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Banlieues - La politique de la ville : "un barrage contre l'océan" ?

L'association Ville et banlieue a présenté mardi 6 février un manifeste en dix points dans lequel elle recense les mesures urgentes à prendre pour sortir les quartiers de la ghettoïsation.


Les émeutes de banlieue de novembre 2005 auraient dû servir d'électrochoc. Plus d'un an après, qu'est-ce qui a changé dans les quartiers ? A la veille des élections, les maires de banlieues tirent le signal d'alarme. "Cet événement constitue un séisme dont on n'a pas tiré toutes les leçons ni compris toute la portée", estime Pierre Bourguignon député-maire de Sotteville-lès-Rouen et président de Ville et banlieue, une association d'élus créée au lendemain des révoltes urbaines de 1983. "On s'est trompé à la fois de diagnostic et de traitement. Même si avec les deux derniers ministres de la ville, on a pu corriger certaines erreurs, les banlieues concentrent aujourd'hui toutes les formes d'échecs et d'exclusion", insiste-t-il. Pour l'élu qui présentait mardi 6 février un manifeste de l'association, la politique de la ville sert de bouc émissaire tout en restant sous-dimensionnée par rapport aux enjeux : "La politique de la ville, c'est un peu un barrage contre l'océan." Logement social, police de proximité, carte scolaire, réforme fiscale... le manifeste en dix points présente les remèdes à prendre d'urgence pour enrayer la ghettoïsation des banlieues. Injecter des milliards n'y suffira pas, c'est à un véritable changement de philosophie qu'invitent les maires de banlieue. Sans attendre un "grand soir fiscal", les élus entendent s'attaquer en priorité à "l'inégalité fondamentale que représente la disparité des ressources entre les communes urbaines". Entre autres mesures, ils proposent d'instaurer un taux unique pour la taxe d'habitation, de réformer la taxe professionnelle et d'améliorer les dispositifs de péréquations dans les dotations.

Droit opposable au logement

Face au bilan contrasté de la délinquance (baisse générale mais hausse des violences contre les personnes), le manifeste prévoit de remettre en activité la police de proximité. Alors que le projet de loi de prévention de la délinquance revient devant l'Assemblée en seconde lecture à partir de la semaine prochaine, le député-maire de Chanteloup-les-Vignes, Pierre Cardo, s'est félicité du rôle de coordination dévolu au maire. Selon lui, "la circulation de l'information est essentielle si l'on veut répondre le plus en amont possible aux problèmes des familles en difficulté". Mais le secret partagé doit être assorti de garde-fous. Il suggère une "formation" spécifique des différents acteurs concernés.
L'association, qui reste "très attachée à la carte scolaire", préconise par ailleurs la création de "pôles d'excellence et d'innovation pédagogique" avec des filières valorisantes et de prestige en partenariat avec les grandes écoles.
Autre gros chantier : le logement et la mixité sociale. Les élus se sont félicités des avancées du projet de loi sur le droit opposable au logement voté par le Sénat et qui doit passer devant l'Assemblée la semaine prochaine. Un amendement voté par les sénateurs prévoit une rallonge d'un milliard sur le budget de l'Anru. Mais pour Jean-Yves Le Bouillonnec, député-maire de Cachan, "c'est à la fois une très grande satisfaction et une très vive inquiétude". Le programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) lancé en 2003 créerait "une forte tension sur le logement" : "Avant de démolir on doit reloger les habitants qui s'ajoutent aux files d'attente", a-t-il souligné. Alors que le PNRU prévoit la démolition et la construction de 250.000 logements sociaux en dix ans, le taux de reconstruction n'est que de 60 à 70%, a-t-il indiqué.  Autre effet pervers soulevé par François Pupponi, le maire de Sarcelles : "L'augmentation des charges découlant des rénovations risque de faire fuir les populations les moins fragilisées, alors que pour les personnes les plus défavorisées, l'impact sera amorti par l'allocation pour le logement." Le maire a également averti que les réquisitions de logements sociaux dans les quartiers, susceptibles de découler du projet de loi sur le droit opposable au logement, risquaient d'accentuer "la paupérisation des quartiers".

Michel Tendil