La mairie de Luc-sur-Aude transforme un projet immobilier inachevé (11)
À la suite de la faillite d’un promoteur, la commune de Luc-sur-Aude a relancé un projet immobilier abandonné durant des années. Grâce à une démarche participative, le nouveau lotissement répond à des enjeux environnementaux mais aussi de mixité sociale. Les premiers habitants sont déjà sur place.
Bâtir un projet à partir de ruines, c’est le défi que s’est lancé la mairie du Luc-sur-Aude en 2015. Après bon nombre de négociations et de réflexions, le pari est réussi. Le lotissement, rebaptisé « Pèch des possibles », commence à accueillir ses premiers habitants et a même obtenu deux labels : Écoquartier de niveau 2 et Territoire Bio engagé. Deux maisons sont achevées, deux autres en cours de construction, et trois ou quatre autres devraient voir leur chantier démarrer au cours de l’année 2023.
Pour comprendre le projet, il faut remonter à 2003. À l’époque, la mairie accorde un permis d’aménager à un promoteur. Puis, en 2007, vient la crise des subprimes. L’aménageur fait faillite. Il abandonne le projet, après avoir édifié trois maisons (uniquement les murs, un toit et les huisseries) sur les 16 prévues. Un imbroglio juridique débute et repousse tout repreneur potentiel.
« Au bout de plusieurs années, par constat de carence, la commune a décidé d’intervenir », explique le maire, Jean-Claude Pons. Première étape : négocier un prix de rachat des terrains auprès les acquéreurs abandonnés. La mairie obtient le tarif de 8 euros par mètre carré, ainsi qu’un dénouement avec les propriétaires (britanniques) des trois maisons inachevées, grâce à l’intervention personnelle auprès de ces derniers d’une conseillère municipale, également originaire de Grande-Bretagne.
Démarche participative
Pour mener le projet, la mairie choisit d’associer les futurs habitants, auxquels elle a revendu les parcelles à prix coûtant*. Elle mandate alors la SCIC Faire ville pour animer la réflexion des acquéreurs. Une difficulté de taille : inviter à une démarche collective des propriétaires de maisons individuelles, un type d’habitat qui, par définition, relève davantage d’une démarche individualiste. « Il ne faut surtout pas partir de propositions d’urbanistes, juge le maire. Il faut que les propositions émanent des futurs habitants eux-mêmes. Par exemple, pour préserver la vue et l’intimité de chacun, nous avons organisé les constructions sur les courbes de niveaux, en décalant légèrement les différents lots. »
Autre spécificité amenée par cette démarche participative : le lotissement compte, en son centre, un terrain destiné à abriter un atelier commun pour entreposer tondeuses et autres outils (et/ou une chambre d’amis commune). Ce terrain central accueille aussi un jardin collectif d’environ 800 m2.
Plus-values multiples
Pour Jean-Claude Pons, les avantages sont multiples. D’abord, la conception de règles de vie en commun, par les habitants eux-mêmes, impose à chacun un respect mutuel, même en cas de changement de propriétaire. En cas de vente, le nouveau venu doit accepter ces règles.
De plus, l’aménagement est pensé en fonction des besoins des habitants et non plus selon les plans d’un investisseur désireux de rentabiliser chaque mètre carré. Voilà comment le collectif a opté pour des rues en cul-de-sac plutôt que, comme c’était prévu initialement, pour une rue centrale traversante, susceptible d’amener de la circulation. De même, pour l’aménagement des rues (luminaires, trottoirs, etc.) : soucieux des coûts que cela engendre sur les parcelles, le collectif a choisi un revêtement goudron pour une seule voie en pente, optant pour du stabilisé sur les autres chemins (sans trottoir ni accotement).
Interventions de la mairie
Autre intérêt d’un tel projet : il a permis à la ville d’aménager des logements sociaux (dans les trois maisons rachetées par la mairie). « Mais chaque nouveau locataire doit être présenté devant l’assemblée des propriétaires, qui l’agrée ou pas », prévient Jean-Claude Pons.
Pour couronner le tout, la mairie a posé des conditions en matière d’écoconstruction pour les logements à venir, via une charte : les maisons doivent utiliser des matériaux locaux et biosourcés, recourir aux énergies renouvelables et être autonomes dans leur fonctionnement. « C’est dans le règlement de lotissement, ajoute le maire. Il y a un système de points. Il faut atteindre un minimum de points dans chaque catégorie pour avoir accès au permis de construire. »
Pour la ville, il n’y a pas eu de bénéfice financier sur cette opération, mais pas de perte non plus. Pour une collectivité, d’autres gains sont en effet en vue : a priori moins de risques de conflits de voisinage, une plus grande attractivité pour le territoire, une démarche écologique… Et de nouvelles taxes foncières.
*La commune s’était engagée à une totale transparence. Elle a ainsi détaillé les coûts du projet sur le site pechdespossibles.fr.
Dates clés
- 2007 : la construction du lotissement sur le terrain « Les Coutieux » est abandonnée. (Seulement 3 maisons construites – murs et toit – et une dalle prévue pour une quatrième maison.)
- 2014 : la mairie de Luc-sur-Aude lance une réflexion concernant l’aménagement du terrain.
- Novembre 2015 : L’Établissement public foncier Languedoc-Roussillon conventionne avec la mairie pour l’achat du terrain à hauteur de 50 000 € (remboursement par la commune sur 8 ans).
- 2015 : rédaction du cahier des charges du projet d’aménagement des « Coutieux » par la mairie (comprenant 13 lots, dont 3 lots destinés à du locatif social et 10 lots à la vente directe et un espace collectif).
- 2016 : lancement de la démarche participative avec un cabinet d'étude, la coopérative Faire-Ville basée à Toulouse (avec production du plan d'aménagement, d’une charte du « vivre ensemble », et d’un règlement du lotissement).
- 2022 : installation des premiers habitants.
Commune de Luc-sur-Aude
Nombre d'habitants :
Jean-Claude Pons
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