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Finances locales - La réforme de la DGF laisse les élus intercommunaux sur leur faim

Son report d'un an n'a pas fait disparaître les nombreux questionnements des élus locaux sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Les échanges entre élus réunis ce 13 janvier par l'Assemblée des communautés de France (ADCF) en ont témoigné. Le calendrier semble trop court à certains. Et certaines "anomalies" devraient être corrigées.

La loi de finances pour 2016 pose les principes de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF), réforme qui ne s'appliquera qu'en 2017, conformément aux annonces faites début novembre par le Premier ministre. Pour améliorer ces mesures en fonction de nouvelles simulations, des groupes de travail associant le gouvernement, les élus locaux et les parlementaires doivent bientôt se réunir. Malgré le report de leur application, les délais vont être serrés, se sont accordés les participants d'un colloque organisé ce 13 janvier à Paris par l'Assemblée des communautés de France (ADCF). "Nous n'avons pas un an. Mais quelques mois, voire quelques semaines", a souligné Olivier Dussopt. Le député PS et président de l'Association des petites villes de France (APVF) est toutefois optimiste sur la possibilité de mener à bien le chantier.
De son côté, Charles-Eric Lemaignen, président de l'ADCF, se montre perplexe. Les nouveaux contours des intercommunalités, qui avaient justifié le report d'un an de la réforme, ne seront connus que fin mars 2016. Deux intercommunalités sur trois vont changer de périmètre à cette échéance. Obtenir d'ici "fin avril" des simulations pluriannuelles tenant compte de la nouvelle carte des EPCI et permettant de connaître "le point d'arrivée de la réforme" sera selon lui une gageure. "Inquiet", il en conclut que "le délai est trop court". Et ajoute : "Avec un peu plus de temps, on pourrait créer le consensus." Il ajoute toutefois : "Le report de la réforme ne doit en aucun cas mener à son enlisement." Des raisons pratiques pourraient conduire à un nouveau report de la réforme, avance quant à lui Charles de Courson, député UDI de la Marne : les nouveaux conseils communautaires n'auront défini leurs compétences et voté les taux de fiscalité qu'en 2018.

Une liste d'anomalies

La réforme n'a pas abouti en 2016 parce que certaines collectivités auraient dû simultanément subir la baisse des dotations, la progression de la péréquation et la réforme de la DGF, rappelle Christine Pires Beaune, qui avait préparé la réforme à la demande du Premier ministre. La députée PS met les points sur les i. A présent, la réforme est votée avec une application prévue en 2017. "Nous avons six mois pour travailler sur les imperfections", souligne cette spécialiste en finances locales dont la détermination n'a pas faibli. Pour que le calendrier soit tenu, elle a demandé, par courrier, la semaine dernière au Premier ministre, de réduire la baisse des dotations envisagée l'an prochain.
Les groupes de travail auront du pain sur la planche. Les associations d'élus locaux préparent leurs doléances. L'ADCF, elle, est globalement d'accord avec les principes posés dans la loi de finances pour 2016. Mais elle dresse une liste d'"anomalies" relevant du "paramétrage", qui doivent selon elle être corrigées. La dotation de base, de 75,72 euros par habitant, qu'il est prévu de verser à toutes les communes, lui semble trop élevée. L'association regrette aussi que son versement ne tienne pas compte de la situation des collectivités au sein de leur intercommunalité. La dotation de centralité - et non l'ensemble des nouvelles dotations - sera quant à elle calculée au niveau de l'ensemble intercommunal, c'est-à-dire de l'EPCI et de ses communes membres. "On a ouvert la porte à une DGF locale, elle est juste entrouverte", analyse Christine Pires Beaune. Mais l'intercommunalité ne pourra être bénéficiaire de plus de 40% de la dotation de centralité. Ce plafond est trop bas pour les élus de l'intercommunalité. "Instaurer une vraie DGF territoriale permettrait de répondre à la question d'une meilleure allocation des moyens", souligne Estelle Grelier, députée PS proche de l'ADCF. Elle relève que face à la proposition, il existe une "énorme résistance". Résistance face à laquelle Charles-Eric Lemaignen espère une "dédiabolisation".

"Pour investir, il faut savoir où l'on va"

La réforme telle que votée par le Parlement ferait une grande majorité de "gagnants". Mais parmi eux, on compterait des communes très riches - comme Blagnac ou Sandouville. Une véritable incohérence, alors que la réforme vise une répartition plus équitable de la DGF. En outre, les petites villes et les "centralités secondaires" seraient pénalisées. Certaines zones géographiques apparaissent également injustement perdantes, comme le Massif central, qui aujourd'hui bénéficie largement de la solidarité nationale.
Des simulations pluriannuelles sur les effets de la réforme sont indispensables "pour savoir où l'on va" et notamment pour pouvoir investir, a déclaré le président de l'ADCF. Ce sera l'une des conditions pour favoriser l'investissement, lequel a fortement reculé. D'un montant de 58 milliards d'euros en 2013, la commande publique locale s'est repliée à 48 milliards en 2014 et probablement 46 milliards en 2015, selon l'ADCF. Mais dans certaines régions comme la Bretagne, "elle recule de 25%". Par grandes politiques, "ce sont les déchets, l'habitat, les bâtiments publics, la santé et le social qui sont les plus touchés, alors que la voirie se maintient à peu près", précise Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF.