La Cour des comptes tire un bilan nuancé de l'usage des algorithmes de détection de la fraude fiscale
La Cour des comptes dresse un bilan de la fraude fiscale des particuliers, qui inclut les impôts locaux. Elle déplore l'absence d'évaluation de la fraude qui empêche d'évaluer précisément les bénéfices de la stratégie de contrôle algorithmique mise en place ces dernières années.
La Cour des comptes a publié le 15 novembre 2023 un rapport demandé dans le cadre d'une initiative citoyenne sur la détection de la fraude fiscale des particuliers. Le champ couvre la fraude volontaire, à distinguer des déclarations erronées, sur l'impôt sur le revenu, l’impôt sur la fortune immobilière, les droits sur les successions, la fiscalité locale – taxes foncières (28,3 milliards d'euros), taxe d’habitation sur les résidences secondaires (2,3 milliards d'euros) et droits de mutation à titre onéreux (16,1 milliards d'euros) – soit au total 160 milliards d'euros et 30% de la fiscalité perçue par les administrations.
Croisement de données
Le rapport détaille plus particulièrement la "révolution technologique" qu'ont connu les services fiscaux depuis 2010 avec le recours massif à des outils de data mining et d'intelligence artificielle. Le croisement de données en masse recouvre ainsi une cinquantaine de "risques fiscaux" tels que des minorations de valeur déclarative ou des déductions fiscales indues. La DGFIP s'attache aussi à repérer les comportements inhabituels et analyse les réseaux de relation des fraudeurs avérés. Elle s'appuie enfin sur des aviseurs fiscaux rémunérés. La Cour des comptes note que la diversification des moyens de contrôle s'est aussi accompagnée de garanties supplémentaires pour les contribuables, notamment sur la protection de leurs données personnelles.
20.000 piscines détectées
Parmi les applications les plus emblématiques de l'intelligence artificielle figure la détection des piscines par le recoupement d'images aériennes et de déclarations fiscales. Ce projet "foncier innovant", qui représente un investissement de 25,9 millions d'euros sur trois ans, a été expérimenté dans neuf départements en 2022 avant d'être étendu plus largement. Il a permis de détecter 20.000 piscines et de recouvrer 10 millions d'euros. La Cour déplore cependant que le système n'ait pas été étendu à la Corse et à l'outre-mer ce qui constitue pour elle "une inégalité de traitement des contribuables".
Manque d'évaluation de la fraude
Globalement, le montant total des sommes recouvrées par l’administration fiscale après contrôle s’est élevé à 14,6 milliards d'euros en 2022, dont un peu plus du tiers sur des particuliers. Et 30% des contrôles des impôts sont issu d'anomalies détectées par des algorithmes, à l'origine de 155.000 propositions de contrôles en 2022, soit trois fois plus qu'en 2018. Cette stratégie est-elle efficace ? La Cour reste prudente dans ses conclusions. Elle fait tout d'abord valoir l'absence d’estimation statistique de la fraude fiscale à laquelle devrait être rapportée la fraude détectée pour mesurer un niveau d'efficacité. Cette absence d'évaluation représente "une carence majeure à laquelle il doit être remédié", estime-t-elle. Par ailleurs, elle note que le système d'information de la DGFIP ne fait pas le lien entre les motifs qui ont conduit à générer un contrôle et leur résultat, carence qui serait cependant en train d'être réparée. Elle relève néanmoins de "probables" gains de productivité, le repérage de la fraude des particuliers reposant sur une équipe réduite de sept agents.
Améliorer la transparence des contrôles
Dans ses conclusions, la Cour insiste sur la nécessité d'améliorer la transparence de la stratégie de contrôle fiscal de l'État afin de détailler les "logiques" de contrôles et "la répartition des moyens affectés au contrôle en fonction d’objectifs transparents, clairement formulés et affichés". Elle appelle le gouvernement à profiter du plan de lutte contre la fraude fiscale lancé en juin 2023 pour la mettre en place. Outre l'estimation de la fraude, elle enjoint l'administration à avoir une approche plus "transversale" et à mettre en place une "traçabilité des interventions de l'administration". Elle estime important "développer la coopération entre les services de la gestion fiscale et ceux du contrôle fiscal".