Assises des villes de banlieue - L'idée du Grand Paris fait son chemin
Ce n'est pas vraiment une surprise : les maires de banlieue ont unanimement affirmé, mercredi 7 juin, leur opposition au "pouvoir de sanction" qui leur est dévolu dans le projet de loi Sarkozy de prévention de la délinquance. Réunis à Clichy-sous-Bois dans le cadre des Assises des villes de banlieue, ils ont nourri le feu contre cette disposition. "Nous refusons de devenir des délégués du procureur", a une nouvelle fois martelé Jean-Pierre Balduyck, président du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU). Cette saillie du maire de Tourcoing intervient en effet une semaine après la publication du Manifeste pour la sécurité des villes du FFSU, un document qui répond point par point au projet de loi Sarkozy qui doit être présenté en Conseil des ministres le 20 juin prochain. Même Xavier Lemoine, le maire UMP de Montfermeil, auteur récemment d'un arrêté interdisant le regroupement de jeunes en centre-ville, s'est prononcé contre. Claude Dilain, le maire socialiste de Clichy, a enfoncé le clou : "Nous sommes d'accord pour être au coeur du dispositif mais opposés à un transfert de pouvoirs de la police en direction du maire. Nous ne sommes ni policiers ni juges. Le risque est d'éloigner un peu plus la population des institutions."
Sept mois après l'épilogue de la crise des banlieues, ces assises ont donné lieu à un état des lieux amer. La ministre déléguée à la Cohésion sociale, Catherine Vautrin, a rappelé que le nombre de zones franches urbaines avait été porté à 100 en 2005. Pour les 29 quartiers supplémentaires, "une notification de la Commission européenne" doit lui être transmise d'ici la fin juin, a-t-elle annoncé. Elle sera "suivie d'un décret en Conseil d'Etat pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2007".
Une proposition de loi sur la DSC
Les maires se sont penchés sur la situation de l'Ile-de-France, région la plus riche mais aussi la plus inégalitaire de France. "On paye plus d'impôts locaux au quartier des Pyramides à Evry qu'au coeur du Marais à Paris, a souligné Manuel Valls, député-maire d'Evry. Personne n'a eu le courage de réformer la fiscalité locale, les bases locatives n'ont pas changé depuis trente ans. Attirer des classes moyennes est impossible dans nos communes."
Les élus ont présenté la péréquation financière comme "une clé de la sortie de crise". La réforme de la DSU (dotation de solidarité urbaine) qui prévoit un doublement des fonds sur cinq ans au profit des communes les plus défavorisées, a été saluée comme un progrès mais de nombreuses interrogations subsistent quant à la pérennité du dispositif.
Jean-Yves Le Bouillonnec, député-maire de Cachan, a vanté les mérites du Fonds de solidarité pour les communes de la région d'Ile-de-France (FSRIF) qui vient s'ajouter à la DSU. Ce fonds supplémentaire s'élève à 175 millions d'euros en 2006. Il permet à "35 communes d'en soutenir 138 autres", a-t-il expliqué, regrettant que les intercommunalités ne se soient pas associées à l'effort. Jacky Darne, vice-président du Grand Lyon, a suggéré la rédaction d'une proposition de loi sur la dotation de solidarité communautaire (DSC). Cette proposition pourrait s'inspirer de l'expérience du FSRIF. Jacky Darne s'est par ailleurs étonné que seule l'Association des maires de France ait été conviée à la Conférence des finances publiques qui doit se tenir ce mois-ci.
Une "conférence métropolitaine" pour le Grand Paris ?
"Paris est la seule grande métropole des pays industrialisés qui n'organise pas son aire métropolitaine. Logement, transport, développement économique, universités, santé : toutes ces questions sont complètement dispersées", a également déploré Manuel Valls. Il a défendu l'idée d'une "grande agglomération autour de Paris, allant au moins jusqu'aux villes nouvelles" et repris l'idée du maire de Paris d'instaurer une "conférence métropolitaine". Cette structure informelle devrait se réunir début juillet. Son rôle sera d'élaborer des propositions communes en accord avec la région et les départements. Selon Pierre Mansat, adjoint (PCF) au maire de Paris, il s'agit de "créer les conditions d'un dialogue politique d'égal à égal entre Paris et les villes de banlieues". A n'en pas douter, la question du Grand Paris sera l'un des principaux enjeux des prochaines élections municipales dans la capitale.
Lors d'une conférence de presse improvisée en marge de ces assises, les maires de Clichy et de Montfermeil, pourtant opposés politiquement, ont fait cause commune pour défendre le projet de desserte en tramway du plateau de Clichy-Montfermeil sur lequel est bâti un grand ensemble de 8.000 logements. "Voilà un cas concret : 400.000 euros ont été alloués au renouvellement urbain. C'est un effort sans précédent. Mais il ne sera efficace que si l'on procède à un désenclavement des transports", a illustré Claude Dilain. Alors qu'une étude est en cours, il a expliqué que le conseil d'administration du Stif (Syndicat des transports d'Ile-de-France) avait repoussé l'examen du projet de juillet à septembre. "On ne peut pas aller au-delà, ensuite, on entrera en zone de turbulences", a-t-il prévenu. Pour Xavier Lemoine, "le coût du tramway sera toujours bien inférieur à celui des émeutes".
Michel Tendil
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