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Education - La réforme du lycée, un enjeu d’égalité territoriale

Il y a tout juste un an, Jean-Michel Blanquer présentait la réforme du baccalauréat et du lycée, supprimant les séries ES/L/S dans la filière générale pour les remplacer par des "enseignements de spécialité". En septembre, il s’engageait à "faire en sorte que les élèves aient un large choix (…) dans leur établissement ou à proximité", dans un objectif d’égalité territoriale. Depuis, les académies élaborent leurs cartes des enseignements de spécialité. Le 3 février, le ministère a pu annoncer que 92 % des lycées publics proposeront au moins sept spécialités à la rentrée scolaire 2019. 

 

"Nous avons implanté certains enseignements de spécialité dans les lycées les plus défavorisés, fréquemment en banlieue ou en milieu rural, pour leur donner des atouts supplémentaires", a indiqué le ministre Jean-Michel Blanquer dans une interview au Journal du dimanche, publiée le 3 février 2019. Début septembre, il s’était engagé à "faire en sorte que les élèves aient un large choix, autour de sept spécialités dans leur établissement ou à proximité". Voilà qui semble le cas. Selon une note du ministère de l’Éducation nationale datée du même jour que l’interview du JDD, 92 % des lycées publics proposeront, à la rentrée scolaire 2019, au moins sept enseignements de spécialité. Et cela, précise le ministère, alors qu'aujourd'hui seuls 84 % des lycées publics offrent les trois séries du baccalauréat général (L, S et ES).

44% des lycées publics proposeront la spécialité "arts"

Selon les principes définis nationalement pour l'implantation des cartes de spécialités, sept spécialités doivent être implantées "dans la très grande majorité des établissements" (mathématiques, physique-chimie, SVT, sciences économiques et sociales, histoire-géographie - géopolitique et sciences politiques, humanités-littérature-philosophie, langues-littérature-cultures étrangères) et cinq spécialités doivent faire l'objet d'implantations académiques par bassin de formation ("LCA" langues et cultures de l'Antiquité, numérique et sciences informatiques, arts, sciences de l'ingénieur, biologie - écologie uniquement dans les établissements agricoles).
La spécialité "numérique et sciences informatiques" sera proposée dans 53 % des établissements publics. La spécialité "arts" (qui comprend arts plastiques, cinéma-audiovisuel, histoire des arts, musique, théâtre arts du cirque) sera présente dans 44 % des lycées publics. L’enseignement de spécialité LCA sera proposé dans 24 % des lycées publics. L’Onisep publiera, courant février, une "carte unifiée des enseignements de spécialité". Dans le JDD, Jean-Michel Blanquer affirme que chaque lycéen de la voie générale "aura le choix entre une vingtaine ou une trentaine de combinaisons"*.

L'académie d’Aix-Marseille mise sur la mutualisation 

L’élaboration de la carte des enseignements de spécialité et des options en classes de première et de terminale agite les académies depuis plusieurs mois. L’académie d’Aix-Marseille a ainsi veillé "au minimum à maintenir l’offre actuelle" et "aucun lycée n’a perdu d’enseignements, et aucun lycée n’en perdra dans le futur", assurait le recteur Bernard Beignier, le 23 janvier 2019, lors de la présentation à la presse de la rentrée scolaire 2019. 
Les lycées de l’académie d’Aix-Marseille proposeront en moyenne dix enseignements de spécialité, en partie mutualisés. "Nous sommes l’une des académies qui a le plus mutualisé", s'est félicité le recteur, tout en convenant que "la mutualisation est plus difficile à mettre en œuvre dans les deux départements alpins", en raison de la distance géographique entre établissements. "Cette possibilité - qui n’est en aucun cas une manière de faire des économies, ni une contrainte pour le lycéen qui reste libre de ne choisir que des spécialités délivrées dans son établissement - permet d’accroître l’offre par rapport à l’existant". 
Les modalités de mise en œuvre, incluant de l’enseignement à distance "si nécessaire", sont à l’étude, en lien avec les enseignants concernés. "Ils sont ouverts et partants pour cela", assure le recteur.

