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Transports - La redevance poids lourds est en bon chemin

Le séminaire organisé ce 21 novembre par l'association TDIE sous le haut patronage du secrétaire d'Etat aux Transports, Dominique Busserreau, au sujet de la redevance poids lourds, a été riche en enseignements. Instrument déployé avec succès en Allemagne, en Autriche et en Suisse, cette taxation est encadrée par deux directives européennes (Eurovignette et Interopérabilité) et s'inscrit dans les objectifs du Grenelle de l'environnement. Son introduction à l'échelle française nécessitera un dispositif législatif adapté qui devrait voir le jour dès les prochains mois et se verra complété par des décrets d'application. Objectif : l'instaurer en 2011 et lancer dans ce sens dès début 2008 une vaste consultation des acteurs concernés. En Alsace, une région directement impactée par l'évitement des autoroutes allemandes désormais payantes, tarifier la route pour en tirer une recette participant du financement d'une politique durable des transports se fera plus tôt, à la fin 2009.
"A l'heure actuelle prédominent deux conceptions de la taxe. L'une, dite alimentaire pour l'Etat, s'appliquerait à son réseau routier (11.800 km) en vue d'en affecter la recette à l'Afitf pour financer les infrastructures relevant d'autres modes de transport - fluvial, ferroviaire", a introduit Yves Krattinger, sénateur de la Haute-Saône et président de la commission Transport de l'Assemblée des départements de France (ADF). Avec un risque de report de trafic vers les routes départementales "gratuites", plus nombreuses (380.000 km) mais qui ne toléreront pas un tel dommage collatéral. Dès lors, l'ADF lui préfère la conception d'une taxe plus incitative qui ne constituerait pas qu'une recette de plus pour l'Afitf mais deviendrait un nouvel outil de gestion du trafic, dont la vocation s'appliquerait à un réseau routier plus large et ne générerait pas de report notoire de trafic. "Les recettes de la taxe seraient alors réparties entre l'Etat et les autres gestionnaires de réseaux concernés, dans une équation qui reste à trouver, mais qui nécessite à coup sûr de réformer la gouvernance de l'Afitf", a expliqué Yves Krattinger.
Derrière l'orientation éminemment politique de cette redevance se profilent d'autres difficultés. Notamment juridiques. Car son instauration nécessitera, selon Pierre Rimattei, à la tête de la Mission interministérielle sur la tarification routière, "de définir génériquement le statut des voies taxées, de fixer les fourchettes encadrant les niveaux tarifaires et de veiller à ce que l'Etat puisse maintenir efficacement son contrôle tout en externalisant plusieurs de ses missions".
Hormis le cas alsacien, où la taxation devrait s'appliquer par tranches en fonction des sections de route parcourues, les plafonds de la taxe seront fixés en fonction de la pénalisation qu'inflige telle catégorie de poids lourds à telle infrastructure routière ayant nécessité tel coût ou tel investissement. Son ordre de grandeur encore hypothétique serait de 10 à 12 centimes d'euros par km parcouru. Il se verrait modulé en fonction du niveau de pollution du poids lourd voire du niveau de congestion routière. Ce dernier paramètre serait évidemment très difficile à prendre en compte... tout comme sont complexes les questions de gestion, de contrôle et de sanction. Autant de questions qui impliqueraient à terme, selon Pierre Rimattei, que les Douanes puissent avoir accès aux fichiers d'immatriculations des véhicules - et ce, avec l'accord de la Cnil.
Le déploiement opérationnel de la taxe ne se fera pas sans un partenariat fort avec le secteur privé, dont les opérateurs et concessionnaires sont les plus avancés sur les questions cruciales de télépéage pour poids lourds et de gestion de la tarification pouvant être imposée à terme aux chauffeurs abonnés à un réseau. La taxation des camions étrangers ou plus occasionnels posent plus de problèmes. Dans tous les cas, comme l'impose la réglementation européenne, l'égalité de traitement devra être au rendez-vous.

 

Morgan Boëdec / Victoires éditions