La dette des collectivités n'a progressé que de 10 milliards d'euros depuis 2017

Auditionnée la semaine dernière à l'Assemblée nationale sur la dette du secteur public local, la directrice générale des collectivités locales a fourni quelques repères chiffrés sur le sujet. On saura notamment qu'entre 2017 et 2023, la dette des collectivités a augmenté de 10 milliards d'euros, ce qui représente "1,3% de la progression totale" de la dette publique (+ 880 milliards d'euros, selon l'Insee).

L'an dernier, les collectivités locales ont souscrit pour 16 milliards d'euros d'emprunts nouveaux pour financer leurs investissements, ce montant étant en "léger recul" par rapport à 2022, a indiqué le 5 juin la directrice générale des collectivités locales.

Cécile Raquin était auditionnée par la commission d'enquête créée par la commission des finances de l'Assemblée nationale, afin d'"établir les raisons de la très forte croissance de la dette française depuis l'élection présidentielle de 2017 et ses conséquences sur le pouvoir d'achat des Français". Elle a fourni à Philippe Juvin (LR) et Mathieu Lefèvre (Renaissance), respectivement président et rapporteur de la commission d'enquête, les données qu'ils attendaient sur la dette publique locale.

Le "stock" de la dette des collectivités locales a augmenté d'1,3 milliard d'euros en 2023, soit +0,8%, pour atteindre au total "un peu plus de 160 milliards d'euros", selon la haute fonctionnaire arrivée fin 2022 à la Place des Saussaies. Précision importante : ce montant ne se fonde que sur les budgets principaux des collectivités et de leurs groupements, laissant donc de côté les budgets annexes, dans certains cas très conséquents.

+ 10 milliards d'euros en six ans

Entre 2017 – année de l'élection d'Emmanuel Macron pour son premier mandat – et 2023, la dette locale a augmenté de 10 milliards d'euros, soit "1,3% de la progression totale" de la dette publique. Rapportée à la richesse nationale, la dette des collectivités s'est réduite, passant de 6,6% du PIB en 2017 à 5,7% en 2023.

Les élus locaux allèguent régulièrement le niveau maîtrisé de la dette locale pour que les collectivités soient exonérées de l'effort de maîtrise des dépenses que leur demande le gouvernement, ou au minimum bénéficient d'un allègement de cet effort. Mais "la trajectoire" de la dette des collectivités depuis 2017 et les objectifs de maîtrise de la dépense locale sont "des questions vraiment distinctes", a jugé Cécile Raquin.

"Les régions sont traditionnellement plus endettées que les autres catégories de collectivités", a détaillé la directrice générale des collectivités locales. Leur taux d'endettement de 117% "est cohérent avec la nature de leurs investissements", en particulier dans le ferroviaire. Depuis 2017, leur capacité de désendettement - à savoir le nombre d’années pour que la dette soit remboursée en utilisant l'épargne brute - a connu une "détérioration", mais elle est restée "limitée à 6 ans". De leur côté, les départements enregistrent un taux d'endettement "relativement limité" (43%), avec une capacité de désendettement "relativement faible" (4,2 années). Mais certains départements ont "des indicateurs plus dégradés", notamment "quatre départements qui ont une capacité de désendettement supérieure à 10 ans".

"Différences marquées" entre communes

Enfin, les communes dans leur ensemble ont un niveau de dette "stable dans le temps et satisfaisant", a jugé Cécile Raquin. Leur taux d'endettement atteint 70%, tandis que leur capacité de désendettement se limite à 4,6 années. Mais des "différences marquées" existent entre les communes. Si 4.200 d'entre elles (soit 12%) "n'ont absolument pas de dette", un peu plus de 3.800 (11%) présentent à l'inverse "un délai de désendettement supérieur à 10 ans".

La crise des "emprunts toxiques", qui avait éclaté après la crise financière de 2008 "ne nous paraît pas reproductible" aujourd'hui, a déclaré la directrice générale des collectivités locales. En expliquant entre autres que la loi a évolué pour interdire le recours par les collectivités à des emprunts complexes et risqués. Pour rappel, des collectivités s'étaient retrouvées prises à la gorge du fait de l'augmentation incontrôlable des montants d'intérêts liés à des index exotiques et volatils (par exemple la parité euro/franc suisse), prévus par leurs contrats de prêts. Le fonds de soutien aux emprunts à risque mis en place par la loi de finances pour 2014 a permis de résoudre la crise, mais l'État a dû débourser "1,4 milliard d'euros" et les collectivités concernées "1,6 milliard d'euros", pour financer les indemnités de remboursement anticipé.

Gilles Carrez : il est préférable d'"agir sur la recette"

Le sujet du casse-tête de l'élaboration du budget de l'État pour 2025 s'est invité dans les échanges. "Est-ce que dans le tuyau, il peut y avoir des propositions d'arbitrages qui peuvent être faites sur des réductions de dotations de l'État ?", a questionné le président de la commission d'enquête. "À ce stade de la construction du PLF, les administrations étudient le champ des possibles, comme nous le faisons en continu", s'est contentée de répondre la directrice générale des collectivités locales.

Gilles Carrez, ancien président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, et aujourd'hui président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), a été moins laconique sur le sujet, lors d'une audition par la commission d'enquête qui était organisée dans la foulée de celle de Cécile Raquin. L'élu LR a estimé que la baisse massive des dotations de l'État aux collectivités lors du quinquennat de François Hollande "a eu un effet très efficace sur la dépense locale". "Ma religion, elle est faite", s'est-il exclamé. "Si vous voulez peser sur la dépense locale, il faut agir sur la recette", a-t-il suggéré aux députés. En critiquant à l'inverse les "contrats de Cahors" en vigueur en 2018 et 2019, qui avaient encadré les dépenses de fonctionnement des grandes collectivités et intercommunalités. "Les élus locaux sont les mieux à même de savoir comment il faut dépenser, ce n'est pas à l'État de s'en mêler", a estimé Gilles Carrez.

La commission d'enquête sur la dette avait été constituée mi-mai à la demande du groupe des députés Les Républicains. La dissolution de l'Assemblée nationale intervenue ce 9 juin met fin prématurément à ses travaux. 

 

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