Cohésion territoriale - La France plaide le "plurirégional" auprès de Bruxelles
La réforme des collectivités en France va se télescoper avec un autre agenda : celui de la cohésion territoriale. La consultation ouverte par la Commission européenne à l'automne derner vient de s'achever. L'objectif : définir un dénominateur commun à ce qui s'apparente à un aménagement du territoire à l'échelle européenne, sachant que le territoire est amené à devenir le troisième axe de la politique de cohésion avec l'économique et le social. Toutes les parties concernées de près ou de loin par l'une des problématiques abordées étaient invitées à exprimer leur avis sur les politiques à mettre en oeuvre dans le futur. Des contributions que le public peut consulter librement. La commissaire européenne en charge de la politique régionale, Danüta Hübner, a dévoilé les tendances qui se dégagent de ces contributions : plus de coopérations stratégiques régionales à l'image du récent regroupement des régions de la mer Baltique, une meilleure prise en compte des acteurs locaux dans la définition des politiques et une meilleure coordination entre les différents niveaux de décision. Enfin, les acteurs de la cohésion européenne souhaiteraient voir mis en place des indicateurs plus performants que ceux actuellement utilisés.
Dans sa position, la France propose à ce titre plusieurs mesures significatives : indicateurs mesurant les valeurs patrimoniales, l'accès aux services de base, mobilité et disponibilité des transports multimodaux ou encore capacité financière des territoires à porter des projets et caractère des zones rurales.
Territoires de projets
Les autorités françaises insistent aussi sur le rôle des territoires de projets dans la définition des politiques de développement : "Les partenaires régionaux consultés sont unanimes pour souligner que les territoires organisés à l'échelle intercommunale, qu'il s'agisse des intercommunalités 'classiques' ou des coopérations entre communes qui peuvent prendre des formes variables (schémas de cohérence territoriale, parcs naturels régionaux, pays) sont une échelle de mise en oeuvre appropriée des politiques de développement intégrant des dimensions économique, sociale et d'aménagement du territoire. Ces intercommunalités ou coopérations se rassemblent autour d'une stratégie et d'un projet de territoire, et non d'une programmation additionnelle d'actions." Une position qui tranche avec les récents débats menés au sein de la commission Balladur sur la réforme des collectivités. En effet, la proposition n°6 du rapport préparé par le groupe d'experts prévoit purement et simplement d'interdire la constitution de nouveaux pays. Ces structures sont souvent le socle des groupes d'action locale (GAL) chargées de la mise en oeuvre du programme européen de développement rural Leader.
Le regroupement des régions que prône la commission Balladur trouve une résonance dans la contribution de la France, bien que les espaces évoqués soient plus motivés par des considérations géographiques. "Le plurirégional permet de gagner en cohérence et en efficacité pour la mise en oeuvre d'actions communes", indiquent les autorités françaises, faisant référence aux quatre programmes opérationnels élaborés au titre du Fonds européen de développement régional (Feder) prévus spécifiquement pour les régions autour de la Loire, du Rhône, du Massif central et des Alpes. La contribution de la France évoque également la question des régions ultrapériphériques (les DOM pour la France) qui doivent être envisagées comme des atouts "valorisés à l'échelle européenne, notamment dans le domaine des politiques énergétique, maritime, de l'environnement, de la recherche et de la politique extérieure de l'Union".
Maintenir la politique de cohésion dans l'ensemble des régions
Enfin les autorités nationales s'expriment en faveur du maintien d'une politique de cohésion "dans l'ensemble des régions d'Europe" ainsi que de la prise en compte des enjeux de la cohésion territoriale de façon transversale, dans l'ensemble des politiques européennes. Un point de vue que partage l'Association des petites villes de France (APVF) qui milite également pour une meilleure définition des services publics économiques et sociaux d'intérêt général dont elle juge "la densité, la qualité et la pérennité" comme "des facteurs indéniables de cohésion territoriale". L'APVF partage en outre la contribution de la Maison européenne des pouvoirs locaux français (MEPLF). Celle-ci envisage l'élaboration "d'un livre blanc sur la cohésion territoriale". Les associations membres de ce réseau souhaitent être "associées à l'élaboration des mesures opérationnelles que la Commission présentera dans ce cadre. Elles considèrent en effet que cette démarche est indispensable pour aider les territoires à affronter tout à la fois la crise économique et financière et les autres défis identifiés par la Commission dans le document Régions 2020 : mondialisation, changement climatique, évolutions démographiques et enjeux énergétiques. Au Conseil des communes et des régions d'Europe (CCRE), on met l'accent sur "l'importance des questions de développement urbain et sur l'importance de l'interface entre zones urbaines et zones rurales". Et de son côté, la mission opérationnelle transfrontalière (MOT) insiste sur les atouts de la coopération entre territoires voisins, présentant le "développement de projets de territoires intégrés sur les frontières européennes, qui constitueraient de puissants facteurs de régulation des déséquilibres, d'intégration du territoire européen et de pacification des frontières externes de l'Europe". Une meilleure assistance technique pour la mise en oeuvre de ces projets apparait par ailleurs comme essentielle pour la MOT. En Allemagne, l'Etat fédéral et les länder qui ont proposé une contribution commune rangent aux côtés des objectifs de la cohésion territoriale le "renforcement du sentiment d'appartenance des citoyens à travers la promotion de mesures et de projets dont la plus-value européenne est particulièrement visible".
350 réponses ont été adressées à la Commission européenne dans le cadre de cette consultation. Elles seront toutes étudiées et publiées librement sur son site. Le débat sur l'avenir de la politique de cohésion sera poursuivi lors d'une conférence sur le sujet organisée à Prague les 26 et 27 mars prochains, mais aussi lors du conseil informel des ministres les 23 et 24 avril. Le 27 avril, l'économiste italien Fabrizio Barca présentera le rapport sur les effets de la politique de cohésion que lui a commandé Bruxelles. Enfin, les résultats définitifs de la consultation seront diffusés dans le cadre de la publication du sixième rapport sur la cohésion économique et sociale, en juin prochain.
Caroline Garcia / Welcomeurope