Energie - La Cour des comptes veut freiner les biocarburants
Dans son premier rapport sur la politique d'aide aux biocarburants, publié ce 24 janvier, la Cour des comptes critique sévèrement le plan de soutien aux filières bioéthanol (conçu à base de betterave et de céréales) et biodiesel (colza ou soja), lancé en 2005. A l'époque, le développement de ces filières relevait avant tout d’un choix agricole (valorisation des jachères). Six ans après, pour les agriculteurs, les bénéfices semblent d'ailleurs nets : ces biocarburants vendus à la pompe après mélange avec des hydrocarbures constituent pour eux un débouché supplémentaire et les coproduits qui en résultent servent à nourrir les animaux.
En France, 6% de la surface agricole utile (SAU) est dédiée à ces cultures entrant dans la fabrication de biocarburants. D’un point de vue agro-industriel, de nombreuses unités ont vu le jour et la production est conséquente (près de deux millions de m3 de biodiesel et plus de un million de bioéthanol). Mais ce sont là "les seuls équilibres qui ont été réellement modifiés", car concernant l’indépendance énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le bilan est bien plus douteux. La critique porte surtout sur les incitations fiscales. Les industriels de la filière bénéficient en effet d'une exonération partielle de la taxe intérieure de consommation (TIC, ex-TIPP). Sur ce point, les auteurs du rapport déplorent un certain "effet d'aubaine". Le montant n’est pas mince : le cumul de réduction atteint les 2,6 milliards d'euros. Autre paradoxe pointé : bien qu’étant encore fragile, la filière éthanol a rapporté à l’Etat. Quant à la filière biodiesel, elle a bénéficié de soutiens "dont le montant est supérieur à celui de ses investissements". A contrario, les distributeurs ont à s’acquitter d'une taxe générale sur les activités polluantes que la cour juge "pénalisante".
En outre, le rendement énergétique des biocarburants n’est pas excellent : il faut plus de carburant pour rouler autant et le consommateur passe du coup plus souvent à la pompe. De fait, le coût de ces politiques de soutien repose in fine sur les consommateurs, via un prix plus élevé répercuté à la pompe. La cour recommande de ne poursuivre le soutien à la production et la vente de biocarburants qu’une fois remis de l’ordre dans ces mesures fiscales mais aussi douanières. Et à condition de satisfaire les exigences de transparence vis-à-vis des citoyens, consommateurs et contribuables, en faisant clairement savoir à l’opinion publique si la politique en faveur des biocarburants est une vraie composante d’une politique de protection de l’environnement ou un simple volet d’une politique agro-industrielle", conclut la haute juridiction financière.