Intercommunalités de France réclame une partie des 15 milliards restants de France 2030 pour les Territoires d'industrie

Le passage de Vencorex sous pavillon chinois le jour du comité interministériel à l'innovation, jeudi 10 avril, a du mal à passer pour Sébastien Martin, le président d'Intercommunalités de France qui était auditionné au même moment à l'Assemblée. Interrogé par Localtis, il demande que les fonds restants de France 2030 puissent, au-delà de l'innovation, financer les industries traditionnelles présentes dans les territoires périurbains et ruraux et à ce que le dispositif Territoires d'industrie en soit bénéficiaire.

"Quand est-ce que va avoir lieu l'assemblée générale des Territoires d'industrie ? Quand est-ce que l'État va nous dire qu'il a besoin de nous et qu'il est prêt à nous consacrer une partie des 15 milliards d'euros restants de France 2030 ?" Les interrogations de Sébastien Martin, président d'Intercommunalités de France, sont nombreuses. Le président du Grand Chalon s'exprime pour Localtis au lendemain de son audition le 10 avril 2025 devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale visant à lever les freins à l'industrialisation qui s'est tenue le jour-même du comité interiministériel à l'innovation. Un comité au cours duquel le Premier ministre, François Bayrou, a annoncé le fléchage des 15 milliards d'euros restants du plan France 2030 sur l'innovation, et particulièrement sur l'intelligence artificielle, le quantique, le spatial, le nucléaire (voir notre article du 10 avril 2025). "Je pense que France 2030 est utile, mais il y a un côté hémiplégique dans notre politique industrielle : on met le paquet sur l'innovation qui donnera des résultats dans 20 ans, mais d'ici là, si on a davantage d'industrie on sera content !", réagit Sébastien Martin. "On a relancé les Territoires d'industrie dans leur phase 2 en novembre 2023, nous sommes en avril 2025 et il n'y a rien eu, déplore-t-il. Il faut essayer de territorialiser la politique industrielle de la France, en redonnant des moyens aux Territoires d'industrie pour accompagner des projets de développement dans les territoires." 

La reprise de Vencorex par un groupe chinois, nouvel échec de l'État ?

Un des risques identifiés par l'association est de focaliser sur l'innovation de demain au détriment de l'industrie à développer dès aujourd'hui dans les territoires. Autre biais du plan : concentrer les financements (52%) sur l'Île-de-France. Et même si d'autres départements en profitent, "si on prend en compte aussi les financements fléchés sur la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec l'Île-de-France, on est largement au-dessus de 50% !", explique encore Sébastien Martin, qui souligne que son association a dès le début fait part du risque de se focaliser sur les territoires métropolitains au détriment des territoires périurbains ou ruraux…

Autre mauvais signal : la reprise actée le 10 avril par le tribunal de commerce de Lyon de Vencorex, acteur majeur de la chimie installé près de Grenoble, par le groupe chinois Wanhua via sa filiale hongroise BorsodChem. "Réalisée le jour même que la relance du plan France 2030 avec 15 milliards d'euros de financements nouveaux", cette reprise pour laquelle le gouvernement ne s'est pas interposé malgré l'intervention des élus "révèle l'incapacité de la stratégie nationale à soutenir l'industrie traditionnelle dans nos territoires", déplore Intercommunalités de France dans un communiqué publié ce 11 avril. Dans le cadre de cette reprise, Wanhua devrait garder une cinquantaine d'emplois sur les 450 que compte le site. L'entreprise, fleuron de l'industrie de la plateforme du Pont-de-Claix, avait été placée en redressement judiciaire en septembre 2024. Le projet de reprise des salariés a été écarté par le tribunal, le tout provoquant un tollé du côté des politiques qui dénoncent de sucroît une perte de souveraineté (le sel de Vencorex est indispensable aux filières spatiales et nucléaires pour la fabrication de missiles et fusées). Intercommunalités de France exprime son "plein soutien" aux 400 salariés confrontés à la menace du chômage et à Christophe Ferrari, président de la métropole concernée.

27 propositions nationale et locales pour lever les freins à la réindustrialisation

À l'occasion de son audition, Sébastien Martin a remis aux parlementaires une contribution de 28 propositions nationales et locales pour lever les freins à la réindustrialisation, organisées autour des trois enjeux majeurs que sont la raréfaction du foncier industriel, le besoin étant estimé à 22.000 hectares à horizon 2030, la pénurie de compétences, avec 60.000 postes à pourvoir dans l'industrie, et le vieillissement du parc de machines. Outre la relance réelle des Territoires d'industrie, avec l'organisation d'une assemblée générale, en matière de foncier, Intercommunalités de France estime qu'il faudrait adapter le calcul de l'artificialisation pour favoriser l'usage industriel du foncier, favoriser la reconversion des friches et sites commerciaux vers des activités industrielles et consacrer au sein du fonds vert un fonds friches industrielles intégrant une aide aux études environnementales et archéologiques. L'association demande aussi à annualiser le dispositif des sites clés en main et des sites France 2030. "Les 55 sites clés en main dévoilés en avril 2024 par le gouvernement constituent un premier jalon, mais face à nos ambitions de réindustrialisation, ce stock doit être reconstitué en continu pour répondre à la dynamique de demande", indique la contribution.

Généraliser les contrats d'implantation territoriaux

L'idée de généraliser les contrats d'implantation territoriaux est aussi avancée pour accélérer l'industrialisation. Instauré en 2017 dans les Hauts-de-France (voir notre article du 13 décembre 2023), il repose sur un engagement réciproque entre pouvoirs publics et entreprises. Intercommunalités de France propose d'étendre ce dispositif à toute la France, via un dispositif intégrant pleinement l'État, la région, l'intercommunalité et l'entreprise. Pour l'association, l'intercommunalité doit être identifiée comme l'acteur de référence pour l'accompagnement des nouvelles implantations industrielles au niveau local.

En matière de recrutement, l'association propose d'expérimenter dix académies industrielles dans les territoires, de renouveler l'appel à projets Écoles de production et de systématiser l'intégration des intercommunalités dans la gouvernance de France Travail.

 

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