Adoption internationale - La France maintient sa position sur la kafala, mais un groupe de travail cherche des solutions
Dans une question écrite, Yves Détraigne, sénateur de la Marne, s'inquiète de la situation des enfants étrangers recueillis par des familles résidant en France par la voie de la "kafala". Il s'étonne que les enfants accueillis sous ce régime ne puissent être adoptés par ces familles et "ne bénéficient pas d'un statut juridique reconnu". Il demande donc à la ministre de la Justice si elle envisage de modifier la législation applicable, à l'instar de ce qui aurait été fait en Espagne, en Suisse ou en Belgique.
Dans sa réponse, la ministre de la Justice rappelle la complexité de ces situations, bien connues des services adoption des départements, notamment les plus urbanisés d'entre eux. La kafala est un concept juridique du droit musulman, qui consiste en l'engagement de prendre bénévolement en charge l'entretien, l'éducation et la protection d'un enfant mineur. Il s'agit en pratique d'une sorte de substitut à l'adoption, formellement interdite par le droit musulman. En pratique, elle produit les effet d'une tutelle, d'une délégation d'autorité parentale, voire même d'une simple remise de l'enfant sans transfert des droits. La kafala a été reconnue par la convention des Nations unies du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant mais, de façon logique, ne figure pas dans la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption. Cet imbroglio juridique et des décisions de justice contradictoires ont conduit le législateur à insérer, dans la loi du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale, une disposition (devenue l'article 370-3 du Code civil) prévoyant que "l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France".
Dans sa réponse, la ministre de la Justice confirme que si la kafala peut se traduire juridiquement en France par une tutelle ou une délégation d'autorité parentale, "elle ne peut en aucun cas être assimilée à une adoption, même simple, cette forme d'adoption créant un lien de filiation entre l'adoptant et l'adopté" (article 366 du Code civil). Cette interdiction prend fin "le jour où le mineur acquiert la nationalité française postérieurement à son arrivée en France, dans les conditions de l'article 21-12 du Code civil". La réponse de la ministre de la Justice, si elle reprend la position traditionnelle de la France, ne ferme toutefois pas complètement la porte. Elle indique en effet que le ministère a mis en place en février 2007, avec le ministère chargé de la Famille, un groupe de travail sur la kafala, "chargé d'expertiser l'opportunité et la possibilité de permettre, en concertation avec les principaux pays concernés, le prononcé en France de l'adoption d'enfants dont la loi personnelle prohibe cette institution".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : question écrite n°00078 d'Yves Détraigne, sénateur de la Marne, et réponse de la ministre de la Justice (JO Sénat du 30 août 2007).