Solidarité - La bataille pour l'aide alimentaire est loin d'être gagnée

En France, les associations s'inquiètent du sort du Programme européen d'aide alimentaire aux plus démunis. Le ministre de l'Agriculture se veut rassurant, mais les six pays opposés au maintien du projet ne seront pas faciles à convaincre.

Le gouvernement français n'a pas l'intention de baisser les bras. Aux associations qui s'inquiètent de l'avenir du Programme d'aide aux plus démunis (PEAD), le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, a répondu, mercredi 21 septembre, qu'il ne les "laissera pas tomber". Il a rappelé sa détermination à trouver un accord lors de la prochaine réunion des ministres européens de l'Agriculture, prévue le 20 octobre.
Les Banques alimentaires, la Croix-Rouge française, les Restos du Coeur et le Secours populaire français ont déploré "une décision qui hypothèque l'avenir de millions d'Européens démunis". Bruxelles n'a pas pu obtenir, mardi 20 septembre, un accord des 27 pour apporter une solution transitoire à la suspension du PEAD entraînée par une décision de la Cour de justice de l'UE après une plainte de l'Allemagne.
Six pays (Allemagne, Pays-Bas, Danemark, République tchèque, Suède, Royaume-Uni) rejettent le compromis de la Commission. Celle-ci propose de revoir le cadre juridique du programme pour inclure l'achat de produits alimentaires sur les marchés.

"Bon sens"

Selon le secrétaire national en charge de l'aide alimentaire au Secours populaire, Jean-Louis Callens, le ministre devrait faire appel "au bon sens" des pays réfractaires car "l'argent est là, et il ne sera pas affecté à une autre politique".
Sur l'enveloppe de 500 millions d'euros prévue pour 2012, seulement 113,5 millions d'euros, qui correspondent aux stocks d'intervention disponibles, pourront être distribués aux Etats. Mais les six pays opposés au maintien de ce programme social d'aide alimentaire dans le giron de la politique agricole commune restent fermement ancrés sur leur position. Selon eux, le PEAD doit relever des politiques sociales nationales. L'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont participé au programme tant que celui-ci était approvisionné par les stocks, explique une source proche du dossier à la Commission. Mais ils n'en veulent plus "depuis au moins une dizaine d'années".

Secteur privé

La Suède n'a jamais perçu un centime de cette aide européenne. Le pays "a toujours été opposé au PEAD depuis son adhésion en 1995", indique un diplomate suédois. Seule la République tchèque bénéficie toujours du programme, mais de façon très limitée. "Nous considérons aujourd'hui que le programme a perdu de son attrait initial [celui de reposer uniquement sur les stocks alimentaires disponibles dans l'UE, NDLR]", explique un diplomate tchèque à Bruxelles. Dans ces pays, le financement de l'aide alimentaire repose en grande partie sur des initiatives du secteur privé.
En Allemagne, les églises jouent également un rôle essentiel dans la distribution de nourriture aux plus démunis. Le pays ne voit donc pas du tout l'intérêt de soutenir le maintien du programme. "Les 21 pays favorables au PEAD devront fonctionner, en 2012 et 2013, avec les stocks d'intervention disponibles", affirme une source diplomatique allemande. Le ministère allemand de l'Agriculture est "fondamentalement opposé" à la proposition de la Commission, a-t-elle ajouté. Mais le sujet sera au programme de la rencontre des dirigeants européens les 17 et 18 octobre.

Rencontre des associations

La semaine dernière, plusieurs associations françaises et allemandes se sont rencontrées pour discuter du sort du programme. "Certains organismes nous ont confiés qu'ils aimeraient bien bénéficier du PEAD", a expliqué le secrétaire national en charge de l'aide alimentaire au Secours populaire. Dans une interview à l'Expansion.com, Anke Assig, la porte-parole de la Fédération nationale allemande des soupes populaires, a regretté l'absence de débat sur le sujet dans son pays. "Ce n'est pas parce que nous n'avons pas recours à ce programme (…) que nous ne soutenons pas les revendications de nos collègues européens. Que ce soit par le biais de la politique sociale ou de la politique agricole, on ne peut pas couper les vivres à des millions de démunis", a-t-elle affirmé au mensuel français.

 

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