Référé précontractuel : à chacun sa faute !
Dans un arrêt du 24 mai 2017, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’articulation entre la signature anticipée d’un marché public et l’introduction tardive d’un référé précontractuel. Fallait-il sanctionner la collectivité du fait de la seule méconnaissance du délai de "stand still" ou bien prendre en compte le caractère tardif du référé précontractuel entraînant en tout état de cause l’irrecevabilité de ce dernier ? La Haute Juridiction administrative a opté pour la seconde solution.
Dans une décision du 24 mai 2017, le Conseil d’Etat a adopté une approche subjective de la recevabilité d’un référé précontractuel.
En l’espèce, la ville de Paris avait lancé une procédure concurrentielle avec négociation en vue de l’attribution d’un marché à bons de commande portant sur la fourniture de véhicules. Le 4 novembre 2016, la collectivité a rejeté l’offre d’un groupement d’entreprises candidat, composé de la société Concepts et Collectivités, de la société Services et Equipements "Urbacar" et de la société Proconcept 2 roues. Le 18 novembre 2016, ces candidats évincés ont saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif (TA) de Paris. Ce dernier a déclaré ce recours irrecevable pour cause de tardiveté. En effet, dans le cadre des procédures formalisées, les référés précontractuels doivent être introduits pendant le délai de "stand still", c’est-à-dire dans la période de onze jours séparant la notification du rejet d’une offre et la signature du contrat. Les sociétés évincées ont alors demandé au TA de transformer leur référé précontractuel en référé contractuel. Le juge a accepté cette demande mais a rejeté sur le fond la demande d’annulation du contrat. Toutefois, la ville de Paris n’ayant pas respecté le délai de "stand still" en signant le marché le 14 novembre 2016, le TA a décidé de la sanctionner en lui infligeant une pénalité financière de 10.000 euros en vertu de l’article L. 551-20 du code de justice administrative (CJA).
Insatisfaite de ce jugement, la ville de Paris a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation afin d’obtenir l’annulation de l’ordonnance lui infligeant une pénalité financière.
Toutes les erreurs ne sont pas préjudiciables
Dans cette affaire, chaque partie avait commis une faute : la commune, en signant le contrat un jour avant la fin du délai de stand still et les sociétés évincées en introduisant leur référé précontractuel trois jours après la fin du délai de stand still.
La sanction infligée par le TA à la ville de Paris est un pouvoir qui appartient au seul juge du référé contractuel. La question de la possibilité de prononcer de telle pénalité financière était donc liée à la recevabilité du référé contractuel. Selon l’article L. 551-14 du CJA, le référé contractuel n’est ouvert aux requérants ayant déjà formé un référé précontractuel seulement si le pouvoir adjudicateur n’a pas respecté le délai de stand still. Bien que ce fut le cas en l’espèce, le Conseil d’Etat a toutefois estimé que le TA avait commis une erreur de droit en admettant la recevabilité du référé contractuel.
Lors de l’audience, Gilles Pellissier, rapporteur public, avait proposé de raisonner selon deux approches : l’une objective et l’autre subjective. La première revenait à sanctionner la collectivité pour la seule méconnaissance du délai de "stand still", sans même que cela ait empêché les entreprises évincées de présenter utilement leur référé précontractuel. La seconde approche permettait de prendre en compte le caractère tardif du référé précontractuel. Suivant les conclusions de son rapporteur public, le Conseil d’Etat a opté pour l’approche subjective, estimant qu’il ne fallait pas commettre "d’excès de rigueur". En effet, les sociétés requérantes n’avaient pas été lésées par la signature anticipée du contrat du fait de l’introduction tardive de leur référé. De plus, elles n’ont pas été empêchées de saisir en temps voulu le juge du référé précontractuel. Dès lors, leur référé contractuel ne pouvait être admis. Le Conseil d’Etat a donc annulé l’ordonnance du TA en ce qu’elle condamnait la ville de Paris à une pénalité financière de 10.000 euros.
Référence : CE, 24 mai 2017, n° 407047