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La Cour des comptes dresse un bilan mitigé de la réforme d'Action logement

Se penchant sur la réforme d'Action logement opérée en 2016, la Cour des comptes juge ses effets insuffisants et passe en revue quatre scénarios d'évolution. Le plus "radical" aboutirait à la disparition d'Action logement. Le plus limité - et a priori le plus probable - consisterait simplement à "adapter les structures d'Action logement sans les bouleverser, en clarifiant le modèle de gouvernance et l'équilibre des pouvoirs entre le siège et les filiales".

Dans un rapport rendu public le 4 octobre, à l'issue de la procédure contradictoire, la Cour des comptes se penche sur la réforme d'Action logement. Il ne s'agit pas, du moins directement, du projet de réforme en cours de gestation – difficile –, mais de la précédente réforme opérée en octobre 2016 et mise en œuvre à partir de janvier 2017. Le contrôle de la Cour porte en effet sur les exercices 2017 à 2020. Le moins que l'on puisse dire est que la celle-ci se montre sceptique sur les résultats de la réforme de 2016. Elle se dit par conséquent favorable à une nouvelle réforme en profondeur d'Action logement, avec une reprise en main par l'État. Dans l'un des scénarios étudiés, le rapport va même jusqu'à envisager une disparition pure et simple de l'organisme.

Une réforme partiellement aboutie

Action logement a connu plusieurs réformes et évolutions importantes depuis le début des années 2000, avec en outre plusieurs affaires qui ont pesé sur l'image de l'organisme... et facilité la pression des pouvoirs publics. La réforme de la Peec (participation des employeurs à l'effort de construction), menée en 2016 par voie d'ordonnance, a conduit à la création du Groupe Action logement et renforcé la cohérence et la lisibilité de l'organisme. Parmi les objectifs principaux : mettre fin à la concurrence entre les comités interprofessionnels du logement (CIL) et mieux articuler gouvernance paritaire nationale et dialogue social territorial. La Cour considère que "si le premier a été pleinement atteint, le second ne l'est encore que partiellement". Parmi les autres objectifs figuraient aussi la réduction des frais de fonctionnement du réseau, la garantie d'un traitement équitable envers les entreprises assujetties, la mise en place d'une plus grande transparence dans les critères de distribution des emplois de la Peec et la mobilisation des filiales de logement social pour produire une offre de logements abordables.

Quatre ans après, le rapport considère que "l'ampleur d'une réduction des coûts de 10% ne peut être confirmée et un bilan devra être fait à l'issue de la convention quinquennale 2018-2022". Doutes aussi sur l'équité de la répartition des financements : si le groupe s'efforce de la respecter, "il devrait en rendre compte de manière plus précise". En revanche, "la mobilisation des filiales semble satisfaisante au regard du volume atteint de production de logements, mais le caractère abordable de ces derniers doit encore être confirmé".

Plan d'investissement volontaire : une mise en œuvre "inégale et globalement décevante"

Par ailleurs, la Cour des comptes considère que la gouvernance et l'organisation restent encore "à stabiliser". Si la réorganisation a mis fin à une concurrence stérile entre organismes, "la gestion du paritarisme et l'articulation entre les échelons nationaux et les structures territoriales se sont avérées plus délicates". Pour la Cour, cette faiblesse et ce manque de clarté dans l'organisation sont à l'origine, depuis 2016, de fréquents changements de responsables et de plusieurs crises de gouvernance, préjudiciables, en termes d'image, à l'action du groupe.

Au regard d'un chiffre d'affaires de 8,8 milliards d'euros, de résultats excédentaires et d'un "bilan en croissance continue", la gestion financière et opérationnelle d'Action logement mériterait d'être rendue "plus efficiente". C'est le cas, par exemple, du déploiement tardif des dispositifs de contrôle. De même, la mise en oeuvre de la réforme de la Peec et de ses emplois se révèle complexe, faute notamment d'un suivi efficace.

En outre, le plan d'investissement volontaire (PIV) de 9 milliards d'euros lancé en 2019 par Action logement (sous la forte pression du gouvernement), financé pour les deux tiers par de l'endettement obligataire, "bouleverse le modèle économique historique de la participation des employeurs à l'effort de construction, qui reposait sur la prédominance du financement par les entreprises". La Cour estime également que la mise en œuvre du PIV "a été inégale et globalement décevante, en partie seulement en raison de la crise sanitaire". Elle en veut pour preuve la signature, en février 2021, d'un avenant à la convention quinquennale destiné à le redéployer pour accompagner le plan France relance et corriger ces faiblesses d'exécution (voir notre article du 5 février 2021).

Quatre scénarios d'évolution...

