Sénat : la délégation aux collectivités veut "accélérer" sur la simplification

La simplification et la lutte contre les excès normatifs demeurent en haut de la pile des dossiers de la délégation sénatoriale aux collectivités. Et dans ce domaine, son nouveau président veut "accélérer". Présentant sa feuille de route ce 15 janvier, Bernard Delcros a annoncé de prochains travaux notamment sur "la complexité" des règles de la commande publique. Au programme également : un état des lieux des exonérations et suppressions de fiscalité locale, mal compensées, selon les sénateurs.

Le sénateur centriste Bernard Delcros se saisit du flambeau que lui a passé sa prédécesseuse, Françoise Gatel. "Il faut stopper l'inflation normative", un phénomène qui "freine", voire "empêche" les projets, notamment des collectivités, a estimé le président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ce 15 janvier.

"Il faut que les normes soient calibrées avec bon sens, en fonction de la réalité des territoires", a déclaré cet ancien élu local du Cantal, en mettant en avant sa volonté d'"accélérer" sur ce chantier "de longue haleine". Lors d'une conférence de presse, il a détaillé plusieurs pistes de travail concrètes.

La commande publique et ses "surcoûts"

"Nous allons faire aboutir rapidement une mission sur l'élargissement du pouvoir de dérogation des préfets", qui a été confiée au sénateur (LR) Rémy Pointereau et à la sénatrice (radicale de gauche) Guylène Pantel. L'idée émise par leur rapport - qui sera présenté le 13 février - est d'"élargir ce pouvoir de dérogation [qui a été créé par décret en 2020] pour vraiment donner au préfet de département la capacité à pouvoir adapter les réglementations en fonction des réalités locales". En sachant que, pour les sénateurs, "des orientations" devront être données aux préfets pour que ce pouvoir de dérogation "soit complètement appliqué". Les sénateurs regrettent que la souplesse donnée aux représentants de l'État dans les territoires soit peu utilisée - on compterait en moyenne une dérogation par département et par an et dans 90% des cas, ces initiatives concerneraient les collectivités.

Cependant, dans leur "interprétation des textes", les services déconcentrés de l'État ne respecteraient pas toujours "l'esprit de la loi", notamment en matière d'urbanisme, a aussi pointé Bernard Delcros. Il a indiqué avoir saisi la ministre chargée du Logement, Valérie Létard, de ce sujet. L'élu attend que "des consignes soient données".

Le président de la délégation a également dénoncé les "surcoûts" liés à la "complexité" des règles de la commande publique. Avec les "procédures de plus en plus compliquées", "on exclut souvent des artisans, qui n'ont pas de services administratifs pour les respecter dans les réponses aux marchés publics, particulièrement en milieu rural. On réduit donc le champ de la concurrence, ce qui a une incidence sur les prix", a déploré Bernard Delcros. "Les délais de la commande publique ont augmenté de plus de 50% en l'espace de quelques années", pointe-t-il par ailleurs. Une mission, dont les rapporteurs seront désignés ce 16 janvier par la délégation aux collectivités, s'attellera à ces questions.

Assises de la simplification

Avant un entretien avec le président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), Gilles Carrez, prévu le même jour, le président de la délégation a évoqué par ailleurs une évolution en cours du travail sénatorial, pour mieux prendre en compte les avis de l'instance chargée d'examiner les projets de normes concernant les collectivités. Il a aussi mentionné un chantier visant à mieux évaluer le "bien-fondé" et les conséquences sur l'action locale des propositions de loi inscrites à l'ordre du jour du Sénat.

Ces axes de travail figuraient dans les objectifs de la charte d'engagements signée par le gouvernement et le Sénat (voir l'article), lors des états généraux de la simplification des normes, en mars 2023. Une initiative dont un premier bilan avait été dressé un an plus tard, en présence du Premier ministre, Gabriel Attal (voir l'article). Et dont le deuxième anniversaire sera aussi célébré, début avril 2025 - a priori le 3 avril. "On acte le principe selon lequel chaque année, au mois d'avril, auront lieu des Assises de la simplification, pour mesurer les avancées concrètes (…) et voir les chantiers qu'il reste à mener", explique Bernard Delcros.

A noter : les travaux du Sénat sur la simplification s'appuieront sur les "2.612" contributions apportées fin 2024 par les élus locaux ayant participé à la consultation organisée par la chambre des territoires sur le sujet. L'analyse de ces réponses sera présentée le 30 janvier. 

"Postes d'enseignants : changer de méthode"

Au-delà de ce sujet majeur, le président compte réaliser "un état des lieux sur les 15 dernières années des conséquences financières sur les collectivités des différentes exonérations ou suppressions de la fiscalité locale". Le but est de pouvoir "mesurer de près, pour chaque collectivité et taxe par taxe, quelle est la perte pour la collectivité". Le sénateur s'est par exemple indigné que les exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties mises en place "en 2007" en faveur des terrains agricoles ne soient plus compensées aujourd'hui qu'à "40%" pour les communes. Il faudra "remettre les compteurs à zéro", prévient le sénateur.

La délégation va aussi se pencher sur les réductions de postes d'enseignants, qui obéissent à une logique "comptable" et non "d'aménagement du territoire". Pourtant, le plan France Ruralités présenté en juin 2023 par Elisabeth Borne prévoirait une "visibilité de trois ans pour les élus, les acteurs éducatifs et les parents d'élèves". Le sénateur du Cantal entend rappeler ce principe à celle qui dispose aujourd'hui du portefeuille de ministre de l'Éducation nationale, qu'il rencontrera prochainement.

Travaux tous azimuts

Par ailleurs, la délégation prépare, ou va lancer dans les prochaines semaines, des travaux sur des sujets nombreux et divers, parmi lesquels :

-"l'intelligence artificielle dans l'univers des collectivités",

-"l'ingénierie locale en matière de développement économique",

-les difficultés assurantielles des collectivités (en lien avec la commission des finances du Sénat),

-l'exercice de la compétence des intercommunalités en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi),

-"les conditions de réussite de l'intercommunalité" (notamment en matière de gouvernance),

-"les conséquences des activités de pleine nature en matière de responsabilité pénale",

-"la place des ruralités dans l'économie des transitions environnementale, économique et démographique".

Evoquant, au cours de la rencontre avec la presse, les dossiers "attendus par les élus locaux", le sénateur centriste a cité l'amélioration du statut de ces derniers et les assouplissements au transfert de la gestion de l'eau et de l'assainissement. Il s'est dit satisfait de la volonté exprimée par le Premier ministre, François Bayrou, lors de sa déclaration de politique générale, de voir "aboutir" les propositions de loi adoptées par le Sénat sur ces deux sujets. Ce défenseur de la ruralité a par ailleurs souhaité que la question de l'élargissement du scrutin de liste à la proportionnelle à toutes les communes de moins de 1.000 habitants soit portée rapidement à l'ordre du jour du Parlement, notamment parce que cette règle favorise la parité. Mais le calendrier est serré, car "un usage républicain" veut qu'"on ne modifie pas les modalités d'un scrutin dans l'année qui précède l'élection", en l'occurrence les municipales de mars 2026. 

 

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