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La SNCF veut plus de trains sur un réseau rénové à moindre coût

Le plan stratégique de SNCF Réseau lancé ce 6 septembre prévoit de poursuivre la rénovation du réseau ferroviaire en réduisant les coûts et en faisant circuler davantage de trains. Les régions vont aussi se voir proposer un "kit méthodologique pour la desserte fine des territoires". Ce même jour, lors de sa conférence de presse de rentrée, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) faisait part de ses craintes concernant la desserte des villes moyennes et l'abandon de certaines liaisons transversales.

Le PDG de SNCF Réseau, Patrick Jeantet, veut industrialiser la gestion du réseau ferré national pour poursuivre sa rénovation à moindre frais et y faire circuler davantage de trains, dans le cadre d'un projet d'entreprise lancé ce 6 septembre. Baptisé "Nouvel'R", ce plan stratégique est le pendant opérationnel de la réforme ferroviaire adoptée en juin dernier. Il doit transformer SNCF Réseau en société anonyme, permettre la reprise d'une grosse partie de sa dette et confirmer son rôle d'"architecte" du réseau en y rattachant notamment les gares. Ce plan "est permis, et est amplifié, par les leviers que donne cette réforme, notamment d'un point de vue financier, d'un point de vue gouvernance, et d'un point de vue investissements", a expliqué Patrick Jeantet à l’AFP.
Selon la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, la SNCF et ses filiales SNCF Réseau et SNCF Mobilités - l'entité qui fait notamment rouler les trains - doivent devenir en 2020 des sociétés anonymes au capital entièrement détenu par l'État. Le gouvernement s'est parallèlement engagé à reprendre 35 milliards d'euros de la dette de SNCF Réseau, qui approchait des 47 milliards fin 2017.

"Industrialiser plus avant" SNCF Réseau

À travers son plan stratégique, le président de SNCF Réseau s'est donné six objectifs majeurs : poursuivre le "combat" pour la sécurité, mettre l'accent sur la politique commerciale pour favoriser l'usage du ferroviaire, rénover en priorité le réseau le plus circulé, augmenter la capacité et la robustesse des axes et noeuds saturés ou à fort potentiel, accélérer la modernisation des systèmes d'exploitation et de la signalisation, et enfin accompagner la formation de ses agents. Le but du jeu est "d'industrialiser plus avant" SNCF Réseau, une entité employant 54.000 personnes dont il veut faire "une entreprise à part entière, qui d'une certaine manière n'est pas une agence de l'État".
Patrick Jeantet compte en particulier sur de nouvelles technologies pour faire passer davantage de trains sur les voies : automatismes, signalisation moderne, numérisation des postes d'aiguillage, etc.

Mesures d'économies pour les petites lignes

Par ailleurs, pour faire des économies sur l'exploitation et l'entretien des petites lignes, la SNCF a mis au point une série de mesures d'économies, qu'elle compte proposer prochainement aux élus. "On a établi - et on est en train de le finaliser actuellement - ce qu'on appelle un kit méthodologique pour la desserte fine des territoires", a expliqué à l'AFP Patrick Jeantet. Il s'agit avant tout selon lui d'"une méthode d'approche, de discussion partenariale avec les régions", qui s'appuiera sur "un catalogue" d'une cinquantaine de mesures dans lequel les élus pourront piocher. Certaines de ces mesures sont destinées à faire baisser les coûts de la rénovation, comme l'utilisation de grave-bitume (un mélange de bitume et de granulats) au lieu du ballast. Mais s’il est beaucoup moins cher à entretenir, cet enrobé "ne passe pas partout", relève-t-il. "Il faut agir au cas par cas !"
Côté exploitation, Patrick Jeantet propose que certaines lignes peu fréquentées, actuellement à double voie, soient mises à voie unique. "Au lieu de rénover deux voies on n'en rénove qu'une, et sur une petite ligne, il n'y a pas de problème", affirme-t-il.
On pourrait aussi y faire circuler des navettes, avec un seul train faisant des allers-retours. "Dans ce cas-là, vous n'avez plus besoin de signalisation !" Sans aller forcément jusque-là, il songe aussi à "des systèmes de signalisation numérique allégés", qui permettraient de s'affranchir de la présence le long de la ligne de personnels "totalement sous-utilisés".
Il faudra "discuter ligne par ligne" avec les régions "pour essayer de faire baisser les coûts", souligne Patrick Jeantet, alors que des voix s'élèvent pour que la rénovation et/ou l'entretien de certaines lignes soient confiés à des partenaires privés réputés moins onéreux. "Nous sommes ici pour faire des propositions, mais la décision ne nous revient pas", ajoute-t-il. C'est en effet aux régions, en partenariat avec l'État, de décider des rénovations à faire sur les petites lignes, SNCF Réseau apportant in fine 8,5% de la somme nécessaire.
Le sort des 9.000 km de petites lignes n'était pas directement concerné par la réforme ferroviaire adoptée au printemps, mais elles ont accaparé une bonne partie des débats. Souvent en mauvais état, elles représentent le tiers du réseau national mais seulement 2% du trafic. Le gouvernement s'est engagé à tenir les engagements de l'État sur les contrats de plan le liant aux régions jusqu'en 2020, mais les travaux prévus dans lesdits contrats ne seront pas suffisants. Un rapport doit faire un bilan de l'état du réseau et des circulations sur les lignes les moins empruntées.

