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Handicap - La PCH bientôt récupérable sur les assureurs ?

Sera-t-il un jour possible pour les départements de récupérer tout ou partie de la prestation de compensation du handicap (PCH) sur les assureurs de la personne à l'origine de l'invalidité accidentelle ? Tel est en substance le sens de la question écrite de Louis Pinton, sénateur (UMP) de l'Indre, demandant au gouvernement si celui-ci est "prêt à prendre l'initiative d'un aménagement consistant à inclure la PCH dans la liste prévue à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 [tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ndlr], afin de ménager aux départements une voie de recours à l'encontre des auteurs d'accidents de la route concernés et de leurs assureurs pour faire valoir leurs créances".

Un cadre juridique longtemps très verrouillé

Dans sa réponse, la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées souligne que le contexte juridique a longtemps été très défavorable à une telle hypothèse. Elle rappelle en effet que la loi Handicap 11 février 2005 n'a pas prévu de rendre la PCH subsidiaire par rapport aux indemnisations assurantielles, ce qui aurait alors permis aux départements d'engager des actions subrogatoires contre les tiers responsables. De même, la PCH ne peut pas être aujourd'hui récupérée dans le cadre d'un recours contre la personne tenue à l'indemnisation, car cette prestation ne fait effectivement pas partie de la liste fixée par l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985.
La situation semblait donc bloquée jusqu'à deux décisions récentes et convergentes de la Cour de cassation (n°12-18093 du 16 mai 2013) et du Conseil d'Etat (n°350799 du 23 septembre 2013), qui reconnaissent à la PCH un caractère indemnitaire et modifient ainsi la donne juridique. Ces deux décisions ne sont toutefois pas favorables aux départements. Ainsi que le précise la réponse ministérielle : "Dès lors, en l'absence de dispositions rendant la PCH subsidiaire par rapport aux indemnisations assurantielles et permettant le recours subrogatoire des conseils généraux, le montant de la PCH peut être déduit du montant de l'indemnisation assurantielle." Les départements se trouveraient ainsi contraints de devoir assumer des sommes qui devraient normalement être supportées par les assureurs.
L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait d'ailleurs mis en évidence ce risque dans son rapport sur la PCH de 2011 et demandé une modification des textes, afin de prévoir un recours subrogatoire pour les départements en matière de PCH.

Un prise de conscience du gouvernement

Jusqu'à présent, le gouvernement n'avait pas vraiment tenu compte ni des conséquences dommageables des décisions de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat, ni des recommandations de l'Igas. Une possible évolution semble toutefois se faire jour, en particulier dans le cadre des travaux lancés par le chef de l'Etat sur la compensation des allocations individuelles de solidarité, dont relève la PCH (voir nos articles ci-contre des 15 et 28 novembre 2013).
La réponse ministérielle prend soin de préciser qu'une telle évolution est "techniquement et juridiquement complexe au regard de la nature des frais en cause ou des modalités de versement des indemnités". Néanmoins, elle conclut qu'après une phase d'évaluation des impacts d'une telle mesure sur l'ensemble des parties prenantes (usagers, départements et assureurs), "le souci de bonne gestion de cette prestation et des deniers publics rendent opportunes ces analyses, qui seront conduites dans les prochains mois".
Même si le chemin est encore long, la porte semble donc s'entrouvrir pour les départements. Compte tenu du nombre de handicaps résultant d'accidents de la route - dont une partie avec des tiers responsables - l'impact pourrait être non négligeable pour les finances des départements.
On notera au passage qu'une soixantaine de députés UMP ont déposé, en juillet 2014, une proposition de loi destinée à réaffirmer le caractère indemnitaire de la PCH, afin - précisément - d'éviter les risque engendrés par la nouvelle jurisprudence du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation (voir notre article ci-contre du 23 juillet 2014). Mais celle-ci est demeurée jusqu'alors au point mort.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : Sénat, question écrite n°10598 de Louis Pinton, sénateur (UMP) de l'Indre et réponse de la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion (JO Sénat du 22 janvier 2015).