Environnement - La crise a fait baisser la consommation d'énergie en 2012 mais pas la facture
En attendant la présentation du projet de loi sur la transition énergétique, le ministère de l'Ecologie a rendu public fin juillet le bilan énergétique de la France en 2012, accompagné d'une synthèse, et d'un rapport intitulé "Panorama Energies-climat". Publié par la Direction générale de l'énergie et du climat, celui-ci regroupe pour la première fois dans un même document un ensemble de fiches thématiques sur les grands enjeux des politiques énergétiques et climatiques et sur les différentes composantes sectorielles du système énergétique français, de l'industrie du raffinage au potentiel des énergies marines renouvelables en passant par les réseaux de chaleur ou la production d'électricité.
Selon le dernier bilan énergétique de la France, la morosité économique a entraîné une diminution de la consommation d'énergie l'an passé. A 259,4 Mtep, la consommation d'énergie primaire*, corrigée des variations climatiques**, est en baisse de 2,3% par rapport à 2011. Elle est donc passée "sous la barre des 260 Mtep, soit un niveau inférieur à celui de 2009, année où la crise économique était particulièrement aiguë", note le Commissariat général au développement durable (CGDD) dans la synthèse de ce bilan.
La diminution "la plus nette", qui a touché "quasiment tous les secteurs utilisateurs", est celle du pétrole (-5%), suivie par celle du gaz naturel (-4%) "en raison du moindre recours, en part relative, aux centrales thermiques au gaz naturel", selon le bilan. "A contrario le mouvement des cours internationaux favorable au charbon explique le bond de plus de 10% de la consommation de ce dernier, pour la production d'électricité secondaire. Enfin, le retour à des températures plus habituelles en 2012, favorisant une hausse de la consommation de bois-énergie, d'une part, et l'essor des filières technologiques récentes (biogaz, pompes à chaleur, solaire thermique), d'autre part, expliquent la nette embellie des énergies renouvelables thermiques et de la valorisation des déchets, qui ont établi un nouveau record de consommation primaire, à plus de 17 Mtep", fait valoir le bilan. Le mix énergétique primaire est "stable depuis le milieu des années 2000, avec environ 40 à 45% d'électricité primaire, environ 30% de pétrole, moitié moins de gaz, autour de 6% de renouvelables thermiques et déchets, et de 4% de charbon".
Embellie des filières renouvelables
La production nationale d'énergie primaire "s'est tassée en 2012 à un peu plus de 136 Mtep, soit une baisse de 1,2% par rapport au record établi en 2011". "Elle est presque entièrement imputable à l'électricité nucléaire, qui a diminué de plus de 4 Mtep, en raison d'une disponibilité moindre des centrales. Les productions nationales d'énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon), déjà marginales, ont poursuivi leur déclin. A contrario, en 2012, les filières renouvelables ont toutes retrouvé des couleurs après une année 2011 très contrastée. Après avoir atteint son plus bas niveau historique en 2011, la production hydraulique a augmenté de 25% grâce à la fin de la sécheresse. Les installations continuant leur progression, l'électricité éolienne, photovoltaïque et l'énergie provenant des renouvelables thermiques et de la valorisation des déchets ont toutes augmenté leur production en 2012. Au total, l'ensemble des filières renouvelables a produit près de 4 Mtep supplémentaires par rapport à 2011."
Mais en prenant en compte les méthodes de calcul spécifiques à la directive sur les énergies renouvelables qui impose à la France d'atteindre 23% d'énergies renouvelables en 2020, "la France a été en 2012 en léger retrait par rapport à l'objectif de consommation finale fixé par le plan d'action national en faveur des énergies renouvelables prévu par la directive". Plus précisément, "il était de 22,9 Mtep d'énergies renouvelables, contre 22,0 Mtep réellement atteints". "Sur la période 2005-2012 la consommation finale d'énergies renouvelables s'est accrue de 6,2 Mtep au lieu des 7,1 Mtep attendus. Le déficit constaté concerne à la fois les composantes électriques et thermiques : il est de 3 points pour l'électricité renouvelable, en raison de la filière éolienne pour laquelle l'écart à l'objectif est de 21 points. Il est de 4 points pour les renouvelables thermiques, l'hiver 2012 plus rigoureux que celui de 2011 ayant mobilisé davantage de bois-énergie ainsi que les pompes à chaleur. Quant aux biocarburants, la consommation de biodiesel est très proche de la trajectoire indiquée, contrairement au bioéthanol où l'écart est beaucoup plus important."
Les transports restent le premier secteur consommateur final d'énergie (49,2Mtep), devant le secteur résidentiel (46 Mtep). Leur consommation est "en léger recul par rapport à 2011 (-0,8%) ". "Après une période de forte croissance entre 1985 et 2002 (+2,4% en moyenne annuelle), elle s'est effritée doucement depuis, à -0,1% par an en moyenne entre 2003 et 2012", souligne le bilan. La baisse a affecté tous les modes. "Le fret routier, prédominant avec 88% des tonnes-kilomètres, s'est contracté de 4,3%. Le transport ferroviaire a reculé de 5,9%, après une croissance exceptionnelle de +14,1% en 2011. Le repli du transport fluvial a été moindre, à -1,6%. La part du non routier reste stable depuis 2009, après avoir été divisée par deux en 20 ans : elle a été de 11,7% en 2012, contre 23,5% en 1990", détaille-t-il Pour rappel, la loi Grenelle I a prévu dans son article 11 de "faire évoluer la part modale du non-routier et non-aérien de 14% à 25% à l'échéance 2022". La consommation de produits pétroliers des transports est en baisse de 1,2% entre 2012 et 2011. "Depuis 2002, elle avait cessé d'augmenter et oscillait autour de 48 Mtep. En 2008, elle a brutalement décroché et ne s'est pas relevée depuis. En 2012, la circulation routière est restée quasiment stable, selon les comptes provisoires des transports, alors qu'elle augmentait au cours des années précédentes. Mais celle des poids lourds s'est nettement repliée (-6,4%) : le transport routier de marchandises est fortement impacté par la crise économique."
Facture historique
"A 68,7 milliards d'euros en 2012, la facture énergétique de la France a établi un nouveau record historique, dépassant celui de 2011", établissent les services statistiques du ministère de l'Energie. "Elle s'alourdit de 7 milliards en un an (+11,4%) et de 30 milliards depuis 2009. Elle a représenté ainsi l'équivalent de 3,4% de la richesse produite dans le pays, après 3,1 % en 2011 et 2,4 % en 2010, contre seulement 1% dans les années 1990. La facture énergétique a dépassé ainsi le déficit commercial de la France (67,2 milliards d'euros).
En 2012, le bilan souligne que les dépenses courantes d'énergie des ménages ont augmenté de 6% par rapport à 2011, soit deux fois plus que l'année précédente. Elles ont représenté une facture de 3.200 euros en moyenne par ménage, soit presque 200 euros de plus qu'en 2011. Une augmentation essentiellement due aux dépenses d'énergie dans le logement (chauffage, eau chaude sanitaire, cuisson, usages électriques) qui ont bondi de 11%. "Au total, les ménages français ont ainsi consacré 91 milliards d'euros courants à leurs achats d'énergie, soit plus de 8% de leurs dépenses totales."
Anne Lenormand
* Energie fournie par la nature qui, avant d'être livrée au consommateur comme énergie finale, peut être transformée et transportée.
** Estimation de ce qu'aurait été la consommation si les températures de l'année avaient été conformes à la moyenne de la période de référence 1981-2010.