La Cour des comptes alerte sur les défauts d’entretien des voies navigables
Le réseau navigable de l’Hexagone, géré à 80% par Voies navigables de France (VNF), se trouve aujourd’hui dans un état "préoccupant" en raison de l’insuffisance des moyens consacrés à son entretien, alerte la Cour des comptes dans un rapport publié ce 19 février. Les magistrats appellent à revoir le modèle économique de VNF, qui dépend essentiellement de subventions, pour lui permettre de bénéficier de ressources plus dynamiques alors que le changement climatique induit à la fois une intensification de l’activité de gestion hydraulique pour faire face à l’accélération des phénomènes de crues et de sécheresse et entraîne des besoins nouveaux et coûteux d’adaptation.

© VNF/ Pose de la nouvelle porte amont de l’écluse de Rochetaillée-sur-Saône en 2024
Après s’être intéressée à l’entretien du réseau ferré et du réseau routier non concédé, la Cour des comptes a publié ce 19 février un rapport sur celui du réseau navigable de l’Hexagone qui, avec un total de 8.500 km, est le plus long d’Europe. Il se caractérise aussi tout à la fois par l’hétérogénéité de ses composantes, du type de navigation qu’il permet et de ses gestionnaires dont le périmètre, les missions et les objectifs diffèrent. Si 80% du réseau est confié à Voies navigables de France (VNF), des axes stratégiques - le Rhône et le Rhin -, sont concédés à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et à EDF. Outre la navigation, le réseau accueille une multiplicité d’usages et de fonctions - alimentation en eau potable, de l’industrie et des centrales nucléaires ou encore irrigation agricole – qui en font "un acteur essentiel de la transition écologique", soulignent aussi les magistrats de la Cour des comptes.
Dégradation du patrimoine
Mais le patrimoine confié à VNF "reste, pour une bonne part, dans un état préoccupant en lien avec l’insuffisance historique des moyens consacrés à son entretien", relèvent-ils. La dégradation du réseau se traduit concrètement par des pannes d’écluses, des pertes d’étanchéité, des non-conformités aux règles de sécurité hydraulique ou de continuité écologique, qui peuvent conduire à des restrictions de navigation, détaillent-ils. La perte d’enfoncement due à des dragages insuffisants est une des pathologies les plus soulignées, observent-ils. Alors que les volumes extraits ne cessent de diminuer, le coût moyen des opérations augmente, notamment en raison du renchérissement de la gestion des sédiments, encadrée par la réglementation environnementale.
"Dette grise" résultant du déficit cumulé d'entretien
Près d’une centaine de millions d’euros par an ont manqué pour maintenir les fonctionnalités du réseau. "Ce déficit cumulé d’entretien alimente une 'dette grise' évaluée à 1,1 milliard d’euros en 2023 , note la Cour. Dans ce contexte, VNF n’a pas eu d’autres choix, jusqu’en 2020, que de prioriser ses interventions sur les besoins essentiels les plus urgents, principalement le fret." "Prolongeant les préconisations du Conseil d’orientation des infrastructures, à la suite des crédits ouverts au titre du plan de relance (+175 millions d’euros sur 2020-2022), le nouveau contrat d’objectif et de performance (COP) permet d’augmenter de près de 50% les crédits consacrés à l’entretien en portant le montant cible d’investissement entre 2023 et 2032 à 2,5 milliards d’euros", poursuivent les magistrats financiers.
Adaptation au changement climatique
Mais selon eux, ces moyens, exprimés en euros courants, restent très en-deçà des besoins d’entretien (régénération et modernisation) estimés à 3 milliards d’euros sur dix ans pour stabiliser l’état du réseau et à 3,8 milliards d’euros pour le remettre réellement à niveau. "Cet écart se creuse d’autant plus que le changement climatique induit à la fois une intensification de l’activité de gestion hydraulique pour faire face à l’accélération des phénomènes de crues et de sécheresse, mais, également, des besoins nouveaux et coûteux d’adaptation", poursuit la Cour qui invite VNF à réaliser des études de vulnérabilité et à se doter de plans d’adaptation. Le changement climatique entraîne aussi une hausse des coûts de fonctionnement, notamment pour lutter contre les espèces exotiques envahissantes, prévient-elle. Par ailleurs, la prise en charge de l’exploitation de l’infrastructure du canal Seine-Nord Europe à l’achèvement des travaux créera une contrainte financière supplémentaire, souligne-t-elle.
Besoin de ressources dynamiques
Dans ce nouveau contexte, l’établissement public, dont le modèle économique dépend essentiellement de subventions à la différence de la CNR et d’EDF qui mobilisent les recettes hydroélectriques, doit pouvoir bénéficier de ressources plus dynamiques afin de faire face à son équation budgétaire, estiment les magistrats. Selon eux, la redevance hydraulique, bien que déjà relevée, pourrait contribuer encore davantage au besoin de financement de VNF, dont elle constitue la première ressource propre, directement rattachable à son activité de gestion de l’eau. Ils invitent également l’établissement à "se doter d’une véritable programmation pluriannuelle des investissements afin de structurer une stratégie de long terme de résorption de son déficit d’entretien". Ils appellent en outre à "systématiser" les "plans de maintenance préventive" qui "ne sont encore que partiellement mis en œuvre". Ils invitent également à réaliser et actualiser régulièrement un plan de prévention des risques liés à la défaillance d’ouvrages.