Inscriptions scolaires : ces jeunes couples qui quittent les métropoles
Sans aller jusqu’à parler d’"exode urbain", terme qui a fait florès depuis deux ans, l’économiste Olivier Bouba-Olga constate une baisse marquée des inscriptions scolaires dans les métropoles, au profit des communautés de communes.
L’idée d’un "exode urbain" engendré par la crise sanitaire est l’objet de bien des spéculations. L’essor du télétravail couplé au désir de se mettre au vert, accentué encore par les confinements répétés, ont sans doute poussé de nombreux habitants des métropoles à franchir le pas. Des enquêtes menées par l’Ifop pour le compte des villes moyennes ont montré un potentiel très important : environ 400.000 habitants des grandes villes seraient prêts à plier bagage (voir notre article du 7 septembre 2020). Mais des intentions aux actes, il y a parfois un fossé. Alors qu’en est-il réellement ? Jusqu’ici, les seules données vraiment tangibles étaient celles des transactions immobilières. On pourrait citer le regain des achats de maison à la campagne mis en exergue par la FNsafer (voir notre article du 28 mai 2021). Ou encore le baromètre présenté le 15 juin 2021 par l’ANCT et le Conseil supérieur du notariat montrant le dynamisme de l’immobilier des villes moyennes (voir notre article du 15 juin 2021). Plus récemment, l’indice Notaire-Insee des prix des logements anciens a confirmé cette dynamique : au deuxième trimestre 2021, le prix des appartements a augmenté de 6,7% en province contre 2,1% en Île-de-France (-0,2% à Paris). Et ce sont les villes de moins de 10.000 habitants qui connaissent la hausse la plus marquée.
Seulement acheter ne veut pas forcément dire déménager. Il peut s’agir d’un pied à terre. Sans parler des investisseurs qui achètent un bien pour le louer sur une plateforme de type Airbnb ou Abritel. L’économiste Olivier Bouba-Olga, responsable du pôle Datar de la région Nouvelle-Aquitaine, a alors eu l’idée d’exploiter les inscriptions scolaires de la rentrée 2021 à l’échelle des intercommunalités. Et ses premiers éléments d’analyse confirment une hausse significative des mobilités résidentielles des grandes villes vers les petites villes, comme il a pu l’expliquer, jeudi 13 janvier, lors d’un webinaire organisé par l’Institut CDC pour la recherche et l’Observatoire des impacts territoriaux de la crise. "L’hypothèse était que s’il y a des mobilités importantes entre les territoires, cela doit se traduire par une augmentation plus forte des inscriptions scolaires", explique-t-il. De manière générale, l’évolution démographique fait que depuis quelques années, on constate une baisse des effectifs du premier degré (écoles maternelles, élémentaires et primaires). Dans le second degré (collèges, lycées), la baisse est moins significative : elle arrive avec un peu de retard mais elle a aussi commencé.
Les métropoles ont perdu plus de 33.000 élèves à la rentrée 2021
Dans sa présentation, l’économiste s’est surtout penché sur les inscriptions du premier degré. Entre la rentrée 2016 et la rentrée 2019, la France métropolitaine enregistre 108.000 inscriptions en moins. La baisse est de 84.000 entre 2019 et 2020, et de 87.000 entre 2020 et 2021. Mais avec d’importantes différences géographiques. Sur la période 2016-2019, les 22 métropoles étaient la seule catégorie à connaître une hausse des effectifs (+ 8.169). En 2019-2020, toutes les catégories sont touchées par la baisse. Mais en 2020-2021, un changement s’opère : les métropoles deviennent les plus récessives (avec 33.632 élèves du premier degré en moins, soit une baisse d’1,7% contre 1,4% au niveau national). À l’inverse, les communautés de communes, qui étaient les plus récessives avant crise, se situent aujourd’hui dans la moyenne. "L’évolution démographique scolaire du premier degré se fait au détriment des métropoles et au profit des communautés de communes", en conclut le chercheur.
La situation n’est cependant pas uniforme d’un territoire à l’autre. Sur les 22 métropoles, 10 sont vraiment concernées par le phénomène, à commencer par le Grand Paris (- 2,65% des effectifs entre 2019 et 2021, soit près du double de la moyenne nationale), mais aussi Grenoble, Clermont, Nancy, Lyon, Tours et, dans une moindre mesure Dijon, Strasbourg, Lille et Saint-Étienne. Le Grand Paris a ainsi perdu 18.500 élèves du premier degré entre la rentrée 2020 et la rentrée 2021. "Attention à ne pas raisonner trop par catégorie", insiste aussi le chercheur au vue de cette hétérogénéité. En outre, il ne relève pas de lien "significatif" entre ces mobilités et la distance par rapport aux métropoles.
L’arrivée de nouveaux habitants n’est pas forcément une bonne nouvelle. "Préparez-vous, commencez à réfléchir à comment vous allez pouvoir répondre aux attentes des populations, ce n’est pas juste du positif", prévient Olivier Bouba-Olga.