Logement / Urbanisme - Immobilier : la Cour de cassation marque un coup d'arrêt aux recours abusifs
Les élus - et les promoteurs et bailleurs sociaux - qui pestent contre les recours abusifs déposés pour bloquer des opérations immobilières liront avec intérêt un arrêt récent de la Cour de cassation. Après le projet non abouti d'"urbanisme de projet" voulu par son prédécesseur (voir nos articles ci-contre), Cécile Duflot, soucieuse d'accroître l'offre de logement, avait déjà fait part de son intention de s'attaquer, sous des formes qui restent à préciser, aux recours manifestement abusifs, dans le cadre du futur projet de loi sur le logement et l'urbanisme. Mais la Cour de cassation semble l'avoir devancé, ou du moins avoir ouvert une première brèche.
Dans un arrêt du 5 juin 2012, la Cour confirme un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 16 mars 2011, qui condamnait notamment la société Finaréal à verser à la SCI Mandelieu Estérel et la SCI Eiffage immobilier Azur la somme de 385.873,15 euros au titre de l'ensemble des préjudices subis. Pour justifier sa décision, la Cour de cassation retient tout d'abord "que le recours pour excès de pouvoir formé par la société Finaréal contre le permis de construire délivré à la SCI Mandelieu Estérel avait été inspiré non par des considérations visant à l'observation des règles d'urbanisme mais par la volonté de nuire aux droits du bénéficiaire". Dans ces conditions, la cour d'appel d'Aix-en-Provence "a pu déduire, de ces seuls motifs, que l'exercice du droit d'ester en justice avait dégénéré en abus".
La Cour considère également "qu'ayant retenu que le recours pour excès de pouvoir et son maintien pendant plus de quatre années, malgré le caractère exécutoire du permis de construire délivré, avait perturbé le projet immobilier de la SCI et l'avait empêchée de le mettre en oeuvre, le permis de construire devant être définitif et purgé de tout recours en cas de vente en l'état futur d'achèvement, modalités que la SCI avaient choisies pour réaliser son programme immobilier de logements, la cour d'appel, qui a motivé sa décision, a caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre l'exercice du recours et le préjudice subi par la SCI Mandelieu Estérel, qu'elle a évalué en appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve versés aux débats".
L'intérêt de cet arrêt est qu'il ne vise pas - dans ses attendus - les cas, déjà advenus, de recours à caractère vénal. Ces derniers - comme le dépôt délibéré d'un recours dans le seul but de proposer ensuite son retrait contre un "dédommagement" - s'apparentent en effet à un chantage et relèvent du Code pénal. Même si l'arrêt ne précise pas les circonstances de l'espèce, l'affaire relève de la justice civile et peut tenir à une question de convenance (refus de voir s'installer un immeuble à proximité du sien), de valorisation (crainte d'une perte de la valeur de son bien du fait de l'installation d'un immeuble voisin) ou de concurrence commerciale.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Cour de cassation, troisième chambre civile, arrêt n°11-17919 du 5 juin 2012.