La mutation des terrains synthétiques est en route

Alors qu'un règlement européen oblige, à l'horizon 2031, les collectivités à se débarrasser des remplissages plastiques de leurs terrains de football synthétiques, le ministère des Sports vient de lancer un groupe de travail réunissant les acteurs concernés.

Ça bouge du côté des pelouses synthétiques. Le 21 mai dernier, une réunion à laquelle participaient notamment le ministère des Sports, la Fédération française de football (FFF) et des représentants de collectivités territoriales, dont l'Andes (Association nationale des élus en charge du sport), a permis de faire un premier tour d'horizon collectif sur la question quelques mois après l'annonce par la Commission européenne d'un règlement interdisant à la vente, à compter du 17 octobre 2031, les matériaux de remplissage granulaire microplastiques qui contribuent à assurer la bonne tenue des brins d'herbe synthétique (lire notre article du 24 octobre 2023).

Récemment, le sénateur de la Mayenne Guillaume Chevrollier avait interpelé le ministère des Sports sur le sujet. Alors que de nombreuses collectivités locales investissent dans des projets d'aménagement – on compte aujourd'hui 2.575 terrains de football et environ 350 terrains de rugby synthétiques en France –, il souhaitait connaître les solutions dont elles pourraient disposer pour mener à bien leurs projets tout en respectant le règlement européen. Le parlementaire cherchait notamment à savoir s'il existait une liste de matériaux alternatifs et si, en fonction du coût de ceux-ci, une participation de l'État était prévue. 

Dans sa réponse, le ministère des Sports annonçait la prochaine réunion d'un groupe de travail ad hoc. Il précisait par ailleurs qu'à ce jour, les matériaux de remplissage alternatifs les plus connus étaient les granulés de liège, les noyaux d'olive concassés, les rafles de maïs concassées, les résidus de noix de coco et les particules de bois. Il ajoutait que "le choix de l'une ou l'autre des solutions revient à la collectivité". Parmi les critères techniques à prendre en compte pour effectuer ce choix, il citait notamment l'abrasivité, l'élasticité – qui permet de minimiser le risque traumatologique des pratiquants –, le niveau de pratique, la facilité d'entretien, la fréquence de remplissage, etc.

Le liège, en tête des solutions alternatives

Si la réunion du 21 mai n'a pas permis d'aller beaucoup plus loin en termes de solutions, elle a offert à la FFF l'occasion de présenter aux collectivités son enquête menée cet hiver auprès de ses clubs affiliés disposant d'une pelouse synthétique. Parmi les 1.144 réponses recueillies, on note tout d'abord qu'à l'heure actuelle, les granulats de remplissage en caoutchouc SBR – ceux qui sont voués à disparaître – représentent 73% du parc, tandis que les remplissages en liège (10%) et en "organique végétal" (4%) sont encore peu répandus. Il est toutefois encourageant de constater que le liège se développe assez rapidement : les terrains remplis avec cette matière n'ont, en moyenne, que 2,9 ans d'ancienneté, alors que ceux remplis en SBR ont près de 10 ans en moyenne et arrivent pour la plupart au bout de leur vie. 

Les réponses à l'enquête de la FFF mettent par ailleurs en avant les qualités techniques du remplissage en liège, qui atteint des performances équivalentes ou supérieures à celles des remplissages en caoutchouc. De même, le remplissage par matière organique végétale génère moins de gêne olfactive. Et si le liège se comporte bien sous une forte chaleur, les granulats de SBR, à l'inverse, ont tendance à amplifier les effets d'îlot de chaleur du gazon synthétique en période estivale.

Les subventions en question

Alors que, selon la FFF, "le terrain en gazon synthétique répond à un besoin des clubs pour une utilisation intensive en cas de contrainte foncière ou de déficit d'installations", le ministère des Sports a donc pris la mesure de la tâche à accomplir d'ici 2031 en mobilisant les acteurs concernés. Selon nos informations, les collectivités attendent des prochains rendez-vous la réalisation d'un outil permettant de les aider concrètement à anticiper cette transition. Un futur guide pourrait s'appuyer sur l'étude réalisée en décembre dernier par la Drajes (direction de région académique à la jeunesse, à l'engagement et aux sports) de la région Auvergne-Rhône-Alpes dans le cadre de sa conférence régionale du sport, jugée comme étant "la plus aboutie à ce jour" par le ministère des Sports.

Reste la question du financement des mesures rendues indispensables par le règlement européen. Selon les estimations de la Commission, le coût de cette mise à jour des remplissages de pelouse synthétique pourrait atteindre 19 milliards d'euros sur les vingt prochaines années pour l'ensemble des États de l'Union européenne. Dans sa réponse à la question du sénateur Guillaume Chevrollier, le ministère des Sport concluait en annonçant que "la question de l'accompagnement financier sera également l'un des sujets abordés" lors de la réunion du 21 mai. Or, elle ne l'a finalement pas été. Si aujourd'hui "les terrains de grands jeux avec un revêtement en gazon synthétique composé de matériaux recyclables d’origine naturelle" bénéficient d'une priorité d'examen dans le cadre des demandes de subvention de l'enveloppe dédiée aux équipements structurants de l'Agence nationale du sport, les moyens de celle-ci – 39,5 millions d'euros en 2024 pour l'ensemble des équipements structurants – ne pourront suffire à relever ce défi. 

› Un tracé commun pour les terrains de rugby et de football

Afin de mieux répondre aux problématiques rencontrées par les collectivités locales dans le développement des lieux de pratique, la Fédération française de rugby et la Fédération française de football ont élaboré un tracé commun pour les deux sports.

La fiche pratique intitulée "Construire un terrain mixte football/rugby" publiée à la suite de ce travail précise les dimensions et couleurs des tracés, position des corners et drapeaux ainsi que les zones de sécurité et zones techniques à respecter.

Toutefois, ce protocole mixte n'a pas vocation à s'appliquer sur tout type de terrains puisqu'il ne permettra l'accueil de compétitions officielles que jusqu'au niveau de classement T2 en football et C en rugby.