Inflation normative : les élus locaux ne perçoivent pas d'amélioration

La délégation aux collectivités du Sénat vient de dévoiler les résultats de la consultation des élus locaux qu'elle a organisée sur les normes s'appliquant aux collectivités territoriales. Un peu plus de la moitié des élus locaux ayant répondu considèrent que ces normes sont devenues plus complexes ces trois dernières années. Les deux tiers jugent qu'elles ont entraîné des conséquences négatives sur certains de leurs projets. Le champ de l'urbanisme est notamment visé.

53% des élus locaux interrogés par le Sénat estiment que les normes applicables aux collectivités territoriales "se sont complexifiées" depuis trois ans, tandis qu'un tiers considèrent plutôt que la situation est "stable". 13% des répondants ne se sont pas prononcé sur le sujet et 1% a répondu que la situation "s'est améliorée".

Avec le concours d'Ipsos, la Haute Assemblée avait lancé le 18 novembre une consultation des élus locaux afin de recueillir leur avis sur un sujet qui constitue à leurs yeux, depuis de nombreuses années déjà, l'une des principales difficultés entravant l'action publique. 2.613 élus locaux, pour l'essentiel en fonction dans des communes de moins de 5.000 habitants, y ont répondu. 

Les élus ayant à leur actif quatre mandats et plus et les présidents d'intercommunalité sont les plus nombreux (un peu plus des deux tiers) à considérer que les normes sont devenues plus compliquées ces trois dernières années.

"Lueur d'espoir"

Ces résultats sont "préoccupants", a réagi le 30 janvier Rémy Pointereau, premier vice-président de la délégation aux collectivités territoriales. Le "Monsieur simplification" du Sénat a toutefois perçu "une lueur d'espoir", car, a-t-il expliqué, lors d'une consultation organisée il y a deux ans par le Sénat, les élus locaux étaient 80% à juger que la complexité des normes s'était aggravée au cours des trois années passées. 

Autre enseignement de la consultation dont les résultats viennent d'être dévoilés : les deux tiers des élus interrogés considèrent que les normes, par "leur complexité ou leur contradiction", ont eu "des conséquences négatives sur certains" de leurs projets. Avec, dans le détail : un "coût plus élevé" pour 59% d'entre eux, des modifications des projets pour 44% et des reports des échéances prévues pour 40%.

Pour résoudre les difficultés, l'État est perçu comme n'étant pas à la hauteur : seulement un élu sur cinq affirme avoir été "bien accompagné". La "bureaucratie", "la lenteur administrative", "la difficulté d'accès aux subventions", l'insuffisance des effectifs d'agents publics, "les problèmes de communication" sont, entre autres, pointés.

Droit de dérogation préfectoral

Le droit accordé depuis 2020 aux préfets de déroger sous certaines conditions à des normes relevant de leurs compétences n'est connu que par 16% des élus sondés. Et, parmi ceux-ci, seulement 14% "l'ont utilisé". Mais ces derniers considèrent très majoritairement que la procédure est efficace. Un résultat encourageant pour les sénateurs, qui poussent à un élargissement des possibilités d'utilisation de cet outil et à un recours accru.

Parmi les domaines d'action concernés par le pouvoir de dérogation du préfet, celui de la construction, du logement et de l'urbanisme est jugé "prioritaire" par l'ensemble des répondants à la consultation compte tenu de la complexité de ses règles. 

La nécessité d'une simplification du code de l'urbanisme semble d'ailleurs faire l'unanimité. "Tout le monde est d'accord aujourd'hui autour de la table", a déclaré le 30 janvier, devant la délégation sénatoriale, le président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Gilles Carrez a annoncé que ce chantier allait être engagé par le Conseil d'État, à la demande du Premier ministre.

Propositions du Conseil d'État

Les juges du Palais-Royal auraient la charge de "définir un périmètre" de suppression de certaines normes du code de l'urbanisme. "On pense notamment à l'élaboration de tous les schémas : Scot, PLU…", a précisé le président du CNEN. À l'issue d'une "mission flash" de "deux ou trois mois", le Conseil d'État remettrait des propositions, qui nourriraient des travaux du CNEN, des associations d'élus locaux et du Parlement.

Un certain nombre de dispositions réglementaires seraient simplifiées, selon Gilles Carrez. D'autres, qui relèvent du domaine réglementaire, mais avaient été introduites par la loi dans le code de l'urbanisme, feraient l'objet d'une "délégalisation". La procédure exige une saisine du Conseil constitutionnel : en cas de feu vert, le gouvernement pourrait modifier par décret les textes concernés.