Ferroviaire : les usagers tirent le signal d’alarme
Après un été émaillé d’incidents - panne électrique à la gare Montparnasse, déraillement d’un train en gare Saint-Charles, à Marseille, fortes perturbations occasionnées par des orages sur le réseau normand… -, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) a alerté ce 6 septembre, à l’occasion de sa conférence de presse de rentrée sur "les pannes qui se multiplient et se diversifient", et pas seulement à la SNCF - elles ont aussi touché à Paris deux lignes de métro automatisées, les lignes 1 et 14. "Il y a eu une nouvelle fois des problèmes d’information des voyageurs qui montrent que si des progrès ont été faits, on est encore loin d’être au top", a souligné Bruno Gazeau, président de la Fnaut.
 Au-delà des perturbations qui affectent de plus en plus souvent la circulation des trains, l’association de défense des usagers s’inquiète des "zones d’ombre" du pacte ferroviaire dont plusieurs dispositions qu’elle a approuvées tardent à être appliquées.
C’est le cas du schéma à 5 ans des liaisons d’intérêt national (TGV et Intercités) "à présenter d’urgence au Parlement" et sur "les conditions d’évolution de ce schéma". Elle craint en effet une réduction de l’offre ferroviaire au détriment des villes moyennes et des liaisons transversales, avec une moindre fréquence des trains. "Alors que l’État et SNCF Réseau s’impliquent fortement pour maîtriser les coûts et améliorer le principe des péages pour atteindre cet objectif, SNCF Mobilités, au contraire, envisage d’accélérer des suppressions avec des motifs irrecevables traduisant des contre-vérités historiques : les TGV doivent être remplacés par des TER, ils desservent trop de gares, ils circulent trop hors lignes à grande vitesse, ou pour cause de travaux." Parmi les projets de l'opérateur ferroviaire, elle pointe notamment la suppression des dessertes TGV Metz-Nice, Strasbourg-Marseille via Lons-le-Saunier et Bourg-en-Bresse, des réductions de fréquences sur Paris-Grenoble, Paris-Annecy/Chambéry, Paris-Nice, Lyon-Nice et la suppression de nombreux trains sur des lignes Intercités du fait de travaux (Paris-Briançon, Nantes-Lyon...). La Fnaut craint aussi que le feu vert donné par le gouvernement à SNCF Mobilités pour l'acquisition, pour 3 milliards d’euros, de rames "TGV du futur", plus capacitaires, plus économes, offrant plus de services, nécessitant moins de maintenance et permettant des gains de productivité, encourage la réduction des dessertes.
Pour l’association, "l’augmentation des capacités va inciter encore la SNCF à réduire les fréquences sauf sur les grandes lignes radiales desservant Paris et donc à réduire les services d’aménagement du territoire sur les relations province / province, accentuant ainsi le malthusianisme des services ferroviaires français, contrairement à la pratique de tous les autres réseaux européens". Anne Lenormand