Offre de soins - La FHF réclame des mesures coercitives sur l'installation des médecins
A l'approche des échéances électorales, la Fédération hospitalière de France (FHF) a présenté, le 11 janvier 2012, sa "plateforme politique", intitulée "Le service public de santé, une ambition pour la France 2012-2017". Comme le veut l'exercice, ce document d'une quarantaine de pages réaffirme les valeurs de l'hôpital public, mais formule également, dans un esprit qui se veut constructif, un certain nombre de propositions, voire parfois de revendications. Celles-ci portent à la fois sur la poursuite de l'innovation technologique, sur la démocratie sanitaire, sur les filières de soins et la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées, ou encore sur le rôle des établissements hospitaliers dans l'enseignement et la recherche.
On y retrouve - bien sûr - la question récurrente de la "concurrence" avec l'hospitalisation privée. Sur ce point, la plateforme demande à nouveau "la fin de la convergence tarifaire, dangereuse pour le service public et en contradiction avec les objectifs de coopération inscrits dans la loi HPST" (loi Hôpital, patients, santé et territoires du 21 juillet 2009). Elle exige également de "réserver le financement par l'assurance maladie aux seuls établissements exerçant des missions de service public et d'intérêt général et dont la pérennité est assurée", allusion transparente à la question du financement par le biais des Migac (missions d'intérêt général et aide à la contractualisation).
Mais les collectivités s'intéresseront surtout à la question de l'approche territoriale de l'offre de soins. Sur ce point, la FHF - bien que présidée par le maire (UMP) de Fontainebleau et conseiller régional Frédéric Valletoux - a clairement choisi de déterrer la hache de guerre avec les médecins libéraux. Alors qu'elle se montrait jusqu'alors plutôt favorable aux mesures incitatives traditionnelles, la Fédération se prononce en effet pour un certain nombre de mesures "fortement incitatives", voire coercitives. La proposition la plus originale prévoit que "les établissements publics de santé sont autorisés, en cas de carence constatée, à organiser au sein du territoire le maintien d'une offre de soins ambulatoires". En d'autres termes, les médecins hospitaliers - ou des médecins recrutés pour l'occasion - pourraient, dans ce cas de figure, faire fonctionner des cabinets fermés par des confrères libéraux ou assurer des visites au domicile des patients. Le financement de cette mesure serait assuré forfaitairement par un prélèvement sur l'enveloppe de ville, destinée à financer... les médecins libéraux.
Sur la question - centrale - de la liberté d'installation, la FHF ne va pas jusqu'à prôner une remise en cause radicale de cette "règle d'or" de la médecine libérale. Mais sa proposition s'y apparente néanmoins fortement. La FHF propose en effet que les médecins qui décident de s'installer en zone excédentaire ne puissent bénéficier, au mieux, que d'un conventionnement en secteur 1. Curieusement, la plateforme reste en revanche muette sur la question de la répartition des étudiants et des internes en médecine ou sur celle des affectations des médecins hospitaliers.
La prise de position inattendue de la FHF n'a pas manqué de produire son effet. Pour le docteur Michel Chassang, président de la CSMF (Confédération syndicale des médecins français), il s'agit là d'"une ingérence totalement insupportable et incompréhensible". Le responsable du premier syndicat français de médecins libéraux estime, en retour, qu'il faut au contraire "diminuer l'enveloppe hospitalière et non l'inverse".
Si elle est inattendue, la prise de position de la FHF n'est pas un hasard, ni une improvisation. La remise en cause de la liberté - du moins de la liberté totale - d'installation est en effet dans l'air du temps. Le 26 janvier, l'Assemblée nationale examinera ainsi une proposition de loi déposée par Philippe Vigier - député Nouveau Centre d'Eure-et-Loir -, avec le soutien d'une cinquantaine de députés UMP et Nouveau Centre, qui propose deux mesures coercitives. D'une part, tout médecin devrait "à l'issue de sa formation, et pour une durée minimum de trois ans, s'installer dans un secteur géographique souffrant d'un nombre insuffisant de médecins". D'autre part, l'installation définitive des médecins dépendrait d'une "autorisation délivrée par le représentant de l'Etat et le directeur général de l'agence régionale de santé selon des critères de démographie médicale". Deux mesures qui vont finalement plus loin que les propositions de la FHF.