Sports / Politique de la ville - Jean-Philippe Acensi : "Nous souhaitons créer 5.000 emplois d'éducateurs sportifs de prévention"
Quoi de mieux qu'un rendez-vous en banlieue pour parler de la place du sport dans les quartiers prioritaires ? A l'invitation du mouvement Bleu, Blanc, Zèbre, déjà à l'initiative de l'Appel de Grigny du 16 octobre 2017, un nouvel épisode des états généraux de la ville s'est tenu, le 15 février, à la Micro-Folie de Sevran (Seine-Saint-Denis) sur le thème du sport. Dans une ambiance particulièrement chaleureuse, et parfois survoltée, où les démonstrations de double-dutch (saut à double corde) ont succédé aux danseurs de hip-hop, de nombreux orateurs, dont le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires Julien Denormandie, ont évoqué la démarche visant à encourager le déploiement d'éducateurs sportifs de prévention dans les quartiers prioritaires. Jean-Philippe Acensi, président de Bleu, Blanc, Zèbre et fondateur de l’Agence pour l’éducation par le sport, revient pour Localtis sur cette ambition.
Localtis : Pourquoi avoir inclus le sport dans votre cycle de rendez-vous baptisé "états généraux de la ville" ?
Jean-Philippe Acensi : Cela fait vingt ans que l'on repère, à travers l'Agence pour l'éducation par le sport notamment, tous les acteurs qui ont une dimension sociale à travers le sport. Le sport est en première ligne. Dans les quartiers dits "populaires", les associations sportives sont les plus importantes et leurs éducateurs font un travail social, au-delà de l'éducation sportive. Le club sportif possède un potentiel énorme, c'est un lieu de vie et d'apprentissage unique. Quand il fonctionne bien, le club sportif est aussi important qu'une école. On y apprend à se fixer des objectifs, à travailler ensemble, le contrôle de soi. Cette cellule de base, nous avons envie qu'elle soit mieux reconnue et mieux soutenue. Nous avons surtout envie que l'éducateur soit sanctuarisé, qu'il ait les moyens de faire son travail, car aujourd'hui, tous les éducateurs n'ont pas forcément de statut.
Pour quelles raison faut-il, selon vous, plus d'éducateurs ?
On a envie de s'occuper de beaucoup plus de jeunes. Il y a quarante ans, quand on a mis en place des éducateurs de prévention, on a créé dix mille postes d'éducateurs, financés par les départements. Aujourd'hui, on pense qu'il y a la place pour un nouveau métier, l'éducateur sportif de prévention, qui aura deux finalités : l'accompagnement des jeunes décrocheurs et l'insertion professionnelle. Ce qui manque aujourd'hui dans ces quartiers, c'est d'abord un accompagnement des jeunes qui ont décroché. 1,3 million de jeunes sont aujourd'hui au chômage et sans diplôme, dont 400.000 dans ces quartiers dits populaires. C'est gigantesque. A Roubaix, 700 jeunes décrochent scolairement… chaque année. C'est une bombe à retardement.
Quel rôle le sport peut-il occuper dans ce contexte ?
Le sport peut jouer sa part, c'est la proposition que l'on fait. Nous souhaitons créer 5.000 emplois d'éducateurs sportifs de prévention dont chacun toucherait 50 jeunes. Cela ferait 25.000 jeunes pris en charge. C'est déjà pas mal. Au côté de la performance de haut niveau, le sport peut réaliser une performance sociale. Et cette performance sociale en France, aujourd'hui, il faut davantage la structurer.
Quels liens vos débats ont-ils pu tisser entre le sport et les acteurs de la politique de la ville ?
L'écosystème, ce sont à la fois les collectivités, les maires, les élus, qui doivent eux aussi mettre l'accent sur les politiques d'éducation par le sport, la politique de la ville. Il y a aussi les entreprises avec lesquelles on veut créer des passerelles. Dans le cadre du Plan banlieue et la mission confiée à Jean-Louis Borloo, nous voulons faire des propositions qui vont avoir un effet levier. Il faut reconstruire des projets simples, compréhensibles et robustes. Nous devons donc établir les liens entre les différents acteurs qui demain vont apporter des propositions qui fonctionnent. Ce n'est pas toujours un problème d'argent. On a mis beaucoup d'argent dans les structures d'insertion, dans les missions locales, dans Pôle emploi. Il faut aujourd'hui réactualiser tout ça, remettre des moyens là où l'on est sûr d'avoir une plus-value. Et nous pensons que le club sportif et l'éducateur sont des priorités nationales aujourd'hui.
Quelles suites aura la démarche que vous avez entamée aujourd'hui, à Sevran ?
Avec cette proposition-phare, qui consiste à créer 5.000 emplois d'éducateurs sportifs de prévention, nous allons maintenant rencontrer les associations d'élus, notamment Régions de France et l'Assemblée des départements de France.