Environnement - La moitié de la forêt française menacée par le feu à l'horizon 2050
Un tiers des surfaces forestières métropolitaines, soit 5,5 millions d'hectares, sont aujourd'hui exposées à un risque important d'incendies mais en 2040 ces surfaces pourraient augmenter de 30% et à l'échéance 2050, près de la moitié des landes et forêts serait sous la menace du feu. C'est le constat alarmant dressé par la mission interministérielle chargée d'évaluer les conséquences du changement climatique sur l'aléa feux de forêts dans son rapport rendu public en septembre dernier.
Le massif aquitain et la Sologne sont les premiers concernés par l'extension des zones à risque. Concernant la forêt méditerranéenne, la plus touchée actuellement par les incendies, "le scénario d'altération durable de la végétation forestière résultant d'incendies répétés (plus de 4 en 50 ans) paraît tout à fait possible dès 2030", souligne le rapport. La sauvegarde du massif reste toutefois possible mais elle sera "encore plus dépendante qu'actuellement de la prévention et de la lutte contre les incendies".
Des dépenses en hausse de 20% au moins d'ici à 2040
Conséquence de l'extension des surfaces à risques, les coûts liés à la prévention et à la lutte contre les feux de forêt sont appelés à augmenter de manière sensible. Sur la base des dépenses actuellement engagées par les acteurs publics et privés de la prévention et de la lutte (plus de 500 millions d'euros par an) et d'un ratio de charges variables estimé à 2/3, la mission interministérielle prévoit une augmentation des coûts d'au moins 20% d'ici à 2040 (en euro constant et avec des politiques et des matériels équivalents à ceux d'aujourd'hui). Les sources de financement demeureront en grande partie issues des fonds publics (budget Etat, Union européenne, collectivités) et "plusieurs pistes restent à explorer pour diminuer l’impact de cette augmentation des coûts sur les budgets publics" avance la mission. Elle propose notamment d'organiser le transfert de compétences des communes vers les communautés de communes pour la mise en oeuvre des politiques de prévention aux feux de forêts et de mieux utiliser les nombreux outils de l'Union européenne susceptibles de contribuer au financement de mesures de prévention.
Extension des plans communaux de sauvegarde
Pour réduire les risques, le rapport formule une série de recommandations regroupées en six thématiques : amélioration des connaissances ; information du public ; prévention ; lutte contre les incendies de forêt ; gestion forestière ; urbanisme et aménagement du territoire. Parmi celles touchant directement les collectivités, on peut citer le développement des plans communaux de sauvegarde (PCS) dans les communes à risque, notamment là où un plan de prévention des risques incendies de forêts (PPRIF) est prescrit, avec une incitation aux préfets d'en rappeler l'obligation aux communes. La mission recommande aussi le développement des PCS dans les communes à risque où un PPRIF n'est pas prescrit, avec une incitation aux Sdis d'en rappeler l'utilité, ainsi que de réaliser au moins un exercice annuel. Autre conseil : étendre à toutes les communes soumises au risque d'incendie dans l'avenir l'obligation de faire figurer dans l'information acquéreurs locataires (IAL) l'existence du risque d'incendie de forêt et le cas échéant les obligations qui en découlent (débroussaillement).
Pour accompagner les efforts des collectivités en matière de prévention, la mission propose aussi d'affecter (sur un compte spécial du Trésor) le produit des amendes-contraventions liées aux infractions pour non-respect des réglementations feux de forêts et de le transférer au budget de la communauté de communes compétente sur le territoire concerné. Elle suggère aussi de réfléchir à une fiscalité foncière tenant compte des travaux de protection effectivement réalisés par les propriétaires.
Des plans départementaux de protection plus contraignants
Compte tenu de la durée de vie de certaines réalisations (équipement, habitations), la mission considère que le risque futur probable d’incendies de forêt auquel elles seront exposées est à intégrer dès leur conception et que les dispositifs d’évaluation environnementale sont à adapter en conséquence. Elle recommande ainsi de prendre en compte le futur risque d’incendies de forêt ou de végétation dans les déclinaisons régionales et locales de la trame verte. Elle propose également de donner une valeur contraignante de conformité au plan départemental de protection des forêts contre les incendies (PDPFCI) vis-à-vis des documents de planification d'échelle inférieure (schéma de cohérence territorial, plan local d'urbanisme) et d'étendre l'élaboration du PDPFCI à tous les départements susceptibles d'être confrontés à ce risque, en associant étroitement à son élaboration le Sdis, le conseil général et les principales collectivités concernées (communautés de communes).
Concernant les PPRIF, la mission préconise une vérification décennale, au moins des études d'aléa. Elle reconnaît l'intérêt dans ces plans de zones où l'urbanisation pourrait être admise sous condition, après la réalisation de certains travaux. Elle recommande donc qu'une disposition soit introduite dans le Code de l'environnement pour officialiser cette pratique. Ainsi l'ouverture à l'urbanisation des nouvelles zones devrait résulter d'une révision du PPRIF conduite suivant les mêmes formes que l'approbation du plan initial, après enquête publique, la réalité des travaux ayant été vérifiée et attestée par un service de l'État. Toujours au chapitre des PPRIF, la mission reconnaît qu'ils restent un outil pertinent pour les territoires communaux les plus exposés et qu'ils sont des "leviers pour obtenir des collectivités locales des politiques d'aménagement plus précautionneuses et si besoin correctives". Pour autant, il ne lui paraît pas réaliste d'envisager leur généralisation en particulier pour des territoires où le risque d'incendie reste faible et inconnu jusqu'à aujourd'hui
En matière d'urbanisme, elle juge nécessaire qu'une circulaire interministérielle prescrive aux préfets de systématiser dans les "porter à connaissance" une déclinaison des articles R.111-2 et R 111-5 du Code de l'urbanisme vis-à-vis des risques, tant actuels que potentiels, d'incendie de forêts tant pour les communes qui se dotent d'un plan local d'urbanisme (PLU) que pour les nombreuses autres communes (la majorité des communes rurales). Cette circulaire devrait inciter à une utilisation intégrée des dispositions du Code de l'urbanisme et du Code forestier. "Ces dispositions générales articulées entre elles et avec des "porter à connaissance" et un contrôle pertinent permettent d'assurer la base de la prévention des risques naturels", insistent les rapporteurs.
La mission recommande en outre qu'une instruction soit donnée aux préfets pour mettre en
demeure les collectivités concernées d'abroger les dispositions qui autorisent des constructions isolées et notamment celles qui, dans des zones NB de plans d'occupation des sols (POS), ne permettent la construction que sur des terrains d'une superficie minimale. "Selon les cas, il conviendrait d'interdire de nouvelles constructions dans ces zones ou alors de les densifier", est-il précisé. Enfin, elle suggère d'étudier la possibilité d'édicter, pour prévenir le risque d'incendie de forêts, des règles sur les constructions selon un dispositif analogue à celui déployé pour prévenir les risques sismiques.
Anne Lenormand