Archives

Emploi-formation - La Cour des comptes pointe l'inefficacité des contrats aidés

Les politiques d'emploi et de formation, qui coûtent 50 milliards d'euros chaque année, s'avèrent "inadaptées" et manquent leur cible, dénonce la Cour des comptes dans un rapport publié mardi. Elle appelle à un recentrage vers les premières victimes de la crise : les emplois précaires et les moins qualifiés. La Cour pointe l'inefficacité des contrats aidés, en particulier dans le secteur non marchand.

Des politiques de l'emploi "inadaptées", un dispositif de formation qui manque sa cible… Le rapport de la Cour des comptes sur le marché du travail publié mardi 22 janvier a comme un air de déjà-vu. Mais au moment où le gouvernement doit mettre en musique l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier et où se prépare le nouvel acte de la décentralisation avec le rôle dévolu aux régions en matière de formation, il revêt une double actualité.
Le rapport dresse le bilan de la crise. Son constat est sévère : la France s'est battue avec des armes d'un autre âge. "L'augmentation du chômage dans notre pays à partir de 2009 a été plus marquée que chez plusieurs de nos voisins, notamment l'Allemagne", constate la Cour qui pointe un "dualisme" français : des patrons qui réduisent leurs effectifs plutôt que de diminuer le temps de travail, contrairement à l'Allemagne qui fait un meilleur usage du chômage partiel ; une inégalité croissante entre les salariés "protégés" et les précaires (intérimaires et CDD), pris souvent comme variable d'ajustement.

Chômage partiel

La Cour n'est pas tendre avec le dispositif de chômage partiel français modernisé en 2009 à travers l'allocation partielle de longue durée (APLD) qui est venue se surajouter à l'ancienne allocation sans la supprimer. Cette modernisation "trop tardive" n'a profité qu'à 250.000 salariés en France contre 1,5 million en Allemagne. La politique des contrats aidés n'est pas mieux traitée. C'est pourtant le curseur régulièrement utilisé par les pouvoirs publics pour faire diminuer les chiffres du chômage. Le gouvernement, qui a promis une baisse avant la fin de l'année, s'est d'ailleurs mis de côté une réserve budgétaire de deux milliards d'euros… au cas où. Or pour la rue Cambon, ces contrats, qui ont disparu dans la plupart des pays, sont "peu efficaces", en particulier dans le secteur non marchand : "moins de la moitié conduisent à une insertion". Pire, "certaines évaluations montrent qu'ils peuvent même dans certains cas réduire les chances" pour les titulaires d'occuper ultérieurement un CDI… Ces résultats "médiocres" tiennent à un "ciblage défaillant, des durées de contrat trop courtes, un accompagnement insuffisant".
Même constat concernant les contrats de professionnalisation (qui reposent sur une formation en alternance) dont la part des moins diplômés chez les bénéficiaires n'a cessé de diminuer entre 2009 et 2011. Les dispositifs de reclassement économique (contrats de transition professionnelle et conventions de reclassement personnalisées fusionnés en 2011 au sein du contrat de sécurisation professionnelle) sont sur la même tendance…

Un déficit de 18,6 milliards d'euros

Dans un contexte d'aggravation du chômage et d'absence de ressources budgétaires, la Cour alerte sur la situation financière de l'assurance chômage avec un déficit prévu de 18,6 milliards d'euros en fin d'année. Elle épingle en particulier le régime des intermittents, déficitaire à lui seul d'un milliard d'euros !
Alors qu'au total, les politiques de l'emploi et de la formation coûtent 50 milliards d'euros par an, le premier président de la Cour, Didier Migaud, a appelé, mardi, à "recentrer les différents dispositifs sur leur mission centrale : préserver l'employabilité de ceux qui sont les plus fragilisés par les évolutions économiques". "Cela appelle un effort de reciblage majeur de chacun des dispositifs", a-t-il insisté.
La Cour s'est une nouvelle fois penchée sur la formation professionnelle : une manne de 31 milliards d'euros gérés par une pléthore d'acteurs (Etat, régions, partenaires sociaux, OPCA, Pôle emploi) et qui ne profite toujours pas aux moins qualifiés malgré les récentes réformes. "Cette multiplicité des centres de décision ne facilite pas la mise en place de politiques ciblées du marché du travail", a déploré Didier Migaud. Le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnel (FPSPP) créé en 2009, justement pour mieux orienter les crédits vers ceux qui en ont le plus besoin, ne répond pas aux attentes. "La disproportion entre ses engagements, ses paiements, et ses réalisations certifiées souligne la fragilité du dispositif, et l'absence des régions dans les appels à projets, alors même que la loi en prévoyait la possibilité, a restreint ses moyens", constate la Cour qui recommande d'associer les régions à son action. Plus généralement, elle demande d'orienter l'offre de formation professionnelle de Pôle emploi sur les publics prioritaires, comme le prévoit la convention tripartite Etat-Pôle emploi-Unédic signée en 2011.

Réforme de la décentralisation

La Cour préconise aussi un recentrage des contrats aidés vers le secteur marchand (alors que les emplois d'avenir ont pris le chemin inverse), et de privilégier les contrats longs avec formation, au profit des moins qualifiés. Elle propose de soumettre l'accès au contrat de sécurisation professionnelle "non à un critère lié à la situation juridique du bénéficiaire - en l'espèce, le fait d'avoir fait l'objet d'un licenciement économique -, mais à l'appréciation de sa distance à l'emploi".
Certaines des recommandations de la Cour sont déjà dans les tuyaux. C'est le cas de la fusion des deux allocations de chômage partiel dans un dispositif unique d'indemnisation. Le gouvernement vient également de décider de porter de huit à douze mois la durée moyenne des contrats aidés. Mais la Cour espère surtout que la réforme de la décentralisation simplifie le mécano de la formation professionnelle.
 

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis