Transport ferroviaire - La Fnaut hostile à un moratoire sur les lignes à grande vitesse
Après la "TGVmania" de ces dernières années, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) redoute une nouvelle mode du "malthusianisme ferroviaire". Elle a présenté ce 11 janvier ses propositions qui vont à l'encontre de l'idée d'un moratoire sur les lignes à grande vitesse (LGV) avancée par des acteurs très divers (voyageurs, associations écologistes, économistes mais aussi certains élus). Le débat est même ouvert au sein de RFF et de la SNCF. Après les décisions récentes issues du Grenelle de l'environnement que la Fnaut a approuvées (lancement des TGV Bretagne, Tours-Bordeaux, contournement de Nîmes-Montpellier, deuxième phase de la LGV Est Baudrecourt-Strasbourg), la question de l'extension du réseau au-delà de ces quatre "coups partis" est posée. "Nous sommes conscients qu'il y a aujourd'hui une inflation de projets, admet Jean Sivardière, président de la Fnaut. Mais décréter un moratoire serait absurde : il faut simplement sélectionner les bons projets".
Pour la Fnaut, "une hiérarchisation des projets retenus doit être effectuée dans une vision d'ensemble tenant compte à la fois de la cohérence nécessaire du réseau des LGV, de l'équilibre est-ouest du territoire national, de la complémentarité LGV-lignes classiques et de la position de carrefour européen de la France". Car "la somme des intérêts régionaux ne fait pas l'intérêt national", juge l'association. "Certains projets sont indispensables, voire urgents, bien justifiés économiquement, susceptibles de provoquer des reports modaux bénéfiques et s'intégrant bien dans l'ensemble du réseau ferré. Mais d'autres sont peu utiles ou purement électoraux et leur défense est contre-productive". Pour l'association, une LGV se justifie si elle répond à au moins l'un de ces trois objectifs : désaturer le réseau existant, accélérer les trains de voyageurs, mailler le réseau ferré. En revanche, la Fnaut récuse l'argument souvent mis en avant par les élus selon lequel la desserte par TGV favorise le développement économique. "Il y a de nombreux exemples qui montrent qu'il n'y a pas de lien automatique, soutient Jean Sivardière. Grenoble n'a pas attendu le TGV pour se développer. A l'inverse, Valence bénéficie du TGV et de nombreuses autres infrastructures de transport mais n'a toujours pas décollé sur le plan économique." Autre risque, qui touche surtout des villes moyennes que le TGV rapproche de l'Ile-de-France : se transformer en cité-dortoir pour des actifs "navetteurs". Vendôme en est une illustration.
Les projets à retenir et ceux à éliminer
En tenant compte de tous ces éléments, la Fnaut a établi sa liste des projets à retenir et de ceux à éliminer. Ceux présentant à ses yeux un "intérêt indéniable" sont la deuxième phase de la branche est de la LGV Rhin-Rhône (pour accélérer les TGV Strasbourg-Lyon et désaturer la ligne Mulhouse-Belfort), Bordeaux-Toulouse (pour rapprocher Toulouse de Paris et concurrencer l’avion), Marseille-Nice (pour rapprocher Nice de Paris, concurrencer l’avion et concurrencer la voiture par des relations TER à grande vitesse entre Marseille, Toulon, Cannes et Nice), Paris-Orléans-Clermont-Lyon (POCL), dont le débat public se termine le 25 janvier (pour éviter la saturation prochaine de la LGV Paris-Lyon), ainsi que les projets "européens" Lyon-Turin (pour le fret, mais le volet TGV n’est pas marginal, estime la Fnaut) et Montpellier-Perpignan (pour désaturer la ligne classique et accélérer les TGV Paris-Barcelone, Toulouse-Lyon).
Par contre, l'association juge nécessaire d'éliminer ou de reporter plusieurs projets. "Le barreau Poitiers-Limoges, dont on connaît la motivation initiale électoraliste, est sans pertinence : sa réalisation assècherait la ligne classique Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) ; si une desserte TGV de Limoges est reconnue comme nécessaire, elle peut se faire par un raccordement au projet POCL", pointe l'association. "Le projet Paris-Normandie manque lui aussi de pertinence", estime-t-elle. "Caen est à 1 h 50 de Paris, Le Havre à 2 h 05, Cherbourg à 3 h. Un aller-retour Paris-province peut être aisément effectué dans la journée. La priorité est d’assurer la robustesse des services en séparant les trafics normand et francilien grâce à une ligne nouvelle entre Paris et Mantes." "Les branches sud et ouest du Rhin-Rhône ont perdu de leur pertinence avec l’émergence du projet POCL qui constitue un doublement plus efficace de la LGV Paris-Lyon", souligne-t-elle encore. Trois projets sont pour leur part jugés prématurés : Paris-Amiens-Calais car "la LGV Nord n’est pas saturée", Toulouse-Narbonne, complétant la transversale sud, et Bordeaux-Espagne (pour rapprocher Pau et Tarbes de Paris et pour le fret) qui "doit être mis en balance avec la modernisation de l’itinéraire classique".
Il appartient maintenant à l'Etat de faire ses choix. La question des coûts sera naturellement déterminante. "En remettant à plat les projets de LGV, en les comparant et en éliminant ceux qui sont inutiles, on pourra concentrer l'effort sur ceux qui ont un intérêt économique et écologique", conclut la Fnaut, qui estime nécessaire de "valoriser au maximum les atouts du ferrovaire, qui passent aussi bien par le TGV que par le réseau classique".