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PLFR 2011 - La taxe sur la publicité extérieure, invitée surprise du collectif budgétaire

L'Assemblée nationale a adopté le 6 décembre le quatrième projet de loi de finances rectificative de l'année, qui met en oeuvre un certain nombre des mesures de rigueur annoncées le 7 novembre par le Premier ministre (en particulier s'agissant de la TVA). Les députés n'ont que légèrement complété les dispositions revenant sur la réforme de la fiscalité locale. Ils ont adopté une réforme de la taxe locale sur la publicité extérieure introduite à la dernière minute par le gouvernement. Ce collectif budgétaire comporte donc de nombreuses conséquences pour les collectivités.

L'Assemblée nationale a voté en fin de journée le 6 décembre, en première lecture, le quatrième projet de loi de finances rectificative 2011. Outre l'ajustement annuel des comptes, ce collectif budgétaire a, on le sait, été largement étoffé de mesures de rigueur issues du plan Fillon II du 7 novembre dernier et comprend donc plusieurs mesures pour 2012, dont plus de 5 milliards de hausses d'impôt.
Le texte, adopté par 303 voix contre 202, va être maintenant transmis au Sénat, qui vient de son côté d'achever le détricotage du budget 2012 (voir notre autre article de ce jour). Les députés PS, PCF, du Parti de Gauche et d'Europe Ecologie-Les Verts mais aussi le président du Modem ont voté contre.
Ce collectif budgétaire engage en tout cas plusieurs réformes ayant un impact direct sur les collectivités locales, essentiellement en termes de fiscalité.
Approuvée par les députés, mais au prix d'aménagements concédés par le gouvernement, la réforme de la redevance d'archéologie préventive figurait dès le départ dans le texte (lire ci-contre notre article du 5 décembre 2011 "Redevance d'archéologie préventive : la réforme se précise et l'assiette se réduit"). Tout comme la réforme du fonds d'amortissement des charges d'électrification (Facé), dont le contenu n'a quasiment pas évolué en séance.
En commission, les députés ont décidé d'introduire dans le texte un aménagement du régime de la responsabilité pécuniaire et personnelle des comptables publics. En séance, ils ont confirmé ce choix. En substance, l'amendement voté distingue le cas où l'irrégularité dont le comptable est à l'origine a causé un préjudice financier à l'organisme public, de celui où elle n'en a pas causé.

