Convention nationale de l'ADCF - Jean-Luc Rigaut fait "le pari de la confiance"
Réunis en congrès à Nantes les 5 et 6 octobre, les présidents d'intercommunalité continuent de faire confiance au gouvernement, même si les pommes de discorde s'accumulent. Ce n'est toutefois pas un blanc-seing : le nouveau président de l'Assemblée des communautés de France, Jean-Luc Rigaut, entend "fixer des lignes rouges". A cette occasion, le ministre de la Cohésion des territoires a précisé que la Conférence nationale des territoires se réunira le 14 décembre.
Dans le climat de grogne qui a saisi les associations d'élus depuis l'été, l'Assemblée des communautés de France (ADCF) veut faire entendre sa différence. Peut-être son passé de double champion du monde de canoë lui a-t-il appris à jouer avec le courant plutôt que de tenter de le remonter, toujours est-il que le tout nouveau président de l'association, Jean-Luc Rigaut, se veut "progressiste" mais "vigilant". Il veut ainsi "prendre le pari" de faire confiance au gouvernement, "même si les signaux n'ont pas été très bons", a-t-il reconnu, le 5 octobre, lors d'une conférence de presse en marge de la convention nationale de l'ADCF, à Nantes.
Le président du Grand Annecy a notamment accueilli avec satisfaction la décision de stabiliser la dotation globale de fonctionnement en 2018, après des années de baisse. "Nous n'avons jamais pratiqué la politique de la chaise vide", a abondé à sa suite le socialiste Loïc Cauret, président de Lamballe communauté, vice-président de l'ADCF, qui avait rallié Emmanuel Macron pendant la campagne. Une façon de se démarquer des régions et des départements qui ont décidé d'aller à la confrontation.
Pas moins de deux ministres, Jacques Mézard (Cohésion des territoires) et Jacqueline Gourault (déléguée auprès du ministre de l'Intérieur), avaient fait le déplacement, ce jeudi, balisant le terrain du Premier ministre, attendu le lendemain. Ces anciens champions de la cause intercommunale se savaient un peu chez eux. "Je suis l'un des vôtres", a même clamé le ministre de la Cohésion des territoires, devant les 1.800 congressistes réunis dans la Cité des congrès de Nantes sur le thème des solidarités "villes-campagnes". Le ministre a dit avoir entendu le besoin de "stabilité" et de "lisibilité" exprimé par les élus, sachant que 91% des présidents d'intercommunalité attendent en priorité une stabilité des dotations de l'Etat, et qu'ils considèrent leur marges de manœuvre sur les dépenses de fonctionnement faibles (63%) ou nulles (25%), selon une enquête publiée par l'ADCF pour l'occasion. Et 45% considèrent l'effort de 13 milliards d'économies sur la durée du quinquennat "peu soutenable".
"Des pactes girondins pas des contrats léonins"
"J'ai bien entendu les inquiétudes, a aussi déclaré Jacqueline Gourault, nous voulons rompre avec les politiques précédentes" (qui se sont traduites par 10 milliards d'euros de baisse de dotations). La ministre s'est ensuite livrée à un long exercice de pédagogie au sujet des 13 milliards d'euros d'économies demandées et des 319 "pactes girondins" qui seront passés avec les grands comptes (régions, départements, métropoles, grandes intercommunalités…). Ces derniers représentent à eux seuls "70% de la dépense publique". "Un grand bout du chemin" sur la route de la maîtrise des dépenses qui ne pourront augmenter de plus de 1,2% d'une année sur l'autre. Mais le calcul se fera donc sur une hypothèse de croissance des dépenses de fonctionnement et pas par rapport aux budgets de 2017. En outre, il se fera "collectivité par collectivité" afin de "concilier la maîtrise des dépenses et la situation locale". Ce sera par conséquent un objectif global qui se traduira par "un travail de dentelle" pour tenir compte des efforts déjà réalisés, de la situation démographique, des charges supplémentaires des collectivités, a-t-elle assuré. "L'annonce de 'pactes girondins' a bien sonné à nos oreilles... Mais les pactes girondins ne doivent pas devenir des contrats léonins", a prévenu Jean-Luc Rigaut.
Jacqueline Gourault a aussi confirmé qu'une "simplification du FCTVA" était à l'ordre du jour. Concernant la taxe d'habitation, l'un des sujets les plus sensibles du moment, elle a rappelé qu'il ne s'agissait par d'une suppression mais d'un "dégrèvement" : l'Etat se substituera aux contribuables et versera lui-même le produit de la taxe aux collectivités. Sa participation se fera "au taux d'entrée" (autrement dit les taux 2017), a-t-elle précisé, ironisant sur "les petits malins du fond de la salle qui comptaient se faire de l'argent sur le dos de l'Etat". Ce qui lui a valu quelques huées au passage.
Alors que les élus intercommunaux trouvent l'échéance du 1er janvier pour l'entrée en vigueur de la Gemapi (gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations) précipitée, Jacqueline Gourault a indiqué qu'il avait été convenu de légiférer "rapidement" sur le sujet. Pas question toutefois de revenir sur le transfert, mais sur les conditions de mise en œuvre. Dans une motion, l'ADCF réclame un report de deux ans, "afin que 2018 soit le début du temps du débat", a indiqué Jean-Luc Rigaut.
De même, pour l'eau et l'assainissement, le gouvernement n'entend pas revenir sur le transfert aux intercommunalités. Mais une proposition de loi est attendue "en janvier ou février pour revenir sur la mise en œuvre", a fait savoir la ministre. Un groupe de travail sera installé dans le cadre de la conférence nationale des territoires. Il s'intéressera à la composition des syndicats et devra veiller à éviter une prise en main par les grands groupes. Contrairement à ce que les maires ruraux réclamaient encore la semaine dernière, le gouvernement ne soutient donc pas la proposition de loi Retailleau pour le maintien de l'eau et de l'assainissement dans les compétences optionnelles des intercos, adoptée par le Sénat au printemps.
S'agissant de la méthode, Jacques Mézard a indiqué que la prochaine conférence des territoires se tiendrait le 14 décembre. "On ne peut pas dire qu'il faut réformer et refuser le dialogue avec l'Etat", a-t-il lancé. "Constructif", Jean-Luc Rigaut l'est assurément. Toutefois, a-t-il averti : "Nous devons aussi fixer des lignes rouges. La liste des sujets contentieux commence à s'allonger. Et nous devons dire stop quand il le faut."