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Géographie de la crise : le député Jean-Noël Barrot livre ses premières analyses

Un choc inégalement réparti sur le territoire, des effets locaux amplificateurs, une amorce d'exode urbain… Le député Jean-Noël Barrot, chargé en janvier 2021 d'une mission relative à l'accompagnement de la sortie de crise et au rebond économique territorial, a présenté un premier point d'étape aux partenaires sociaux, le 8 juin.

Le choc économique de la crise "est inégalement réparti sur le territoire." Après avoir rencontré plus de 400 acteurs de terrain (organisations professionnelles, entreprises, élus, services déconcentrés…) dans quinze départements et près de 50 communes, Jean-Noël Barrot, député Modem des Yvelines, a présenté aux partenaires sociaux, le 8 juin, en présence de la ministre du Travail, Élisabeth Borne, un premier point d'étape de sa mission relative à l'accompagnement de la sortie de crise et du rebond économique territorial. Cette mission, qui lui a été confiée par le Premier ministre en janvier 2021, et qui s'appuie sur l'évolution de la masse salariale des bassins d'emploi, sur le ressenti des Français et les flux résidentiels, permet en effet de montrer l'hétérogénéité des situations.

Parmi les trente bassins les plus affectés, on trouve Roissy en Île-de-France, mais aussi Saint-Louis dans le Haut-Rhin, La Tarentaise en Savoie et Calvi en Corse-du-Sud. Et "ces trente bassins les plus affectés ont une masse salariale deux fois et demie plus impactée que la moyenne", explique le député des Yvelines à Localtis. Ces bassins ont vu leur masse salariale baisser de 12,6% contre une augmentation de 1% pour les zones d'emploi les moins affectées, et une baisse de 5,6% pour l'ensemble des zones.

La géographie de la crise ne recoupe pas celle des "fragilités antérieures", constate le député, confortant les analyses déjà formulées par l'Insee ou l'Observatoire des impacts territoriaux de la crise. "Les dix départements dans lesquels la baisse de la masse salariale est la plus forte ne sont pas dans les dix qui ont les plus forts taux de chômage ou de pauvreté", précise Jean-Noël Barrot. 

Des effets locaux amplificateurs

Au-delà de la structure sectorielle des territoires et de la typologie des entreprises qui y sont implantées, le rapport d'étape insiste sur les facteurs locaux qui contribuent nettement à la baisse d'activité (voir également l'analyse de Régions de France). Les chefs d'entreprise interrogés en témoignent : un tiers d'entre eux déclarent que leur implantation territoriale aura un effet sur leur reprise d'activité, et 30% estiment que la reprise de leur activité aura un effet bénéfique sur leur territoire. "La composition sectorielle des bassins d'emploi et la typologie des entreprises ne suffisent pas à expliquer la baisse d'activité. Il y a des effets propres aux territoires. Ils sont difficiles à déterminer, mais cela peut être par exemple le développement du télétravail, un service aux entreprises qui a particulièrement souffert de la crise..., détaille Jean-Noël Barrot. Il y a des éléments d'amplification locale, il faut en tenir compte avec des mesures destinées à un territoire particulier plutôt qu'à un secteur."

Les métropoles plus touchées

Le député souligne aussi "l'infortune des métropoles" qui sont dans l'ensemble plus touchées par la crise, avec une baisse de la masse salariale avoisinant les 14% pour Paris, Lyon, Marseille, bien plus forte que celle constatée dans des villes plus petites. "On voit se dégager une perte d'activité plus forte dans les grandes métropoles qu'ailleurs", insiste le député. À cela s'ajoute une amorce d'exode urbain (voir également notre article du 28 mai 2021). Le rapport d'étape, qui s'appuie sur les données notariales, signale ainsi une augmentation des flux résidentiels de plus de 30% au départ de Paris. "Il y a une auréole autour des grandes métropoles avec des flux résidentiels pour des départements alentour moins denses, c'est le cas pour Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Nantes", assure Jean-Noël Barrot.

Parmi les dix départements en plus forte baisse sur ces flux : la Seine-Saint-Denis (écart de 26%), l'Hérault (-26%) et le Nord (-22%). À l'inverse, des départements comme le Loiret (+153%), l'Eure (+148%), l'Orne (+110%), l'Eure-et-Loir (+72%), les Yvelines (+50%), la Seine-et-Marne (+ 44%), accueillent de plus en plus de monde, notamment des Parisiens. L'Ain, la Loire et l'Isère profitent pour leur part de l'afflux de Lyonnais. Le Vaucluse attire des Marseillais.

Des exemples "inspirants"

Ce "rééquilibrage territorial" peut être source d'opportunités, à condition d'être accompagné. C'est tout le sens de la mission. Cette dernière met en exergue un certain nombre d'exemples "inspirants" venus des territoires comme les "packs télétravail" mis en place en Ariège pour attirer des salariés de la région toulousaine. En Moselle, un réseau d'une quarantaine de personnes animé par la préfecture, la région, les chambres consulaires et les agences de développement économique, les "développeurs France Relance", facilite la mobilisation de tous pour accompagner les entreprises. Même chose dans le Cher, avec les "Ambassadeurs pour la relance", des jeunes en service civique recrutés par la préfecture et placés dans les EPCI pour renforcer l'appui aux entreprises sur le terrain. Autre initiative : la mutualisation des fonds de revitalisation à Allenjoie dans le Doubs. 5 millions d'euros de financements ont ainsi été mobilisés pour accompagner l'implantation de l'usine Faurecia de réservoirs à hydrogène. Des projets de recyclage de friches industrielles voient aussi le jour à Vierzon dans le Cher, avec un projet de campus numérique dans une ancienne usine de tracteurs en plein centre-ville à l'arrêt depuis 25 ans, ou encore à Tonneins dans le Lot-et-Garonne avec la réhabilitation des friches de la Manufacture des tabacs où va s'installer fin 2021 la start-up K-Ryole de remorques électriques pour vélos.

Le député alerte enfin sur la situation de 21 zones d'emploi qui combinent des fragilités pré et post-Covid. C'est le cas de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), Abbeville (Somme), Thionville (Moselle), Marseille (Bouches-du-Rhône), des Hautes-Pyrénées, de la région de Calvi en Corse, de la Corse-du-Sud, des Alpes-Maritimes, de l'ouest du Tarn-et-Garonne ou de l'Hérault, d'Oyonnax (Ain)... Il préconise de mettre en place un "bouclier anti-décrochage territorial".

Le rapport final est attendu pour juillet. Il devrait aborder la question des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) et des zonages.