La Commission européenne veut libérer le potentiel des régions ultrapériphériques
La Commission européenne a présenté sa "stratégie renouvelée" pour les régions ultrapériphériques. Cette communication est d’ores et déjà accompagnée d’un appel à projets adressé aux jeunes de ces régions, doté d’un million d’euros.
"Libérer le potentiel des régions ultrapériphériques" (RUP). Tel est l’un des principaux objectifs affiché par la nouvelle stratégie de la Commission européenne, présentée le 3 mai dernier, en faveur de ces régions. La Commission souligne que ces neuf régions – six françaises : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint-Martin ; deux portugaises : les Açores et Madère, et les îles Canaries espagnoles – possèdent en effet des "atouts majeurs : une population jeune, de vastes zones économiques maritimes, une biodiversité unique, de nombreuses sources d'énergies renouvelables, une situation géographique et un climat adaptés aux sciences de l’espace, activités astrophysiques et infrastructures spatiales d’envergure".
Contraintes permanentes
Mais ces régions font aussi face à des "contraintes permanentes (…) qui nuisent à leur développement" : éloignement, insularité, faible superficie, vulnérabilité au changement climatique… En outre, "elles sont confrontées à de graves problèmes, tels qu'un taux de chômage élevé et une faible production économique, et ont également été durement touchées par la pandémie de coronavirus", souligne Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif pour une économie au service des personnes. Pour y remédier, la Commission entend donc "placer les populations de ces régions en première ligne sur la voie d’une reprise et d’une croissance durables". C’est en partie déjà le cas, comme en témoigne le fait que la France a alloué près d’un tiers de son enveloppe React-EU à ses RUP (1,2 milliard sur 3,9 milliards d'euros, pour 2021 et 2022), chiffre relevé par la Commission.
Des fonds, des conseils… et une invitation à se prendre en main
Pour libérer ces énergies, la Commission a d’ores et déjà lancé un appel à propositions, doté de 1 million d’euros, pour "donner aux jeunes les moyens d’agir", pour qu’ils "deviennent des acteurs du changement, des entrepreneurs et des innovateurs dans leurs communautés locales". Bruxelles rappelle pour autant que "le bien-être et le développement" de ces RUP "dépendent essentiellement des choix et des actions des régions elles-mêmes et de leurs États membres. Il leur appartient d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies adaptées". La Commission prévoit néanmoins de "déployer des outils de conseil" pour aider les RUP, sur demande, à élaborer des "plans régionaux de développement, de réforme et d’investissement", qu’elle les encourage par ailleurs à élaborer conjointement avec les États membres. Elle créera également un portail dédié sur les possibilités de bénéficier des fonds, programmes et initiatives de l’Union. Les régions pourront encore utiliser l’instrument d’appui technique pour demander une aide pour "les réformes clés".
Une autonomie stratégique… guidée
Si la Commission invite donc les RUP à l’autonomie stratégique – en lien avec les États membres –, elle ne manque pas de leur montrer la voie à suivre. Considérant que pour libérer leur potentiel, "certaines RUP doivent encore répondre à des besoins fondamentaux", elle les invite d’abord "à donner la priorité aux citoyens" : lutte contre la pauvreté, promotion de l’égalité et de l’inclusion ; accès à un logement décent, à l’eau, à l’internet, aux transports et à l’énergie à un coût abordable ; accès aux soins ; éducation, formation, aide à l’emploi et entrepreneuriat. Elle leur suggère ensuite de "tirer parti des atouts, remédier aux contraintes et mettre l’accent sur les secteurs clés" : recherche, innovation et "spécialisation intelligente" ; mobilité, transports, tourisme et culture ; biodiversité ; économie bleue ; agriculture et développement durable. Elles sont encore appelées à favoriser la transition écologique et numérique (action pour le climat, énergies renouvelables et efficacité énergétique, économie circulaire…) et à renforcer la "coopération avec d’autres régions européennes, les pays voisins et d’autres plus lointains", la question migratoire – cruciale pour certaines, Mayotte et la Guyane en tête – n’étant pas ignorée.
Une communication guère opérationnelle
In fine, le document ne délivre essentiellement que de grandes orientations ou des engagements relativement flous, assez éloignés de la "communication très opérationnelle" qu’appelait de ses vœux le ministre français des outre-mer dans le document de position commune aux 9 RUP et 3 États membres publié le 19 janvier dernier (voir notre article du 19 janvier).
Dans le détail, on relèvera que la Commission indique notamment qu’elle adoptera une proposition de règlement sur la restauration de la nature qui tiendra compte des spécificités des RUP ou élaborera plusieurs appels à projets spécifiques, par exemple dans le cadre de l’initiative "Investissements régionaux en matière d’innovation". Elle rappelle également qu’elle a proposé d’exempter de nouveau les vols entre les RUP et les États membres du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) jusqu’en 2030 (l’actuelle exemption prenant fin en 2023).
Le Parlement promeut un "pacte insulaire"
De son côté, la commission Regi du Parlement européen, présidée par le réunionnais Younous Omarjee, s’est prononcée le 24 avril dernier en faveur d’un "pacte insulaire" qui favoriserait les partenariats entre les îles de l’UE. Les députés suggèrent également de faire de 2024 "l’année européenne des îles". Le texte doit être soumis à la plénière de juin.