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Fonds européens - La Commission européenne croule sous les factures impayées

Premiers contributeurs du budget européen, les Etats versent leur écot de manière aléatoire. La conséquence sur le terrain est immédiate : la Commission européenne ne peut plus verser les fonds attendus par les régions.

26 milliards d’euros. La somme est suffisamment colossale pour que la Commission européenne s’en inquiète. Depuis 2011, les factures impayées s’accumulent, faute d’argent dans les caisses. Et le problème ne cesse de gagner du terrain puisque, d’année en année, le versement des sommes est reporté.
Entre 2011 et 2013, les impayés ont doublé passant de 13 à 26 milliards d’euros. L’écrasante majorité de cette somme (23,4 milliards) provient des fonds structurels, destinés aux régions.
​Le problème est jugé très sérieux. Le commissaire au Budget Jacek Dominik a donc décidé de réunir, mercredi 24 septembre, les représentants des Etats et du Parlement européen.
Au cours de cet échange, il a fait une série de propositions afin de revenir à une situation "saine". L’une d’entre elles consiste à présenter un budget rectificatif. La Commission suggère également de pouvoir activer la "flexibilité" budgétaire, qui permet de transférer des fonds d’une ligne budgétaire à une autre.
Pour l’occasion, le commissaire s’est voulu ferme : "Le toit fuit depuis des années et la Commission court d’une pièce à l’autre avec des seaux pour recueillir l’eau."

Des Etats pingres ou pauvres

Son intervention visait les Etats de plus en plus réticents à participer au budget européen, comme la Grande-Bretagne, les pays scandinaves, les Pays-Bas… Chaque année, les pays cherchent à raboter la part des crédits de paiements, de manière à verser moins d’argent que prévu au budget communautaire. Une attitude peu responsable, selon l’entourage du commissaire : "Quand la facture arrive, c’est trop tard pour dire qu’on ne veut pas payer."
Outre les mauvais payeurs assumés, le budget européen fait aussi les frais des difficultés de certains Etats, France comprise, dont l’asphyxie financière compromet la capacité à verser ce qu’ils doivent à l’UE.
En 2015, la Commission a proposé un budget de 142,1 milliards d’euros, dont près de la moitié sert à écluser les factures non réglées pour les projets menés entre 2007-2013. Entre les prévisions et la réalité, le manque à gagner constaté par l’exécutif européen est de deux milliards d’euros.
Des chantiers, lancés avant les difficultés économiques qui ont touché l’Union européenne, peinent désormais à recevoir leurs financements. "On ne pouvait pas deviner qu’une telle crise allait se produire", explique-t-on à la Commission européenne. Même le programme Erasmus est touché.
Lors d’un échange au Parlement européen le 22 septembre, le commissaire à la Politique régionale Johannes Hahn s’est alarmé de la situation, tout comme de nombreux députés européens. Il a mis en garde les Etats sur le décalage croissant entre les contributions nationales annoncées et ce qui est finalement versé.

Des risques juridiques ?

Le problème touche particulièrement la politique de cohésion. Les fonds versés dans ce cadre sont octroyés à des Etats ou des collectivités qui ont déjà financé les projets sur leurs territoires. En cas de retard, la Commission ne doit pas payer de pénalités. En revanche, quand des fonds ne sont pas versés à temps à des entreprises dans le cadre d’autres programmes la Commission doit s’affranchir d’indemnités de retard. 70 projets appartenant au programme de recherche Horizon 2020 sont dans ce cas aujourd’hui. Bruxelles accorde donc la priorité aux paiements de ce type de programmes, la politique de cohésion passant après.
Mais, si les retards devenaient insoutenables, les collectivités pourraient-elles se retourner contre la Commission ? "Personne ne le sait", avoue l’entourage du commissaire Dominik.