pourrait perdurer car, à l'examen des projets en cours d'adoption, on retrouve le PES V2 et l'utilisation d'un certificat ou d'un parapheur électronique (25%). En revanche, les plus récents téléservices mis en œuvre, à l'image de Comedec (état civil), restent toujours inconnus de deuxi-tiers des répondants.

Une opportunité pour 38% des communes seulement

La volonté de moderniser reste timide puisque seules 38% des mairies perçoivent la dématérialisation comme une opportunité,  12% la vivant carrément comme une contrainte. Plus la commune est petite plus la notion d'opportunité diminue. Il y a bien sûr les contraintes matérielles et budgétaires, des capacités en ingénierie de projets limitées mais parfois aussi la sensation de devoir supporter toutes les charges nécessaires sans véritablement récolter les fruits de la dématérialisation. L'avantage de la dématérialisation perçu par les communes serait d'abord de nature environnementale (69%) alors que le gain de temps (48%) et les économies réalisées (36%) seraient assez loin derrière. Quant à la difficulté d'agir, les plus petites communes invoquent le manque de temps, les plus grandes invoquant de leur côté un manque de compétences (43%).
C'est au final sur les solutions pour accélérer les processus de dématérialisation, que l'étude pose le plus de questions. On pouvait espérer que la nouvelle carte intercommunale, en élargissant la taille des territoires de projets, apporterait un début de solution. Mais les établissements de coopération intercommunale (EPCI) ne semblent pas encore en mesure d'assurer cette charge, soit parce qu'ils ne disposent pas de la "compétence", soit parce qu'ils ne se sentent pas encore prêts. L'autre voie possible est celle qui est proposée par les opérateurs publics de mutualisation informatiques. Mais là également, il faudra un peu de patience car si beaucoup ont une offre, celle ci reste généralement incomplète.  Seules 10% de la soixantaine de structures opérant sur le territoire sont dotées des plateformes de services qui permettraient de proposer des solutions complètes aux petites communes. Espérons que leur action conjuguée contribuera à déployer rapidement une offre de service de qualité pour éviter de nouvelles distorsions dans l'accès aux services publics. 

 

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