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Fonction publique territoriale - La réforme territoriale n'épargnera pas les centres de gestion

Commandé par la ministre en charge de la décentralisation, un rapport de l'inspection générale de l'administration esquisse quatre scénarios d'évolution pour les centres de gestion, structures en charge de nombreuses missions dans le domaine des ressources humaines des collectivités. Aucune piste n'est taboue, y compris leur suppression. Mais le rapport recommande plutôt de mener une régionalisation des centres de gestion préservant le maintien d'antennes départementales.

Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et plus encore les centre de gestion ne devraient pas rester à l'écart de la réorganisation territoriale enclenchée par l'exécutif national. Depuis mai dernier, la ministre en charge de la décentralisation, Marylise Lebranchu, a sur son bureau un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) qui dessine quatre scénarios d'évolution pour les centres de gestion. Dans chacun d'eux, le destin des centres de gestion croise celui du CNFPT.
L'un de ces scénarios a la préférence des trois hauts fonctionnaires du ministère de l'Intérieur qui ont élaboré le rapport. "Plus adapté" aux enjeux de la gestion des ressources humaines de la fonction publique territoriale et "plus simple" que les trois autres, il consiste à "organiser au niveau régional les centres de gestion, sans modifier l’organisation actuelle et les missions du CNFPT". Une telle évolution "permettrait de renforcer la mutualisation de certaines missions", par exemple l'organisation des concours, la bourse de l'emploi, ou la gestion des fonctionnaires momentanément privés d'emploi (FMPE). Par ailleurs, des antennes déconcentrées seraient maintenues dans chaque département, afin d'assurer une gestion de proximité appropriée à certaines compétences (recueil des déclarations de vacances et remplacements par exemple). Dans ce cadre, les coopérations régionales entre le CNFPT et les centres de gestion seraient renforcées, voire imposées. "Les conventions de coopération pourraient être rendues obligatoires et faire l’objet d’un bilan annuel".
Ce scénario "est évoqué par certains centres de gestion", révèle le rapport. On peut le comprendre aisément : tout en permettant d'homogénéiser l'exercice des compétences des centres de gestion à l'échelle de la région, il laisse les élus locaux aux commandes d'établissements locaux, autonomes et dédiés à une gestion de proximité des ressources humaines.

Adhésion obligatoire des collectivités à un minimum de compétences

En parallèle de cette nouvelle architecture institutionnelle, le rapport recommande la mise en œuvre de plusieurs améliorations confortant l'existence des centres de gestion. Il est proposé de sécuriser leurs interventions en leur attribuant "une compétence générale en matière de ressources humaines, y compris le conseil en organisation". En outre, un décret devrait préciser "les éventuelles missions d’assistance de gestion qui seraient confiées aux centres de gestion", par exemple l'archivage.
Pour la mission, la distinction entre les compétences obligatoires et optionnelles effectuée par la loi n'est plus guère pertinente et le socle "insécable" de compétences mis en place en 2012 (obligatoire pour les collectivités affiliées, facultatif pour les grandes collectivités) est à revoir. L'IGA établit un nouveau schéma : toutes les collectivités seraient obligatoirement affiliées à des missions de base déjà réalisées aujourd'hui pour toutes les collectivités (concours, emploi, gestion des FMPE, conseil de discipline de recours) et à trois missions définies dans la loi du 12 mars 2012 (les secrétariats des comités médicaux et commissions de réforme et l’accès à une base de données juridiques statutaires). Les grandes collectivités n'auraient plus la possibilité, comme c'est le cas aujourd'hui, d'organiser elles-mêmes des concours de recrutement. Pour l'ensemble des missions, le taux de la cotisation payée par les collectivités serait "faible" et modulable en fonction notamment des ressources des collectivités.
Les communes et EPCI de moins de 350 agents resteraient obligatoirement affiliés aux centres de gestion. Ils bénéficieraient d'un ensemble plus large de services (gestion des carrières, instances paritaires…) que le socle minimum universel, les collectivités non affiliées ayant cependant la possibilité d'adhérer elles aussi à ces services si elles le souhaitent. En plus, une adhésion à la carte (remplacement, médecine professionnelle…) serait proposée à toutes les collectivités.

Faire disparaître les centres de gestion ?

La mission ne préconise donc pas de relever le seuil à partir duquel les collectivités et leurs établissements publics ont l'obligation de s'affilier à un centre de gestion. "Plus encore que le seuil d’affiliation obligatoire, (…) la qualité des prestations effectuées [sera] la garante du maintien des affiliations et adhésions, indique-t-elle en encourageant les centres de gestion à "anticiper les besoins des collectivités". En clair, la mission ne juge pas adapté le relèvement à 1.000 habitants du seuil au-delà duquel une collectivité ou un établissement n'est pas obligé d'être affilié. Cette proposition, qui figurait dans une proposition de loi du sénateur Hugues Portelli, est soutenue par la Fédération nationale des centres de gestion.
Des évolutions préconisées par l'IGA, il résulterait "une transformation profonde des centres de gestion dont l’ouverture des conseils d’administration aux grandes collectivités serait consacrée ainsi que le rôle de prestataires de services aux collectivités en matière de ressources humaines".
Un autre scénario, fondé sur la disparition des centres de gestion, se situe aux antipodes. Leurs missions en matière de concours et de bourses de l'emploi seraient transférées au CNFPT. Dans le cas où les conseils généraux seraient maintenus et gérés par les élus intercommunaux, ceux-ci reprendraient toutes les autres compétences des centres de gestion. Ce scénario a été déjà envisagé dans le rapport Lambert-Malvy sur la maîtrise des finances locales. Il aurait pour avantage une nette clarification. Mais sa réalisation est encore très incertaine, car elle dépendra des arbitrages futurs sur l'avenir du département.

Cotisations du CNFPT: le débat relancé et étendu aux centres de gestion ?

Autre voie possible, toujours dans un but de clarification : fusionner le réseau des centres de gestion avec celui du CNFPT. Un établissement public national unique et des délégations régionales fusionnées seraient créés. Resterait à déterminer le niveau d'autonomie des établissements régionaux par rapport à un centre national plus ou moins centralisateur. Le maintien d'une gestion de proximité et le poids des élus locaux dans cette gestion sont en effet en jeu.
Cette option générerait des économies de structure et offrirait une plus grande lisibilité aux usagers. Mais elle serait difficile à mettre en œuvre, car elle concerne "deux réseaux qui ne s'entendent pas toujours bien aujourd'hui". Bref, il faudrait "une volonté politique forte" aux pouvoirs publics, reconnaît l'IGA.
Comme l'option de la disparition des centres de gestion, le scénario de la fusion de ces derniers avec le CNFPT est "plus déstabilisateur" et implique "de fortes réformes de structure au risque d’hypothéquer l’amélioration des prestations", préviennent les hauts fonctionnaires de l'IGA.
Estimant que le CNFPT et les centres de gestion disposent de situations financières confortables, le rapport pose la question de leur contribution à "l'effort financier attendu des budgets locaux". Les centres de gestion affichaient ainsi en 2013 un solde positif de 243 millions d'euros à leur fonds de roulement (à comparer à leurs 527 millions d'euros de dépenses annuelles). Ils pourraient donc décider "une baisse des cotisations", ou "la prise en charge d’autres missions", est-il suggéré. De son côté, le CNFPT avait vu sa cotisation baisser de 1% à 0,9% en 2012, du fait de la décision du législateur. Le rapport ne recommande pas un retour à ce taux, mais plutôt de rendre gratuites certaines formations que le CNFPT dispense aujourd'hui dans des conditions payantes.