Dans l'académie de Bordeaux, les lycées les moins dotés sont urbains

Dans l'académie de Bordeaux, 93% des lycées proposeront au moins sept enseignements de spécialités. Les cinq lycées disposant d'une palette moins large sont tous volontairement situés en milieu urbain, assume le recteur Olivier Dugrip, pour que les élèves puissent trouver dans un rayon proche l’enseignement de spécialité manquant dans leur lycée d’origine.
L’académie a aussi profité de cette réforme du baccalauréat pour "faire évoluer des spécialisations anciennes". Par exemple, le lycée Montaigne de Bordeaux, traditionnellement "le" lycée de la ville pour les profils littéraires, ouvrira une spécialité "sciences de l’ingénieur". Et le lycée Eiffel, son pendant pour les profils scientifiques, ouvrira des spécialités en sciences humaines.

Le rectorat de Reims porte une "attention particulière" aux établissements ruraux

Le rectorat de Reims assure avoir "porté une attention particulière aux établissements ruraux ou isolés, en enrichissant leur offre de spécialités avec des enseignements plus rares, susceptibles d’attirer les élèves", indique la rectrice Hélène Insel. Huit lycées (sur 51) sont identifiés "rural ou isolé", à l’instar de celui de Bar-sur-Aube qui proposera "arts, cinéma-audiovisuel", ou le lycée Vauban de Givet, dans les Ardennes, qui proposera la spécialité LCA.
"Dans notre académie, caractérisée par d’importantes disparités sociales et géographiques, la carte des enseignements de spécialité a été élaborée en veillant à l’équité territoriale. Tous les élèves auront accès à un choix de spécialités riche et varié dans un périmètre raisonnable, que ce soit en zone urbaine ou en zone rurale", souligne la rectrice.
Dans l’académie de Lille, des établissements ont proposé de s’organiser en réseau pour permettre aux élèves d’avoir accès à une offre plus large. C’est le cas par exemple à Valenciennes, où le lycée de l’Escaut est prêt à aménager l’emploi du temps de ses élèves pour leur permettre de suivre l’option théâtre au lycée Watteau, situé à deux kilomètres.

* À noter : il indique également qu’il "serait bien d’avoir au moins un EPLEI (établissement public local d'enseignement international) par académie et d’en implanter dans des territoires qui ont besoin de renforcer leur attractivité". 

Nouveaux programmes du lycée : comment les régions paieront les manuels scolaires ?

"Nous croyions avoir vu le pire avec la réforme du collège en 2016, mais c’est la première fois que nous devons, dans un laps de temps aussi court, faire les manuels de deux niveaux d’un coup [seconde et première] avec en plus de nouvelles matières", rapporte Célia Rosentraub, présidente de l’association Les Éditeurs d’éducation. Le calendrier est en effet extrêmement serré pour les éditeurs, qui s’inquiètent également de savoir s’ils pourront les vendre, à quel prix et sous quelle forme.
Car si aucun texte législatif n’encadre le financement des manuels scolaires dans les lycées, qui revient donc théoriquement aux familles, les régions se sont progressivement saisies de cette question depuis le début des années 2000. À l’été 2018, François Bonneau, président délégué des Régions de France, avait estimé le coût du remplacement des manuels à 300 millions d’euros sur 2 ans, s’il se faisait uniquement au format papier (voir notre article ci-dessous du 28 août 2018). Dans une lettre ouverte aux régions publiée le 28 janvier, Les Éditeurs d’éducation suggérait plusieurs solutions pour que l’achat des manuels soit garanti à la rentrée. Le passage au manuel numérique est l’une d’entre elles. Son modèle économique diffère du papier, puisque les régions font l’achat d’une licence, à payer sur plusieurs années, ce qui permet de lisser le coût du manuel sur 4 ou 5 ans, défend Célia Rosentraub.
Elle convient toutefois que "cela peut être problématique dans certains territoires ruraux qui ne bénéficient pas du très haut débit", sans compter le coût de l’équipement des élèves.