Logement social - La Commission européenne donne neuf mois à la France pour supprimer les droits spéciaux de distribution des livrets A
La Commission européenne a demandé le 10 mai à la France d'étendre à toutes les banques la distribution du livret A et du livret B, jusqu'ici réservée à trois banques (Crédit Mutuel, La Poste, Caisses d'Epargne). En juin 2006, Bruxelles a ouvert une procédure d'infraction à l'encontre de la France considérant que les droits spéciaux octroyés à ces banques étaient contraires à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services. Le gouvernement français, et au premier chef, Jean-Louis Borloo, ministre de la Cohésion sociale et du Logement, s'est alors engagé à défendre ce système, rappelant qu'il finance de façon stable et à long terme le logement social. Mais le couperet vient de tomber !
La Commission européenne, rappelant que ces livrets sont détenus par environ 50 millions de Français pour un encours de 128 milliards, assure, le 10 mai, qu'un nouveau mode de distribution n'aura pas pour effet de remettre en cause le financement du logement social. Pour Neelie Kroes, commissaire à la Concurrence : "le réseau de distribution sera largement étendu, facilitant l'accès des clients à ces produits". De plus "les autorités françaises pourront soumettre toutes les banques assurant la distribution de ces produits à la même obligation : celle de centraliser les fonds collectés à la Caisse des Dépôts". Dans son communiqué, la Commission européenne rajoute que "le ou les opérateurs chargés de cette mission pourront être soumis à des obligations de service public spécifiques, en particulier celle d'ouvrir un livret à toute personne qui en fait la demande".
Pour autant, les spécialistes du logement social dont l'Union sociale pour l'habitat (USH), mettent en avant, depuis 2006, le risque réel d'une chute des fonds collectés : les nouveaux réseaux collecteurs pourraient être amenés à proposer aux détenteurs de livret A d'autres produits financiers. "Les banques n'auraient-elles pas intérêt à promouvoir une stratégie de captation en proposant à leurs clients des placements plus avantageux ?", s'interrogeait en octobre dernier, dans un article de Localtis, Laurent Ghekiere, représentant de l'USH auprès de l'Union européenne. La France à neuf mois pour modifier la législation, mais, selon l'AFP, le ministère de l'Economie serait prêt à faire un recours auprès de la Cour de justice des Communautés européennes.
C.V.
Livret A : comment ça marche ?
Une loi de 1837 a chargé la Caisse des Dépôts (CDC) de gérer, sous la garantie de l'Etat, les fonds d'épargne déposés sur les livrets A de La Poste et des Caisses d'Epargne. La seule réserve est que les Caisses d'Epargne et La Poste ont la faculté de décider directement de l'emploi d'une partie des dépôts sur livret A. La CDC utilise les ressources en provenance du livret A pour le financement d'investissements d'intérêt général selon les orientations définies par les pouvoirs publics. La Caisse des Dépôts finance sous forme de prêts aux organismes HLM la construction et la rénovation des logements sociaux (HLM) locatifs. Ces prêts sont remboursés par les organismes HLM grâce aux loyers perçus. Pour les organismes HLM, le taux de rémunération du livret A, majoré du coût de collecte, constitue le taux de référence des prêts nouveaux de la Caisse des Dépôts, et la valeur servant à l'indexation de leurs annuités sur les prêts en cours. Un niveau élevé de rémunération du livret A pénalise donc le financement du logement social.