La Fnaut présente l’addition (salée) du stationnement automobile en France
Réalisée pour le compte de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), une étude estime à 14 milliards d’euros le coût net annuel du stationnement automobile en France pour les finances publiques. Sans surprise, le stationnement gratuit sur voirie représente de loin le premier poste de dépenses – incombant en totalité aux collectivités – que ne compensent pas, loin s’en faut, les bénéfices du stationnement payant. Fondée sur de multiples hypothèses, l’étude fait également apparaître en creux le cruel et persistant manque de données fiables en la matière.
Quatorze milliards d’euros annuels. Tel serait le coût annuel pour la collectivité du stationnement automobile en France, selon une étude réalisée par Bruno Cordier, d’Adetec, un bureau d’études spécialisé dans les politiques alternatives de déplacement, que vient de présenter la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut). Un coût qui atteindrait même près de 22 milliards en prenant en compte les "externalités monétarisées".
12,3 milliards d’euros pour le stationnement "gratuit"
L’essentiel est naturellement porté par le stationnement gratuit sur voirie, qui coûterait annuellement environ 12,3 milliards d’euros à la collectivité. Le stationnement payant sur voirie serait, lui, légèrement bénéficiaire (464 millions d’euros, les 891 millions de recettes compensant les 427 millions de charges). Ce qui ne serait pas le cas des parkings publics en enclos et en ouvrage (coût net annuel de 1,173 milliard), ni même des contrôles et amendes (coût net de 183 millions d’euros) ou des fourrières (coût net de 49 millions). L’étude ajoute à l’addition un coût de 1,608 milliard pour les parkings des établissements publics. À l’actif, l’étude porte 804 millions d’impôts et taxes (dont les trois principales sources sont la taxe d’habitation pour 272 millions d’euros, la taxe foncière sur les propriétés bâties pour 234 millions et la CFE pour environ 173 millions d’euros). Faute de données disponibles, l’essentiel de ces résultats est le fruit d’extrapolations.
Un nombre de places gratuites sur voirie estimé à 71 millions en France
Pour calculer l’espace public sur voirie affecté au stationnement, l’auteur est ainsi parti de données de la métropole de Lille, "collectivité disposant des données les plus fiables en la matière". Il en retient une surface de stationnement explicitement affectée à l’automobile de 8,6m2 par habitant hors Paris et sa petite couronne (pour cette dernière, il retient un ratio moitié moindre). En ajoutant les données parisiennes, le calcul conduit à un total de 522 km2. Il y ajoute une part des autres espaces publics (places publiques, chaussée, trottoirs) également utilisés par le stationnement, estimée à 348 km2. Soit un total de 870 km2. En supposant ensuite que 85% des places de surface se trouvent sur ou en bord de chaussée (occupant en moyenne 10m2), le reste l’étant par des places en parking (surface fixée à 25 m2), l’auteur en conclut que la France compte 71 millions de places de stationnement. "Sachant qu’il y a 38,3 millions de voitures, cela représente en moyenne 1,85 place de stationnement public par voiture". 70,1 millions de ces places seraient des places gratuites sur voirie, que compléteraient 750.000 places payantes sur voirie et 150.000 places payantes en enclos (deux chiffres extrapolés tirés des résultats d’une enquête du Cerema de 2015, à laquelle avaient répondu 287 villes).
4,86 milliards d'euros, le coût estimé de mise à disposition du foncier
Cette surface est ensuite valorisée en retenant le coût du m2 affecté au bâti, en estimant, d’une part, que la valeur moyenne du m2 de stationnement est 2,12 fois plus élevée que le prix du m2 à bâtir (pour tenir compte du fait que les places de stationnement sont généralement situées dans des quartiers centraux), et en redressant les données une seconde fois, d’autre part, pour tenir compte de la surreprésentation des ventes de terrains à bâtir dans les communes périurbaines ou rural. Le tout conduit à une valorisation totale de 486,5 milliards d’euros. L’auteur estimant que le coût de la location annuelle représente 1/100e de la valeur foncière, il parvient à un total annuel de 4,86 milliards d'euros, soit 69 euros par place de stationnement gratuit. Le coût est fixé à 300 euros la place pour le stationnement payant sur voirie et à 612 euros par place pour le stationnement payant en enclos.
