La signature du marché public, unique limite au référé précontractuel
Dans cet arrêt du 12 juillet 2017, le Conseil d’Etat est venu préciser le régime du référé précontractuel, et plus particulièrement le délai dans lequel un tel recours peut être introduit. En effet, il a infirmé la pratique naissante des juges considérant comme tardive les requêtes en référé précontractuel introduites plus de trois mois après que l’entreprise ait eu connaissance du manquement aux règles de procédure de passation.
Dans cette affaire, l’entreprise Etudes Créations et Informatique (ECI) avait déposé sa candidature pour trois lots du marché public intitulé "système de transport intelligent pour La Réunion". Le 14 septembre 2016, le syndicat mixte des transports de La Réunion (SMTR) a rejeté sa candidature pour l’un de ces lots. Alors qu’elle était invitée à présenter une offre pour les deux autres lots, l’ECI n’a finalement pas remis d’offre. Le 8 avril 2017, soit près de sept mois après son élimination, l’ECI a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif (TA) de La Réunion. Ce dernier a toutefois rejeté sa demande, considérant que son recours avait été introduit tardivement. Contestant cette ordonnance, la société ECI s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.
Suivant les positions adoptées par plusieurs juridictions avant lui, le TA de La Réunion avait lui aussi considéré comme tardif ce référé précontractuel introduit plus de trois mois après que l’entreprise ait eu connaissance du manquement aux règles de passation. Le fondement de cette position trouve son origine dans la jurisprudence du Conseil d’Etat "Czabaj" du 13 juillet 2016 (n°387763). Dans cette décision, la Haute Juridiction administrative avait jugé qu’au regard du principe de sécurité juridique, les décisions administratives individuelles ne pouvaient être contestées au-delà d’un délai raisonnable. Ce délai a été fixé à un an après que le destinataire ait eu connaissance de la décision. Par extension de cette jurisprudence, plusieurs juges de TA avaient fixé le délai raisonnable de dépôt d’un référé précontractuel à trois mois, compte tenu des spécificités des procédures de référé.
Lors de l’audience publique du 30 juin 2017, Olivier Henrard, rapporteur public, avait présenté des conclusions confirmant la pratique des TA.
Toutefois, le Conseil d’Etat n’a pas suivi le sens de ses conclusions. Il a tout d’abord rappelé qu’aucune disposition nationale n’imposait la saisie du juge du référé précontractuel dans un délai déterminé, à compter du moment où l’entreprise lésée avait eu connaissance de manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Il a également estimé qu’un référé précontractuel ne saurait remettre en cause indéfiniment une procédure de passation d’un contrat, l’article L. 551-1 du code de justice administrative disposant que le juge du référé précontractuel doit être saisi avant la signature du contrat.
Dès lors, le Conseil d’Etat a jugé que, dans le cadre d’un référé précontractuel, le principe de sécurité juridique ne nécessitait pas qu’un délai raisonnable de trois mois soit mis en place.
Par cette décision, le CE a mis fin à l’application de la jurisprudence "Czabaj" aux référés précontractuels. L’arrêt du TA a donc été annulé, faute d’avoir rejeté le référé de l’entreprise ECI pour tardiveté.
Référence : CE, 12 juillet 2017, n°
410832