Dans ce contexte, le rapport passe en revue quatre scénarios d'évolution. Le premier – qui correspond à la position d'Action logement et du ministère (voir notre article du 20 juillet 2021) – consisterait à "adapter les structures d'Action logement sans les bouleverser, en clarifiant le modèle de gouvernance et l'équilibre des pouvoirs entre le siège et les filiales". Le second, un moment envisagé par le ministère de l'Economie et des Finances, conduirait à recentrer Action Logement Services (ALS, créé par la réforme de 2016) sur ses missions de service aux salariés, en séparant strictement celles-ci de celles visant à contribuer aux politiques publiques. Sa mise en œuvre "pourrait s'accompagner d'un transfert à l'Etat des fonctions de collecte de la Peec et du dépôt de tout ou partie de la trésorerie sur un compte au Trésor" (au risque toutefois d'accroître encore la tentation de ponctionner les ressources du "1% logement").

Le troisième scénario conduirait à annuler l'essentiel de la réforme de 2016 en mettant fin à l'unité du groupe. Il se traduirait par la création de deux sociétés indépendantes : ALS, consacrée exclusivement à l'aide au logement des salariés, et ALI (la holding immobilière), celle-ci se tournant alors vers le secteur bancaire pour financer ses activités sans bénéficier de dotations en fonds propres.

Enfin, le dernier scénario, présenté par le rapport comme "plus radical", aboutirait à la disparition pure et simple d'Action logement. Il consisterait en effet à supprimer la Peec, à transformer ALI en un groupe immobilier autonome et à réintégrer dans le budget de l'État le financement des politiques nationales aujourd'hui assuré par Action logement.

... et quatre orientations à mettre en œuvre sans attendre

En attendant un choix entre ces scénarios – le premier semblant a priori le plus probable au regard des négociations en cours entre le gouvernement et Action logement –, la Cour des comptes propose de mettre en œuvre quatre "orientations", regroupant une douzaine de mesures. La première orientation prévoit d'améliorer la gouvernance et l'organisation du groupe Action logement, notamment en développant le rôle des commissaires du gouvernement et en poursuivant la structuration de l'organisation régionale d'ALS. La seconde orientation consisterait à mieux assurer la maîtrise et l'efficience de la gestion du groupe, via deux mesures techniques.

La troisième prévoit de renforcer la transparence et l'information du public sur l'utilisation de la Peec. Cela passe notamment par l'adoption de méthodes de mesure et d'analyse de la Peec distinguant les ressources brutes des ressources définitives et les prêts des subventions, par l'ouverture d'un accès de l'Ancols (Agence nationale de contrôle du logement social) aux données de recouvrement de la Peec et d'investissement direct des entreprises, par la mise en place du tableau de bord d'utilité sociale prévu par la convention quinquennale, ou encore par le déploiement d'une comptabilité analytique (également prévue par la convention quinquennale). Enfin, la quatrième orientation consiste à accroître la cohérence entre les mesures financées par la Peec et les mesures comparables financées par d'autres sources.

De son côté, la Cour des comptes a déjà fixé son propre calendrier. Elle se propose en effet, "sans exclure aucun scénario, d'établir un nouveau rapport et de le présenter au Parlement en 2023 [après la fin de la convention quinquennale, ndlr], dans lequel elle viserait à établir un bilan définitif de la reforme de 2016 et de la mise en œuvre des engagements pris par le groupe, comme de celle de ses propres recommandations contenues dans le présent rapport".

"Dynamique de groupe"

Dans un communiqué diffusé ce 6 octobre, Action logement met en avant les motifs de satisfaction pouvant être tirés du rapport de la Cour des comptes. Dont le fait que la réforme aurait été menée par les partenaires sociaux "dans un délai resserré, un climat social apaisé, en préservant un rythme d’investissement intense tant du pôle services que du pôle immobilier". Rappelant que l'un des objectifs de la réforme était de "créer un groupe", Action logement considère que c'est bien dans cette "dynamique de groupe" que son "efficacité" a été renforcée et ce, "en dépit de multiples prélèvements réalisés par l’État et dans un contexte de diminution de la Peec".

Pour l'année 2020, le communiqué rappelle quelques faits et chiffres : la distribution de 644.000 aides, pour un montant de 5,8 milliards, soit deux fois plus qu'en 2017 ; le quasi-achèvement de la restructuration du réseau de filiales ; le doublement de l'effort de production de logements abordables ; une "mobilisation au service des territoires" (Action cœur de ville, renouvellement urbain, Outre-Mer…). Et puisque la Cour des comptes invite à "poursuivre les évolutions", Action logement fait valoir que "des ajustements d’organisation sont d’ores et déjà opérés" depuis le début de l'année (meilleure coordination intragroupe, rythme de mobilisation des fonds…).

 

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