Des nouveautés en vue pour la taxe locale sur la publicité extérieure

On aurait pu penser que ces réformes seraient les seules de ce texte. C'était sans compter sur la capacité du gouvernement à déposer des amendements de dernière minute, dont les conséquences sont parfois importantes. Cette propension, qui agace en général les parlementaires, s'est encore vérifiée s'agissant de la fameuse taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE). Cette imposition instituée par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 s'applique de manière assez floue à toutes les enseignes visibles sur les voies publiques, y compris les inscriptions figurant sur les bâtiments et les panneaux. Elle ne vise donc pas seulement l'affichage publicitaire. Il en est résulté de nombreux "excès", selon certains chefs d'entreprise en colère (lire notre article du 19 mai 2011: "Fiscalité locale : les patrons de PME réclament la poursuite des réformes"). Certaines communes n'ont, en effet, pas pris la peine de procéder à des exonérations, si bien que les enseignes lumineuses des pharmaciens, les panneaux apposés par les artisans sur les maisons ou les immeubles pendant la durée des travaux (en réponse à une obligation légale), ou encore les menus affichés devant les restaurants ont parfois été taxés.
Les nouvelles modalités de fonctionnement de la TLPE proposées par le gouvernement (voir l'amendement) sont issues d'une concertation du gouvernement avec l'Association des maires de France et les professionnels. Elles énoncent expressément que ne sont pas taxables les supports qui résultent d'une obligation légale, réglementaire ou conventionnelle. Elles excluent sans ambiguïté de l'assiette de la TLPE "la signalétique directionnelle, dont l'objectif est de diriger la clientèle vers l'entrée du point de vente, la sortie de l'aire de stationnement, de même, que les informations relatives à la localisation de services à caractère public, notamment la croix de la pharmacie, les horaires d'ouverture, ou encore les moyens de paiement acceptés", a indiqué la ministre du Budget, Valérie Pécresse.
En outre, la réforme améliore le recouvrement de la taxe lorsque les contribuables ne la paient pas, ou cherchent à minorer délibérément son montant. Elle facilite aussi le transfert de la taxe des communes vers l'intercommunalité. S'agissant du modèle type de déclaration ("Cerfa") au titre de la TLPE, la ministre a précisé qu'il sera disponible "au début de l'année 2012".
Peu avant d'approuver cette réforme, les députés avaient adopté un amendement parlementaire qui donne la possibilité aux communes et à leurs groupements d'exonérer partiellement de la TPLE les kiosques à journaux, afin de soutenir leur développement.
Comme pour la TLPE, le gouvernement a attendu le dernier moment pour présenter une réforme du régime fiscal des mutuelles et des institutions de prévoyance (voir l'amendement), qui les fait entrer dans "le droit commun" de l'impôt sur les sociétés et de la contribution économique territoriale (CET). Ainsi, les groupes concernés devront payer la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), toutefois de manière progressive, à partir de 2013. Certains territoires, comme celui de l'agglomération de Niort, où sont localisés de nombreux sièges de mutuelles, vont obtenir de ce fait de substantielles rentrées fiscales. Cela va poser la question de la péréquation de ces recettes, a pointé le rapporteur général du budget, Gilles Carrez.

"Revoyure" de la réforme de la fiscalité locale

Outre ces réformes, le projet de loi de finances rectificative contient des dispositions de "revoyure" de la réforme de la fiscalité locale, une somme de mesures très techniques qui ont été assez peu commentées par les députés. Ceux-ci ont validé ces dispositions, sauf celle qui aménageait le calcul de la valeur ajoutée des entreprises de production cinématographique. A ce chapitre, ils ont complété le texte par plusieurs dispositions, afin :
- d'autoriser les conseils municipaux et les conseils communautaires à réduire le montant de la base minimum de cotisation foncière des entreprises (CFE) au profit des entreprises réalisant "moins de 10.000 euros de recettes ou de chiffres d'affaires", parmi lesquelles on compte beaucoup d'auto-entrepreneurs. Pour mettre en œuvre la mesure dès 2012, les collectivités devront prendre une délibération avant le 15 février prochain. Si les collectivités le veulent encore, elles pourront prendre la décision de baisser à partir de 2013 la base de cotisation minimum en faveur de toutes les entreprises de leur territoire. Ces mesures font suite notamment à l'engagement pris fin 2010 par le gouvernement (lire notre article du 1er décembre 2010 : "Auto-entrepreneurs : les maires demandent une compensation") de permettre un ajustement des montants de CFE acquittés par les auto-entrepreneurs en raison de leur faible chiffre d'affaires.
- De permettre aux communes ou groupements ayant subi en 2010 une perte de bases de cotisation foncière des entreprises (CFE) de percevoir une compensation sur trois ans.
- D'autoriser jusqu'au 30 juin 2012 les ajustements des montants pour 2011 de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et de la garantie individuelle des ressources, si une collectivité estime que la direction générale des finances publiques a réalisé une erreur dans ses calculs (en l'état du droit, de tels ajustements étaient possibles jusqu'au 30 juin dernier).
- D'instaurer la possibilité pour des communes de rétrocéder le produit de leur garantie individuelle de ressources au groupement dont elles sont membres.

