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Aide sociale à l'enfance - La commission des affaires sociales du Sénat adopte le versement des allocations familiales aux départements

C'est un vieux serpent de mer qui vient de franchir une étape importante. La commission des affaires sociales du Sénat a en effet adopté, le 19 mars, la proposition de loi "relative au versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au service d'aide à l'enfance lorsque l'enfant a été confié à ce service par décision du juge". Cette adoption est d'autant plus significative que ce texte est présenté par deux sénateurs UMP du Maine-et-Loire - Christophe Béchu, également président du conseil général, et Catherine Deroche -, suivis par près de 80 de leurs collègues. Déposée en juillet 2012 (voir notre article ci-contre du 18 juillet 2012), cette proposition de loi est loin d'être la première tentative en la matière. Un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoyait déjà une mesure similaire, mais il n'a finalement pas été adopté (voir notre article ci-contre du 25 octobre 2010).

Rétablir l'esprit du texte

Sur le plan juridique, la situation est paradoxale. L'article L.521-2 du Code de la sécurité sociale prévoit en effet déjà que "lorsqu'un enfant est confié au service d'aide sociale à l'enfance, les allocations familiales continuent d'être évaluées en tenant compte à la fois des enfants présents au foyer et du ou des enfants confiés au service de l'aide sociale à l'enfance. La part des allocations familiales dues à la famille pour cet enfant est versée à ce service". Mais le même article prévoit aussi que le juge des enfants peut décider, de son propre chef ou sur saisine du président du conseil général, de maintenir le versement de ces allocations à la famille. Or cette exception est devenue la règle quasi systématique. Par ailleurs, l'allocation de rentrée scolaire (ARS) est exclue de ce dispositif, alors que - comme le rappelle l'exposé des motifs - "les départements supportent l'intégralité des dépenses liées à la scolarisation de ces enfants".
La proposition de loi entend donc revenir à l'esprit du texte initial, à travers deux dispositions principales. La première consiste à appliquer systématiquement le principe "absence de charges, absence de ressources", autrement dit à faire en sorte que les allocations familiales soient versées à ceux qui assurent l'entretien effectif de l'enfant. La seconde consiste à étendre ce dispositif à l'allocation de rentrée scolaire, en prévoyant la possibilité de son versement entre les mains du département. Bien entendu, le juge conserve la possibilité - éventuellement sur la saisine du président du conseil général - de maintenir le versement des allocations familiales à la famille, "lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l'enfant ou en vue de faciliter le retour de l'enfant dans son foyer" (rédaction inchangée par rapport au texte actuel).

Un blanc-seing présidentiel

A l'occasion de l'examen du texte, la commission des affaires sociales a adopté les cinq amendements présentés par Catherine Deroche, rapporteur du texte. Quatre d'entre eux apportent des précisions importantes. Le premier rétablit la possibilité de saisine d'office du juge des enfants sur la question du maintien du versement. Celle-ci avait en effet été un peu rapidement supprimée dans la première rédaction du texte, ce qui n'aurait pas manqué de poser un problème constitutionnel. Le second prévoit que le maintien du versement des allocations à la famille peut n'être que partiel. Ainsi que l'explique l'exposé des motifs, l'objectif est "que le rétablissement de la saisine d'office du juge ne perpétue pas la pratique actuelle du maintien quasi systématique des allocations dues pour l'enfant placé à la famille". Le juge pourra donc décider de répartir les allocations entre le département et la famille. Le troisième amendement encadre cette possibilité en prévoyant que "le montant de ce versement [à la famille, Ndlr] ne peut excéder 35% de la part des allocations familiales dues pour cet enfant". Enfin, le dernier amendement exclut l'intervention du juge en matière d'attribution de l'ARS. Il considère en effet que "contrairement aux allocations familiales, l'allocation de rentrée scolaire n'est pas un instrument de politique judiciaire ; il n'y a donc pas lieu de maintenir l'intervention du juge".
La proposition de loi doit maintenant être examinée en séance publique le 27 mars et, éventuellement, le 4 avril. Même si une surprise n'est pas exclue, elle devrait être adoptée en première lecture. Cette hypothèse est d'autant plus vraisemblable que, recevant l'Assemblée des départements de France le 22 octobre dernier, François Hollande s'était dit, selon le président de l'ADF, "attentif" à cette proposition de loi (voir notre article ci-contre du 22 octobre 2012).

Référence : proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au service d'aide à l'enfance lorsque l'enfant a été confié à ce service par décision du juge (adoptée par la commission des affaires sociales du Sénat le 19 mars 2013, examinée en première lecture en séance publique le 27 mars 2013).