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Environnement - La France menacée de lourdes sanctions financières

Malgré un recul du nombre de contentieux environnementaux depuis 2006, la France reste sous la menace de sanctions record de Bruxelles sur au moins trois dossiers - OGM, nitrates en Bretagne, eaux résiduaires urbaines -, selon un rapport approuvé ce mercredi 13 juin par la commission des finances du Sénat.

Un an après un premier rapport d'information pointant les insuffisances françaises en matière d'application du droit communautaire de l'environnement et les risques budgétaires en découlant, Fabienne Keller, sénatrice du Bas-Rhin et rapporteur spécial de la mission "Ecologie et développement durable" a présenté ce mercredi 13 juin un nouvel état des lieux des contentieux en cours.
Au premier abord, la situation s'est améliorée depuis avril 2006 : le nombre de contentieux environnementaux ouverts au titre de l'article 228 CE  et donc susceptibles d'entraîner des pénalités a décru, passant de dix à quatre. Les affaires environnementales représentent aujourd'hui 31% du nombre total des dossiers en cours contre 41% il y a un an.
Le stock de contentieux environnementaux de la France est désormais comparable à celui du Royaume-Uni et de l'Allemagne, et nettement moindre que ceux de l'Espagne et de l'Italie. Six procédures ont été classées au cours de l'année écoulée, parmi lesquelles deux dossiers très avancés concernant l'application de la législation Natura 2000.
Cette embellie est pourtant à nuancer, affirme Fabienne Keller dans son rapport. Trois affaires laissent en effet présager de lourdes sanctions financières. La Commission européenne a saisi la Cour de justice le 15 février dernier pour non-transposition partielle par la France de la directive de 2001 sur la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement. La sanction totale encourue est de 42 millions euros. Pour Fabienne Keller, la transposition partielle par décret intervenue le 19 mars dernier n'est pas de nature à satisfaire Bruxelles. "Il faut une vraie loi, après un vrai débat national car il y a un réel malaise dans l'opinion française sur la question des OGM", a-t-elle estimé.

 

Eaux résiduaires urbaines : une sanction de 300 à 400 millions d'euros

La pollution des eaux par les nitrates en Bretagne - le taux de maximum de 50 mg/litre n'est toujours pas respecté - fait aussi peser sur la France le risque d'une sanction de 40 millions d'euros. "La directive enfreinte datant de 1975, la patience de la Commission semble épuisée et une saisine de la Cour pourrait intervenir dès le mois de juin", a prévenu Fabienne Keller.
Mais c'est le non-respect de la directive sur le traitement des eaux résiduaires urbaines qui présente le risque financier le plus élevé : il est estimé entre 300 et 400 millions d'euros. Le contentieux résulte de l'absence de mise aux normes des stations d'épuration d'une centaine d'agglomérations, dont l'échéance était fixée au 31 décembre 1998. "Le montant exorbitant de la sanction mérite d'autant plus d'être retenu que, dans la mesure où la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser incombe aux collectivités territoriales, l'Etat pourrait être tenté de reporter sur elles la charge financière d'une éventuelle condamnation", met en garde la sénatrice.
L'idée de faire assumer la sanction par les collectivités fautives avait été formulée par la ministre de l'Ecologie et du Développement durable devant le comité interministériel pour l'Europe le 6 février 2006. Dans son rapport, Fabienne Keller réitère ses réserves face à cette proposition, réserves également formulées par le Conseil d'Etat. "Cette solution semble difficilement acceptable compte tenu de l'absence totale d'association des collectivités aux processus de négociation communautaires."

 

Dix autres dossiers sensibles

Dix autres dossiers environnementaux sont jugés à risque par les autorités françaises : c'est notamment le cas de la transposition insuffisante de la directive de 2005 sur les études d'impact, de celle de 2000 sur les véhicules hors d'usage, de celle de 1999 sur les composés organiques volatils, du retrait sans justification de certaines eaux de baignade du champ de la directive concernant la qualité de ces eaux ou encore de manquements à la directive de 1998 concernant la qualité des eaux destinées à la consommation humaine dans les départements de Vendée, des Deux-Sèvres et de Charente-Maritime. "Comme à l'accoutumée, les raisons qui ont conduit au déclenchement de procédures tiennent aux modalités insuffisantes de transposition des directives et au non-respect pur et simple du droit communautaire", a indiqué Fabienne Keller.
Pour éviter les risques de contentieux à l'avenir, la sénatrice préconise d'encourager le réflexe communautaire au sein de l'administration. Dans son précédent rapport, elle avait formulé onze propositions sur ce thème. Concernant les collectivités territoriales, plusieurs démarches en cours  - diffusion aux grandes associations d'élus des propositions de textes de la Commission et de leur fiche d'analyse par les ministères, mise en place d'une information locale sur l'Union européenne via des séminaires de sensibilisation, etc. - vont selon elle dans le bon sens. Mais, prévient-elle, "ces initiatives devront déboucher sur une implication véritable des collectivités territoriales, sous peine l'alimenter la longue liste des comités Théodule ou de demeurer de simples alibis".
 

Anne Lenormand