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Santé / Education - L'Académie de médecine s'inquiète de la déshérence de la santé scolaire

Dans un rapport adopté à la quasi unanimité le 24 octobre, l'Académie de médecine se penche sur "La médecine scolaire en France". Un enjeu qui concerne douze millions d'élèves et auquel les collectivités territoriales contribuent, mais de façon relativement limitée, à hauteur de 21 millions d'euros par an (voir notre article ci-dessous du 4 septembre 2017). Le tableau dressé par le rapport n'a pourtant rien d'optimiste, même s'il constate que "l'activité du médecin scolaire est très étendue car les missions et les tâches se sont accumulées au fur et à mesure des années". C'est le cas notamment avec la loi Handicap de 2005 et ses suites, qui impliquent le médecin scolaire dans le projet personnalisé de scolarisation (PPS) en milieu ordinaire, mais aussi avec le projet d'accueil individualisé (PAI) ou le plan d'accompagnement personnalisé (PAP).

"La diminution du nombre de médecins scolaires est dramatique"

Face à ces missions croissantes, la principale faiblesse de la santé scolaire tient à son manque d'effectifs. Alors que le nombre d'élèves s'est accru et que les missions se sont démultipliées, celui des médecins de l'Education nationale (MEN) est passé de 1.400 en 2006 à 1.000 en 2016... Pour leur part, les infirmières scolaires titulaires sont environ 7.600. Pour l'Académie de médecine, "la diminution du nombre de médecins scolaires est dramatique, mettant en péril la prévention en santé scolaire". Cette pénurie de moyens se double d'une répartition "très hétérogène" sur le territoire. Le nombre d'élèves par médecin de l'Education nationale va ainsi de 2.000 à 46.000 selon les lieux...
Ce manque de moyens se traduit par une couverture sanitaire insuffisante. Ainsi, en 2015, 57% des enfants ont bénéficié d'un examen de santé pratiqué par un médecin ou par une infirmière dans le cadre scolaire. Mais cette moyenne recouvre des taux allant de 0% à 90% selon les territoires. Pour l'Académie, cette situation "menace la qualité et l'égalité du dépistage précoce et de la prévention, en particulier pour les grands problèmes de l'adolescence : échec scolaire, addictions, obésité, troubles neuropsychiques".

Une coopération "pas évidente" entre médecins et infirmières

Le manque de moyens n'explique cependant pas tout. Le rapport de l'Académie de médecine pointe aussi d'autres difficultés, comme le fait que "l'attractivité pour la profession de médecin scolaire s'est fortement dégradée", en raison de mauvaises conditions matérielles, du manque de reconnaissance et de l'absence d'équipe de santé scolaire bien individualisée. Celle-ci est en effet "fragmentée et dispersée".
Le rapport relève également le manque de pilotage, d'évaluation et de clarté pour la gouvernance, mais aussi une coopération entre médecins et infirmières qui "n'est pas évidente, au contraire". Sur ce point, le rapport observe que "les textes les plus récents séparent d'ailleurs les visites obligatoires du médecin et de l'infirmière, consacrant les premiers à l'école primaire et les secondes au collège et au lycée, ce qui rend bien plus aléatoire la visite des enfants de six ans en grande section de maternelle".

On attend toujours le rapport...

Face à cette situation dégradée, le Premier ministre - alors Manuel Valls - avait demandé à la ministre de l'Education nationale, en avril 2015, une évaluation de la médecin scolaire, confiée à pas moins de trois inspections générales. Les résultats sont toujours en attente...
En attendant les conclusions, l'Académie de médecine formule déjà un certain nombre de préconisations. Sans surprise, la principale consiste à "remédier d'urgence à la pénurie des MEN". Mais le rapport préconise aussi de recadrer leur activité dans un statut de médecins de la prévention, d'assurer l'examen de santé pour tous les enfants de six ans, de réviser la gouvernance par la création d'un comité exécutif entre les ministères de l'Education nationale et de la Santé, d'instaurer un enseignement universitaire de la médecine scolaire sous la forme d'une formation spécialisée transversale, et de mettre en place un système de santé scolaire organisé basé sur les personnels de la santé scolaire et les enseignants formés à cet effet.