Réforme territoriale - Intercommunalité : le Sénat vote un train de mesures pour faciliter la mise en oeuvre des fusions
Le Sénat a adopté en première lecture, le 26 octobre, la proposition de loi des sénateurs Jacqueline Gourault (UDI) et Mathieu Darnaud (LR) concernant la composition des conseils communautaires, en la complétant de plusieurs dispositions visant à faciliter la création et la gestion des communautés.
Résultant des observations de terrain réalisées par la mission de contrôle et de suivi des réformes territoriales mise en place par le Sénat, la proposition de loi a pour but de permettre la conclusion d'accords locaux entre les communes sur la composition du conseil communautaire, dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la loi Richard-Sueur du 9 mars 2015.
Cette dernière devait redonner de la souplesse aux communes dans le domaine, alors que les règles définies par le Conseil constitutionnel, selon le principe qu'il faut impérativement prendre en compte la population des communes pour le choix du nombre de leurs délégués, sont strictes.
Objectif : "Un accord local dans 50 à 70% des cas"
Mais, dans la réalité, la loi s'est révélée inopérante. Selon la Direction générale des collectivités locales, la moitié des communautés qui seront créées au 1er janvier 2017 par fusion ou extension de communautés existantes n'auront pas plus de sièges en concluant un accord local qu'en appliquant les règles de droit commun. Le constat est encore plus sévère pour les communautés de plus de cinquante communes, puisque quasiment aucune d'entre elles n'aura intérêt à conclure un accord local. Déplorant "une inégalité de traitement des territoires [qui] n'a pas de justification", les sénateurs ont permis l'attribution de sièges supplémentaires aux communautés qui ne peuvent aboutir à un accord local avantageux en l'état de la législation. Ils ont toutefois assorti ce "bonus" d'un double plafond afin que le "gonflement" des effectifs des conseils communautaires soit "raisonnable", selon les termes de la rapporteure, Catherine Di Folco. Les nouvelles règles permettraient de résoudre "40% des blocages", s'est-elle réjouie, en indiquant que "50 à 70%" des communautés parviendraient à établir un accord local permettant d'augmenter les effectifs de conseillers.
La proposition de loi a aussi pour but d'autoriser les conseils des communautés de communes à accorder une indemnité aux conseillers disposant d'une délégation et ce dans le respect de l'enveloppe indemnitaire globale (dans les autres types de communautés, cette possibilité existe déjà). En application de cette disposition, les actuels vice-présidents de communautés de communes qui, du fait des fusions et des règles de plafonnement du nombre des vice-présidents, perdront leurs fonctions après le 1er janvier 2017, pourront conserver une indemnité s'ils bénéficient d'une délégation.
"Faciliter la mise en place et le fonctionnement des intercommunalités"
A ces dispositions prévues initialement, les sénateurs ont, en commission puis en séance, ajouté plusieurs mesures dont le but est de "faciliter la mise en place et le fonctionnement des intercommunalités", comme le dit le nouvel intitulé qu'ont retenu les sénateurs pour la proposition de loi. Elles visent notamment à :
- reporter du 31 mars au 30 avril 2017 la date-limite d'adoption du budget pour les communautés créées le 1er janvier prochain ;
- permettre aux communes membres d'une communauté urbaine ou d'une métropole et ne disposant que d'un siège au sein du conseil communautaire de désigner un suppléant (cette possibilité existe déjà dans les communautés de communes et d'agglomération) ;
- préciser qu'en matière de commerce de proximité, seul "le soutien aux activités commerciales" est d'intérêt communautaire. La définition de la politique locale du commerce ne le serait pas, contrairement à ce que certains considèrent à la suite de la loi Notr du 7 août 2015 ;
- préciser que pour certaines compétences, le vote de l'intérêt communautaire, c'est-à-dire la ligne de partage entre les communes et l'intercommunalité, a lieu à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés ;
- supprimer la nécessité, pour les communautés de communes, de recueillir l'accord de leurs communes membres pour adhérer à un syndicat mixte ;
- préciser que la "création" des aires d'accueil des gens du voyage relève bien de la responsabilité des EPCI à fiscalité propre – et non des communes - dans les conditions définies par la loi.
Rattachement des communes nouvelles à un EPCI
La Haute Assemblée a aussi adopté un amendement du gouvernement qui modifie la procédure de rattachement des communes nouvelles à un EPCI à fiscalité propre, lorsque les communes historiques appartiennent à des EPCI distincts. Le choix de l'EPCI auquel sera rattachée la commune nouvelle n'appartiendra plus au conseil municipal de la commune nouvelle, mais aux conseils municipaux des anciennes communes. En outre, l'amendement introduit des dispositions permettant à la loi d'être conforme à une décision rendue le 21 octobre dernier par le Conseil constitutionnel (voir ci-contre notre article du 24 octobre : Le Conseil constitutionnel censure la procédure de rattachement des communes nouvelles à un EPCI).
La proposition de loi "arrive un peu tard", a reconnu Jacqueline Gourault. Son éventuelle adoption définitive interviendra en effet sans doute après le 16 décembre 2016, date jusqu'à laquelle les communes membres des communautés fusionnant le 1er janvier prochain pourront s'accorder sur la composition du conseil communautaire.
Interpellé par la rapporteure sur "l'urgence d'inscrire la proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale pour débloquer au plus vite des situations locales", le ministre en charge des collectivités territoriales a déclaré qu'il "s'efforcerait de faire aboutir" le texte.