Pour les frais d’aménagement de ces places, il retient une valeur de 4.000 euros par place de parking en surface, et de 2.000 euros par place sur ou en bord de chaussée, soit 3,23 milliards annuels en supposant un amortissement sur 50 ans. Et il fixe le coût moyen d’entretien à 60 euros par place, pour un total de 4,210 milliards d’euros annuels. Soit le total de 12,3 milliards d’euros, "uniquement porté par les collectivités locales". Pour elles, au total, et hors externalités, le coût total ("hors externalités") du stationnement est même évalué à 13,129 milliards d’euros.
Place des stationnements des établissements publics
Le coût annuel de 1,608 milliard d’euros des places de stationnements des établissements publics est principalement le fruit du stationnement des employés, estimé à 1,385 milliard d’euros. Pour le déterminer, l’auteur part notamment des données de l’Insee de 2019 : 29,350 millions d’actifs ayant un emploi, dont 5,949 millions dans le public, 70,5% allant travailler en voiture, dont 95,5% de conducteurs. Il estime en outre que 83,3% (calcul affiné par ailleurs) de ces conducteurs bénéficieraient d’une place de stationnement mise à disposition sur leur lieu de travail.
Il est complété par le coût du stationnement des visiteurs, fixé à 223 millions d’euros. Pour le déterminer, l’auteur estime notamment que 25% des places occupées par les employés pour le stationnement en surface (et 5% pour le stationnement en ouvrage) sont mises à disposition des visiteurs.
Manque à gagner
L’étude souligne par ailleurs que le coût du stationnement pour les dépenses publiques pourrait être réduit de 4 milliards d’euros et ce, en taxant l’avantage en nature que représente le stationnement sur le lieu de travail (manque à gagner estimé de 2,461 milliards de cotisations sociales et de 852 millions d’impôt sur le revenu), en améliorant le recouvrement des 186 millions d’euros d’"amendes" (des redevances majoritairement, sans doute) non payées ou encore en luttant contre certaines fraudes fiscales. En l’espèce, on relèvera que l’auteur inclut dans la note 8 millions d’euros du fait de l’absence de déclaration de la transformation de garages en pièces de vie, alors que par construction ces pièces n’ont plus trait au stationnement.
Une faveur sans équivalent
Dénonçant "une appropriation de l’espace public à des fins privées", l’auteur considère qu’ "aucun autre usage privé ne bénéficie d’une telle faveur" que le stationnement gratuit. Estimant que "l’argent public qui lui est consacré apparaît particulièrement contreproductif", il juge que "plutôt que de créer toujours davantage de places, l’espace public pourrait être redistribué de manière beaucoup plus utile pour la collectivité dans son ensemble et pour l’environnement". Relevons que la tendance semble déjà à l’œuvre, au moins dans les grands centres urbains (que l’on songe à Paris). Et le zéro artificialisation nette (ZAN) ne devrait pas manquer de l’accentuer. Reste que même pour prendre le train, il est difficile pour nombre de Français de se passer de parkings.
Un choix de société
In fine, l’auteur souligne "qu’au-delà de la simple question financière, se pose un véritable choix de société" et forme le vœu que cette étude "contribuera à sa prise de conscience". Au rang des externalités du stationnement, l’étude n’en perçoit aucune de positive et fait valoir des exemples étrangers. Elle argue ainsi du fait qu’"au Japon, les voitures standard continuent de ne pas pouvoir stationner sur l’espace public" (il faut effectivement prouver que l’on dispose d’un stationnement pour acheter une voiture), et plus encore, que toutes les voitures seraient purement et simplement interdites notamment dans "les villes de plus de 100.000 habitants, les préfectures et les communes situées à moins de 30 km de Tokyo". La formule est assurément choc. Elle est malheureusement fausse, comme nous l’a indiqué le Centre japonais des collectivités locales (Clair Paris).
Cruel manque de données
Cette enquête, dont l’auteur souligne que "les résultats doivent être considérés comme des ordres de grandeur", a le mérite de mettre le sujet sur la table. En creux, elle souligne le cruel manque de données fiables. Rappelons que la loi impose pourtant aux collectivités de rendre accessibles et réutilisables les données statiques et dynamiques sur les déplacements et la circulation. Une exigence qui peine à être remplie. Pour preuve, la base nationale des lieux de stationnement, mise en œuvre par l’équipe du Point d’accès national pour aider les collectivités dans ce recensement (voir notre article du 5 mai 2020), reste plus que lacunaire. Elle n’est du reste même pas mentionnée par l’étude de l’Adetec.