La Cour des comptes incite l'Arcep à se servir davantage de son bâton
La Cour des comptes incite l'Arcep à mettre davantage la pression sur les opérateurs, dans un rapport de contrôle publié le 6 octobre 2023. Elle souligne que le recours à des mises en demeure serait de nature à accélérer la complétude des zones privées et à conduire les opérateurs à améliorer le suivi de la qualité des réseaux FTTH.
Gouvernance solide, expertise reconnue en France comme à Bruxelles, impact "globalement positif" de son action en termes de tarifs et de connectivité, intégration réussie de nouvelles missions… le rapport de la Cour des comptes sur l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) publié le 6 octobre 2023 est élogieux. Les Sages de la rue Cambon pointent néanmoins un certain nombre de carences qui font écho aux critiques des élus locaux.
Développer les mises en demeure
Avec sept sanctions prononcées entre 2015 et 2022, la Cour relève ainsi "un faible recours aux sanctions", avec une tendance très nette à la baisse sur la période. Aucune sanction n'a ainsi été prononcée depuis 2019. La tendance est identique pour les mises en demeure qui interviennent avant que des sanctions ne soient prononcées. Face aux délais induits par la procédure de sanction, la Cour des comptes incite cependant le régulateur à "développer l'utilisation des leviers qui sont à sa disposition en amont des procédures de sanction".
Ainsi, le régulateur pourrait multiplier les mises en demeure avant les échéances règlementaires, comme pour la couverture des zones privées au titre du L33-13 (Amii, Amel) (1). "Développer leur utilisation, écrit la Cour, permettrait au régulateur de mettre en lumière les zones et territoires à risque à l'avenir, en particulier en matière de déploiement du réseau fixe, et d'exercer une pression sur les opérateurs afin que ces derniers mettent en place une trajectoire conforme à leurs engagements."
Sur le dossier qualité de la fibre, les Sages recommandent aussi de fixer des échéances pour les remises en état, "au-delà desquelles l'Arcep pourrait ouvrir une instruction menant à une éventuelle sanction pour manquement aux seuils de qualité du réseau". Cette pression sur les opérateurs apparaît d'autant plus importante pour les Sages que la fin du cuivre se rapproche, or celle-ci "pourra avoir des conséquences majeures sur la concurrence, la continuité territoriale de la connectivité et la qualité de service pour l'utilisateur".
Expertiser les données
La régulation par la donnée, initiée par l'Arcep en 2016 et matérialisée par des cartes interactives, observatoires et une publication des données en open data, est saluée par le rapport. La Cour y voit la garantie "d'une transparence approfondie pour les citoyens et d'une incitation renforcée auprès des opérateurs". Une régulation par la donnée qui nécessite cependant que les données soient fiables. Dans cette optique, elle pousse le régulateur à s'appuyer davantage sur le crowdsourcing et propose que les signalements sur la plateforme J'alerte l'Arcep soient "considérés comme représentatifs des dysfonctionnements pour les opérateurs concernés", statut qu'il n'ont pas aujourd'hui. Elle invite par ailleurs à expertiser les données qu'elle reçoit de la Poste (pour le secteur postal) et des opérateurs télécoms. Pour ces derniers, elle relève que les données sur le mobile sont davantage expertisées, via les campagnes de mesure et le crowdsourcing, que celles sur les réseaux fixes. Au-delà d'enquêtes ponctuelles comme en 2022 sur les réseaux FTTH, elle préconise la mise en place d'audits de vérification systématiques financés par les opérateurs eux-mêmes.
Mise en œuvre du service universel
Le rapport constate ensuite que depuis le 3 décembre 2020, il n'y a plus d'opérateur en charge du service universel pour les prestations de raccordement au réseau et de fourniture d'un service téléphonique. Et si la directive instaurant un service universel du haut débit a bien été retranscrite en droit français, les textes réglementaires définissant le fonctionnement du nouveau service universel se font toujours attendre. À défaut de désigner un nouvel opérateur de service universel, la Cour demande à "veiller à ce que l'accessibilité et l'abordabilité de l'offre internet haut-débit soient garanties à compter de 2024". Elle indique que la direction générale des entreprises (DGE) penche pour un couplage de ces garanties avec les politiques publiques en faveur des bénéficiaires de minimas sociaux.
Feuille de route à mettre à jour
Le rapport constate enfin que le périmètre des missions de l'Arcep depuis 2015 a été étendu à la distribution de la presse, au verdissement du numérique et au contrôle de l'Anssi depuis la dernière loi de programmation militaire. Elle va également devoir assurer le suivi de l'application du "data governance act" européen. La Cour estime que ces nouvelles missions doivent conduire l'autorité à adapter sa feuille de route – la dernière mise à jour remonte à 2016 – dans la mesure où chaque "revue stratégique" aboutit à redéfinir les priorités de régulation, à créer de nouveaux modes d'intervention et à adapter l'organisation interne de l'autorité. "Cela permettrait de prendre en compte les résultats de la régulation par la donnée depuis 2016 et d'y associer des objectifs chiffrés pour l'avenir" fait aussi valoir la cour.
(1) On signalera qu'une telle mise en demeure a été prononcée en mars 2023 à l'encontre d'Orange mais après les échéances fixées par les engagements Amii.