La restauration collective doit se passer des produits au soja, estime l'Anses

Les aliments industriels à base de soja - desserts, yaourts, lait, steaks végétaux, tofu -, contiennent trop d'isoflavones, des substances végétales proches des hormones féminines aux effets potentiellement toxiques sur le système reproducteur, alerte l'Anses qui recommande de ne pas en servir en restauration collective.

À la demande des directions générales de l'alimentation (DGAL) et de la santé (DGS), l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a évalué le risque sanitaire de la consommation d'aliments contenant des isoflavones et la possibilité d’en servir en restauration collective. Dans son avis publié le 24 mars 2025, l'Anses fait savoir que "le soja étant la principale source d'isoflavones", elle recommande "de ne pas servir d'aliments à base de soja en restauration collective pour éviter une surconsommation".  L'agence sanitaire invite aussi "les acteurs de l'agroalimentaire à revoir les techniques de production et de transformation du soja", afin de réduire les teneurs en isoflavones de leurs produits. 

Des risques d'effets toxiques sur le système reproducteur

Les isoflavones sont des phytoestrogènes, des substances végétales proches des hormones féminines (oestrogènes) présentes dans les légumes secs, les légumes, et principalement le soja. Ils "peuvent interférer avec le fonctionnement hormonal physiologique, et donc conduire à des effets indésirables pour le système reproducteur", explique Aymeric Dopter, chef de l'unité d'évaluation des risques liés à la nutrition à l'Anses.

Cette recommandation s'étend des crèches aux écoles, collèges, lycées, aux restaurants d'entreprises, Ehpad, hôpitaux et cliniques, donc pour "toutes les catégories d'âge". "Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur le soja en tant qu'aliment, mais plutôt sur les teneurs en isoflavones que les produits au soja contiennent actuellement", précise Aymeric Dopter. "En attendant d'avoir des sojas moins riches en isoflavones, il faut lever le pied sur la consommation de ces produits", résume-t-il.

0,01 mg/kg pour les enfants prépubères

L'Anses a tout d'abord défini pour la première fois, grâce aux connaissances scientifiques disponibles, des seuils toxicologiques en dessous desquels il n'y a quasiment pas de risque pour la santé, ce sont les valeurs toxicologiques de référence (VTR) : ils sont de 0,02 mg par kg de poids de corps et par jour pour la population générale et 0,01 mg/kg pour les femmes enceintes et en âge de procréer ainsi que les enfants prépubères.

Puis elle a comparé ces valeurs aux niveaux d'exposition alimentaire de la population et constaté un "risque de dépassement" pour les consommateurs d'aliments à base de soja. Ces seuils sont ainsi dépassés par :
- 76% des enfants de 3 à 5 ans consommant des aliments au soja, 
- 53% des filles de 11 à 17 ans, 
- 47% des hommes âgés de 18 ans et des femmes âgées de 18 à 50 ans.

En conséquence, l'Agence conseille de "diversifier les aliments d'origine végétale, sachant que les légumes secs autres que le soja sont nettement moins riches en isoflavones". Elle s'adresse aussi aux industriels de l'agroalimentaire : si les teneurs en isoflavones dépendent de la variété de soja, des conditions de culture et du degré de maturité de la plante, il est possible de les réduire en utilisant certaines techniques agronomiques et procédés de fabrication.

Des préparations qui permettent de réduire les teneurs en isoflavones

Ainsi, les teneurs en isoflavones peuvent varier du simple au double d'un dessert au soja à l'autre, et il y en a 100 fois plus dans les biscuits apéritifs à base de soja que dans la sauce soja. En effet, ces derniers "sont faits avec de la graine de soja toastée, qui va concentrer les isoflavones, alors qu'une fois bouillie la graine va les perdre en partie", détaille Perrine Nadaud, adjointe de Aymeric Dopter. "Dans la préparation des produits du soja, que ce soit par lavage, trempage, toute une série d'opérations, des techniques traditionnelles en Asie permettent de réduire les teneurs de ces isoflavones", complète-t-elle, ainsi qu'en amont, "la sélection des variétés, la localisation, le degré de maturation de la graine".

L'Anses va maintenant partager ses valeurs toxicologiques de référence avec ses homologues européens. Son avis contribuera à la révision de l'arrêté relatif à la qualité nutritionnelle des repas en restauration scolaire - le texte en vigueur, datant de 2011, devant être remis à jour.

 

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