De l'huile dans la mécanique fiscale

Comme chaque collectif budgétaire, ce texte corrige un certain nombre d'anomalies de manière à améliorer la mise en œuvre de la loi. C'est dans cet esprit que les députés ont adopté un amendement du gouvernement qui "solde" le contentieux relatif aux règles communales d'encaissement des amendes de police et de la circulation (lire notre article du 28 février 2011: "L'Etat s'apprête à rembourser les collectivités pour les frais de régie de recettes des amendes"). En vertu d'une circulaire de 2002, les communes ont été obligées de créer et gérer elles-mêmes des régies de recettes pour leurs services de police municipale afin de percevoir le produit des amendes forfaitaires de police. Cette nouvelle charge aurait dû, en fait, être créée par la loi. Les communes concernées seront indemnisées à hauteur d'un plafond de 9,8 millions d'euros pour la période de 2008 à 2011. Une dotation qu'elles se partageront sur la base d'un tarif de 50 centimes d'euro par amende recouvrée. En échange, les communes abandonnent leur droit de contestation devant le tribunal.
On notera aussi la décision des députés que les taxes d'urbanisme émises avant le 1er mars 2012 et dont l'échéance de paiement est postérieure à cette date soient recouvrées selon le dispositif de recouvrement actuel, et non selon le dispositif qui s'appliquera à la taxe d'aménagement qui entrera en vigueur le 1er mars 2012. Toujours dans l'optique de remédier à des difficultés dans la mise en œuvre de la loi, les députés ont permis à de nombreuses petites communes de percevoir en 2012 la taxe communale sur la consommation finale d'électricité, dont elles devaient être exclues pour des raisons techniques.
Parmi d'autres mesures techniques, on retiendra la décision des députés d'écrire clairement dans la loi que les pôles métropolitains n'ont pas le pouvoir de lever l'impôt, contrairement aux EPCI à fiscalité propre. Une vingtaine de ces établissements publics découlant de la coopération entre plusieurs intercommunalités sont en préparation. Enfin, les députés ont ajusté les montants des compensations aux collectivités locales pour les transferts de compétences qui ont eu lieu au cours des dernières années.

Thomas Beurey / Projets publics

PLFR : d'autres volets ont été retouchés

En dehors du volet finances locales, ce quatrième projet de loi de finances rectificative comportait, on le sait, d'autres dispositions intéressant plus ou moins directement les collectivités, dont certaines ont été retouchées par les députés.
Ainsi, on sait que le relèvement de 5,5 à 7% du taux réduit de TVA, mesure qui doit rapporter 1,8 milliard d'euros - et concerne aussi bien les travaux à domicile que le ramassage des déchets, le livre ou le théâtre – épargnera finalement la restauration scolaire ( lire notre article du 1er décembre). Un amendement parlementaire prévoit également le maintien d'un taux à 5,5% dans deux cas particuliers en matière de logement social : s'agissant des constructions de logements locatifs sociaux, "la livraison à soi-même des logements dès lors que le bailleur social qui les construits a obtenu une décision favorable de l'Etat avant le 1er janvier 2012" et, s'agissant des logements destinés à être occupés par des titulaires de contrats de location-accession, les opérations ayant obtenu un agrément préalable avant le 1er janvier 2012, tant pour la vente du logement à l'issue de la période locative que pour les opérations intermédiaires.
De même, l'alourdissement du régime d'abattement des plus-values immobilières a fait l'objet de deux petits assouplissements à l'Assemblée : l'un concerne les personnes âgées quittant leur habitation principale pour entrer dans une maison de retraite ( lire notre article du 6 décembre) tandis que l'autre tend à prendre en compte le problème des terrains constructibles pour lesquels une promesse de vente a été signée mais qui n'ont pas encore été vendus.
Côté habitat toujours, un amendement gouvernemental a été adopté afin de créer un "éco-prêt à taux zéro collectif" destiné à financer les travaux de rénovation thermique dans les copropriétés ( lire notre article du 5 décembre).
Les dispositions relatives à l'emploi ont également fait l'objet de légères retouches, par exemple en matière de soutien aux jeunes entreprises innovantes ou de contrats de transition professionnelle.
C.M.