Transports / Environnement - La voiture électrique n'est pas toujours la plus écologique, selon une étude de l'Ademe
Une voiture électrique peut être plus vertueuse pour le climat qu'une voiture à moteur thermique, essence ou diesel, au bout de quelques milliers de kilomètres ou ne jamais le devenir, suivant les critères pris en compte dans son cycle de vie, selon une étude pilotée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) publiée le 4 décembre.
L'unité de référence retenue pour l'étude a été la mise à disposition, sur des trajets inférieurs à 80 kilomètres par jour, pendant une durée de vie de 150.000 kilomètres, de véhicules particuliers transportant de 4 à 5 personnes et de véhicules utilitaires légers. Deux horizons temporels ont été définis - 2012 et 2020 -, prenant en compte les évolutions attendues de la composition de la batterie et de sa durée de vie, et deux scénarios de mix électrique - un faiblement carboné à la française et un plus carboné, dans un pays comme l'Allemagne. L'étude a couvert l'ensemble du cycle de vie des véhicules et batteries, exception faite de la construction des infrastructures (de distribution de carburant et de recharge des véhicules électriques). Six impacts environnementaux et énergétiques ont été pris en compte : consommation d'énergie primaire totale, changement climatique, épuisement des ressources fossiles, acidification atmosphérique, eutrophisation de l'eau et création d'ozone photochimique.
Impact quasi-équivalent sur la consommation d'énergie
Le bilan se révèle mitigé et "la plupart des interprétations faites pour le scénario de référence de 2012 sont valables pour le scénario 2020", souligne l'Ademe. L'impact sur la consommation d'énergie des deux types de véhicules, thermiques et électriques, est quasi-équivalent. Dans le détail, la comparaison est "favorable" au véhicule thermique en dessous de 40.000 kilomètres, "plutôt favorable" au véhicule thermique entre 40.000 et 100.000 kilomètres et le bilan est "équivalent" au-delà de 100.000 kilomètres.
Sur le plan environnemental, le bilan des deux véhicules est "plutôt favorable" au véhicule électrique dans trois domaines mais au-delà d'un certain seuil seulement : à partir de 50.000 kilomètres pour les émissions de gaz à effet de serre, à partir de 30.000 kilomètres pour la consommation de ressources fossiles, à partir de 60.000 kilomètres pour le potentiel d'ozone photochimique. En ce qui concerne l'impact sur le changement climatique, l'étude note que le véhicule électrique présente un avantage "lorsque l'électricité utilisée pour la recharge des batteries est faiblement carbonée". Et de souligner que le "bouquet électrique de la phase d'usage a un impact majeur sur le potentiel de changement climatique".
Concernant le potentiel d'eutrophisation de l'eau, le bilan diffère selon le carburant du véhicule thermique. Il est favorable au véhicule électrique si on le compare à un véhicule roulant au diesel au-delà de 80.000 kilomètres alors qu'il est moins significatif par rapport à un véhicule essence (seulement au-delà de 190.000 kilomètres). Le potentiel d'eutrophisation est en partie lié aux émissions de NOx (oxydes d'azote). Pour le véhicule électrique, les émissions de NOx sont dues à l'extraction des métaux nécessaires à la fabrication de la batterie. Le véhicule diesel a un potentiel d'eutrophisation plus important que le véhicule essence en raison de ses émissions de NOx plus importantes en phase d'usage.
Nuisances locales : peu de données à ce stade
Dans le scénario 2012, le bilan est par contre défavorable au véhicule électrique en ce qui concerne l'acidification atmosphérique, à l'origine des pluies acides. "La production d'électricité et surtout la fabrication de la batterie ont une contribution majeure sur cet indicateur. Les émissions de SO2 (dioxyde de soufre) pendant la phase d'extraction des métaux nécessaires à l'élaboration de la batterie sont en effet importantes", explique l'Ademe. Le scénario 2020 fait en revanche état d'une amélioration potentielle.
Outre ces six facteurs compris dans l'analyse du cycle de vie, l'Ademe a étudié deux autres éléments complémentaires : l'approvisionnement en matières critiques, mobilisées pour la production des batteries des véhicules électriques mais aussi dans les pots catalytiques des véhicules thermiques ou la fabrication de carburants, et les nuisances locales. Selon l'Agence, "le développement du véhicule électrique en Europe à l'horizon 2020 ne constitue pas une menace pour l'approvisionnement des matériaux critiques identifiés dans l'étude". "Seul l'approvisionnement en cobalt, dont la consommation annuelle liée au véhicule électrique représenterait près de 7% de la production annuelle mondiale, peut être sensible. Du fait de son coût, les fabricants de batteries cherchent d'ores et déjà à le substituer", ce qui "entraînera une amélioration de la performance environnementale du véhicule électrique".
Quant aux nuisances locales, l'Ademe insiste sur les difficultés d'une telle étude. Ramené à l'échelle d'une ville de 500.000 habitants, l'objectif de deux millions de véhicules électriques sur le territoire national à l'horizon 2020 se traduit par un parc de 5.000 véhicules, ce qui ne représente que 1,8% du parc de véhicules particuliers de la ville et "n'est pas suffisant pour conduire à un effet sensible sur la qualité de l'air et les nuisances sonores". Cependant, dans le cadre de la lutte contre la pollution de l'air dans les agglomérations, l'agence fait valoir que "les impacts négatifs du véhicule électrique sont principalement localisés aux points de production d'électricité et de fabrication de la batterie". "Le véhicule électrique présente donc un net avantage sur son équivalent thermique en cas de sévérisation des mesures sur la qualité de l'air dans des zones dédiées", estime-t-elle.
L'Ademe conclut son rapport en soulignant la nécessité de poursuivre l'étude en prenant en compte les technologies alternatives de batterie et leur recyclage en fin de vie, ainsi que les conditions d'utilisation du véhicule électrique. "Une étude ciblée sur des véhicules très légers aux performances adaptées à la ville (accélération, vitesse maximale) possédant soit une batterie de taille réduite pour le véhicule électrique soit un moteur thermique adapté pour le véhicule thermique permettrait de comparer le potentiel des technologies électrique et thermique, voire hybride, sur de telles utilisations, notamment dans le cadre de services de mobilité", suggère-t-elle.