Inclusion numérique : 250 millions d'euros pour "un défi quasi civilisationnel"
Le plan de relance consacre 250 millions d’euros à l’inclusion numérique. La troisième édition du forum Numérique en Commun[s] (NEC) qui s’est tenue le 17 novembre 2020 a permis de détailler les mesures prévues dans le cadre de cette mobilisation visant à "rapprocher le numérique du quotidien des Français". Dont le recrutement de 4.000 conseillers numériques, des "kits d’inclusion numérique", la généralisation d'"Aidants Connect" et un nouveau déploiement de "hubs numériques".
Les présentateurs de l’édition en distanciel du NEC - pour Numérique en Commun[s] - s’excusent de proposer l’édition 2020 sur Youtube alors que l’événement entend défendre la souveraineté numérique et les logiciels libres. Mais ce choix était dicté par un "souci d’accessibilité au plus grand nombre"... ce qui en dit long sur le chemin qui reste à parcourir. "Il faut un électrochoc pour passer à la vitesse supérieure", a décrit Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, lors de son intervention, à distance, dans la matinée du 17 novembre. Et d’enfoncer le clou : "On a besoin d’un plan Marshall pour l'inclusion numérique. Alors peut-être qu’on y est pas encore." Un rapport de la mission sénatoriale de la lutte contre l’illectronisme, publié à la rentrée 2020, estimait en effet qu’"il faudrait quatre fois plus que ce que prévoit le plan de relance" (voir notre article du 23 septembre) pour lutter contre ce "fléau national", celui de 13 millions de concitoyens "éloignés du numérique". Pour l'heure en tout cas, 250 millions d’euros sont mis sur la table dans le cadre de France Relance présenté le 3 septembre.
1.000 conseillers numériques d’ici la fin du premier semestre 2021
Concrètement, cette enveloppe sera employée à développer plusieurs actions qui s’articulent autour trois axes : "plus de formateurs, dans plus de lieux, avec plus de moyens".
4.000 conseillers numériques France Services, entièrement financés par l’État, vont être recrutés et déployés pour proposer des ateliers d’initiation et de perfectionnement au numérique, partout sur le territoire. Le gouvernement se fixe pour objectif d'en recruter 1.000 d’ici la fin du premier semestre 2021. Ces conseillers seront accueillis par des collectivités territoriales et acteurs privés associatifs ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Ainsi, "dans les mairies, dans les bibliothèques, les France Services, les maisons de retraite et Ehpad, dans les centres d’action sociale, les associations de proximité, ces conseillers [...] assureront des permanences, organiseront des ateliers, proposeront des mini-formations", décrit le dossier de présentation. En pratique, le financement sera de 50.000 euros par conseiller numérique pour les collectivités, contre 40.000 euros pour les structures privées. La plateforme conseiller-numerique.gouv.fr, pour candidater ou pour accueillir des conseillers numériques France Services, vient d’être mise en ligne. Pour ceux déjà en poste, dans des collectivités ou ailleurs, ils pourront bénéficier de dispositifs de valorisation des acquis de l’expérience (VAE).
Cette première enveloppe doit également permettre le financement du centre d’appel "Solidarité numérique" qui a fait ses preuves lors du premier confinement et qui reprend du service pour accompagner les personnes en difficulté avec le numérique durant les périodes de confinement, grâce au numéro vert 01 70 772 372 et sur le site www.solidaritenumerique.fr (lire notre article du 13 mai 2020 ).
"Le numérique va faire revivre la campagne"
"Les lieux d’accueil seront également plus nombreux, modernisés, et rendus plus attractifs", prévoit le deuxième axe. Ces lieux, ce sont les espaces France Services, mais aussi les mairies elles-mêmes, les bibliothèques ou les tiers-lieux existants. 40 millions d’euros sont dévolus au déploiement de nouveaux modules d’accueil, conçus par des designers et artisans français.
Le gouvernement annonce aussi conception et déploiement de "kits d’inclusion numérique" pour les bibliothèques, les centres sociaux, les mairies, les tiers-lieux, les associations caritatives, etc. Un accompagnement spécifique pour les mairies rurales, afin de les accompagner dans la mobilisation de fonds préfectoraux (DETR, DSIL) pour l’acquisition de matériel informatique ou des stations d’accueil est prévu.
"Partout, la fibre se développe sur le territoire", a par ailleurs souligné la ministre de la Cohésion des territoires, lors de son intervention, aux côtés de Cédric O, souhaitant que le numérique fasse "revivre la campagne". Avec le plan de relance, la somme supplémentaire allouée est de 250 millions d’euros, "ce qui porte l’enveloppe globale à 550 millions d’euros", a recalculé Jacqueline Gourault, prévoyant que cela devrait"“permettre aux 21 départements ruraux en retard de le rattraper".
Généralisation du service public numérique "Aidants Connect"
Des moyens supplémentaires serviront à outiller les aidants que sont les secrétaires de mairie, les travailleurs sociaux, et à "accélérer leur montée en compétence". L'enveloppe globale dédiée à cet axe s’élève à 10 millions d’euros. Le plan prévoit la généralisation du service public numérique "Aidants Connect", à hauteur de 5 millions d’euros. Aidants Connect est un service public mis en place "pour sécuriser le fait qu’un aidant réalise une démarche administrative pour le compte d’un usager et protéger les données personnelles". 13 collectivités l'expérimentent actuellement.
87 Pass numériques, nouvel AMI pour "hubs territoriaux"
Concernant le Pass numérique, 87 collectivités ont déjà signé avec l’État pour un montant de 22 millions d’euros, a précisé le ministère de la Cohésion des territoires. Qui rappelle que 2 millions sont en cours de déploiement pour accompagner 400.000 personnes. On notera que onze hubs territoriaux mis en place en partenariat avec la Banque des Territoires, en alliance locale avec les Interconnectés, couvrent déjà 67 départements. Ces hubs ont vocation à "animer le territoire, que ce soit en apportant une expertise aux décideurs locaux, en assurant la formation des professionnels de la médiation numérique, ou encore en accompagnant l’émergence de projets locaux", explique la Banque des Territoires. Ils ont permis le recensement et l'accompagnement de 6.200 lieux de médiation numérique depuis un an, la formation de 1.287 aidants numériques ou encore l'accompagnement de 27 projets de financements complémentaires à des projets territoriaux. Ce 17 novembre, la Banque des Territoires a lancé un nouvel appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour la création et le déploiement de "hubs numériques". Les aidants numériques sont invités à envoyer leurs candidatures d'ici le 30 juin 2021.
Peut-être que le cliché serait de croire que l'inclusion numérique ne concerne que les personnes âgées. Mais "ce sont aussi des jeunes, qui semblent à l’aise avec leurs smartphones mais ne sont pas toujours capables de faire les démarches administratives", a rappelé Jacqueline Gourault. En tout cas, "c’est un défi quasi civilisationnel", a estimé Cédric O.